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Paris, 1879, t. Xl, p. 79. Ht ils veulent que les motifs de crédibilité, avec l’évidence de crédibilité qu’ils donnent, soient le dernier terme où s’arrête l’analyse subjective. Loc. cil., et n. 174, 177. Les lois de l’esprit humain l’exigent : « Tout assentiment obscur, s’il est ferme et prudent, doit se ramener du côté du sujet à un assentiment évident ; et nous voyons la même chose dans la foi humaine. » Loc. cit., n. 175, p. 81.

Établir une pareille chaîne de raisonnement jusqu’à l’assentiment de foi, nous dira-t-on sans doute, c’est exclure la volonté et la grâce, c’est remplacer leur concours par une évidence nécessitante et par une logique toute naturelle. — La volonté’? Elle n’est nullement exclue. D’abord elle aura normalement à intervenir au moins dans l’un des anneaux de la chaîne, peut-être même en plusieurs, à cause des doutes imprudents qui peuvent surgir et de l’évidence seulement morale qu’auront dans cette chaîne un ou même plusieurs énoncés, suivant les circonstances subjectives. Voir col. 209-211. Cette intervention de la volonté ici ou là ne rompra point la continuité du raisonnement apologétique : dans combien de nos raisonnements, même scientifiques et philosophiques, n’arrive-t-il pas qu’une des propositions de la série n’ait qu’une certitude morale, dépendante des dispositions morales et de la volonté ? Pourvu que l’intervention de la volonté ait été légitimée par le verdict du bon sens et le jugement de crédibilité convenable, une telle proposition a une vraie valeur de certitude et peut sans inconvénient tenir sa place dans la série logique, laquelle amènera à une conclusion ferme, quoique non pas souverainement ferme. Cette intervention de la volonté peut déjà servir partiellement à expliquer la liberté de la foi. Voir col. 412, 413. De plus, la volonté doit être animée d’une résolution générale de préférer les vérités révélées à tout ce qui peut les contredire. Voir col. 329 sq. Et du fait de cette disposition entretenue par le sujet, l’assentiment de foi reçoit, par contre-coup direct, une fermeté spéciale. Voir col. 389, 390. Voilà encore une influence de la volonté, sans’qu’il soit nécessaire pour cela de recourir à un oubli des motifs de crédibilité, à un effort contre eux, qui romprait la continuité de la chaîne logique. Ainsi la volonté libre n’est nullement exclue. Et la grâce ? Elle ne l’est pas davantage. D’abord, elle travaille déjà dans les préliminaires de la foi, plus ou moins suivant les circonstances. Voir col. 237 sq. Ensuite, quand vient l’acte de foi proprement dit, c’est-à-dire l’assentiment à l’objet matériel, cet assentiment, du point de vue surnaturel, diffère profondément des jugements spéculatifs précédents, en ce que ceux-ci n’exigeaient pas d’être intrinsèquement surnaturels, d’être produits par la faculté élevée, et, selon la meilleure opinion, ne l’étaient pas, voir col. 365, 366 ; tandis que l’assentiment de foi demande une surnaturalité intrinsèque, œuvre de la grâce, comme l’une de ses propriétés les plus nécessaires. Voir col. 362-364. La grâce développe donc pleinement son influence dans ce dernier assentiment ; mais son intervention, étant invisible, voir col. 371 sq., ne laisse pas de trace dans la connaissance et ne rompt pas la continuité de la chaîne logique ; et l’apologétique, comme telle, peut en faire abstraction. Ces remarques sont importantes pour laisser à l’apologétique, qui ne se confond pas avec la théologie dogmatique, sa juste liberté et sa propre méthode ; pour ne pas l’encombrer de questions théologiques dont elle doit faire abstraction, et qui ne pourraient qu’entraver sa marche.

Nous ne saurions donc approuver, en tant qu’exclusive, la conception que se font beaucoup de théologiens des jugements et des motifs de crédibilité. « Ils servent, disent-ils, à la volonté seulement, pour la rendre prudente dans son intervention. » Lugo a déjà réfuté cette conception, disp. I, n. 32, p. 30, 31. Sans doute, ils servent à la volonté : pourquoi et comment, voir col. 172, 173. On peut même dire que le jugement pratique de crédibilité sert seulement à la volonté, pour diriger prudemment son acte..Mais quant aux jugements spéculatifs et aux motifs de crédibilité qui les prouvent, si d’une part, en préparant le jugement pratique, ils servent à la volonté, de l’autre ils peuvent et doivent servir à l’acte intellectuel de foi, en tant que raisonnable, en formant avec lui cette chaîne continue de raisonnement sans laquelle il n’y aurait ni démenstration ni analyse apologétique de la foi. Laissons donc sans crainte la lumière des premiers principes et des motifs de crédibilité se projeter jusque sur l’acte même de foi pour le rendre raisonnable. Sous ce rapport, il apparaîtra comme la conclusion d’une série d’énoncés ; et l’apologiste, par abstraction, ne verra guère de lui que ce côté générique..Mais une étude plus adéquate de l’acte de foi montrera au théologien que cet acte n’est pas une simple conclusion ; que ses propriétés vraiment spécifiques lui arrivent d’ailleurs que de la voie syllogistique, comme nous l’avons montré plus haut. Appelez-le « conclusion si vous voulez : mais c’est une conclusion d’une nature extraordinaire, une conclusion plus certaine que ses prémisses, comme le remarquait déjà un célèbre théologien du concile de Trente, Véga : Non est inconveniens, conclusionem esse… certiorem quam sinl principia ex quitus infertur, si ab extrinseco et aliunde quam ex præmissis habeal aliquos gradus certitudinis per quos… vincat certitudinem eorum : sicut contingel in proposilo (dans notre cas) propter concursum fldei infusas et pias affeclionis ad assensum conclusions. Tridentini decreli de juslificatione exposilio et defensio, Venise, 1548, 1. IX, c. xxxix, fol. 200, D.

Mais, dira-t-on encore, nous voilà retombés dans l’acte de foi discursif ! — Réponse. — Le mot « discursif » a un double sens. On bien il veut dire que l’assentiment de foi, en lui-même, renferme un raisonnement : et nous avons éliminé radicalement ce sens-là, en disant que la foi n’affirme que son objet matériel. Ou bien il signifie que l’assentiment de foi, simple en lui-même, forme avec les jugements préliminaires un « discours » , une chaîne de raisonnement : et nous éliminons encore ce sens, si l’on entend que l’acte de foi est une pure conclusion, et qu’il tire d’un tel raisonnement toute sa certitude. Considéré spécifiquement, comme on doit le considérer quand on le définit et qu’on étudie sa nature, il ne doit même rien à ce raisonnement, aucun de ses traits distinctifs, ainsi que nous l’avons montré ; ce n’est donc pas là être « discursif » au sens propre du mot. Du reste, pas d’inconvénient à ce qu’il soit discursif dans un sens plus large, sous un rapport secondaire et purement générique, en tant qu’il se rattache à des prémisses qui le rendent raisonnable sans toutefois le spécifier, sans déterminer en rien sa certitude propre et caractéristique. C’est en ce sens que nous avons pu donner l’assentiment de foi comme une connaissance médiate. Voir col. 98, 99. Et il le faut, bien, si l’on veut opposer nettement la doctrine catholique aux théories hérétiques qui font de la foi une connaissance immédiate. Voir col. 101, 106. A cela revient ce qu’il y a de juste dans les remarques de ceux qui suivent avec modifications le système de Lugo, comme le P. Stentrup et le D r Egger. Voir 5e système, col. 488.

Mais, diront les défenseurs d’autres systèmes, si l’on admet cette chaîne de raisonnement, même d’une manière secondaire et qui ne touche pas à la spécification de l’acte, n’est-il pas à craindre que l’autorité et la révélation divines, qui y figurent sous des propositions distinctes, n’en sortent amoindries, et qu’une trop grande importance ne soit donnée aux principes