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dans aucun de ses actes de la connaissance de son motif ; mais cela ne veut pas dire qu’elle l’affirme elle-même. Nous concédons que l’acte d’une vertu théologale doit avoir une liaison intrinsèque avec son motif spécifique ; mais pour cela il suffit qu’elle le suppose préalablement connu, et cela comme une condition nécessaire de son action : par là, ainsi que le remarque Thyrse Gonzalez, le motif intrinsèque et spécifique se distingue suffisamment d’un mol il bextrinsèque, qui peut être surajouté avec avantage, mais qui n’est pas nécessairement requis pour l’existence de l’acte ; tel le motif de la charité peut s’ajouter au motif spécifique d’une vertu morale, mais reste extrinsèque à cette vertu. A cette assertion : L’acte de foi doit atteindre intrinsèquement le mctif qui le spécifie, l’autorité divine, Schiflini a donc raison de répondre : Oui, si par ces mots « atteindre intrinsèquement » vous entendez que l’acte de foi a une révélation de dépendance nécessaire à l’égard de cette autorité divine qui est son motif et sa cause. Non, si vous entendez qu’il doit essentiellement l’affirmer lui-même. Op. cit., p. 205. Cf. Pesch, toc. cit., n. 342-341, p. 156. — Mais, dira quelqu’un, n’y a-t-il pas un milieu entre affirmer une chose, et avoir avec elle une simple relation de dépendance qui la présuppose ? L’assentiment de foi, sans affirmer son objet formel comme vrai, ne peut-il pas y adhérer ? — Nous répondons que, lorsqu’il s’agit d’un jugement, d’un acte d’intelligence, « adhérer » ne peut avoir d’autre sens qu’« affirmer comme vrai » . La volonté, elle, a des « adhésions » qui ne sont pas des affirmations : mais ici nous parlons d’un assentiment intellectuel, et non d’un acte de volonté. Enfin YYilmers, qui attaque longuement (prop. 69, 70, 72, 73, 76), non sans redites, le système que nous venons d’exposer, invoque le mot propter dans la définition de la foi au concile du Vatican, pour prouver que « l’assentiment donné à l’autorité divine est vraiment cause (ou objet formel) de l’assentiment donné à l’objet matériel, et non pas simple condition préalable. » Loc. cit., n. 337, p. 345. Mais le concile ne dit pas que nous devons croire propter assensum dalum auclorilali Dei revelantis, il dit : propter auctorilalem ipsius Dei revelantis. Voir col. 115. Ce n’est pas notre assentiment subjectif, c’est l’autorité divine prise objectivement en elle-même qui est objet formel de l’assentiment à l’objet matériel : tout au moins le mot du concile est susceptible des deux sens. Même remarque pour les textes de saint Thomas qu’allègue Wilmers. D’ailleurs, ce théologien, parce qu’il confond mal à propos en une seule opinion (confusion assez fréquente aujourd’hui) ce que dit Mazzella et ce que disent les Salmanticenses et autres partisans du dernier système (loc. cit., p. 385), leur prête ce que dit peut-être Mazzella, mais ce qu’ils ne disent point, par exemple : Inlclleclus non movetur ab objecto jormali, sed movetur et determinatur a sola voluntate. Loc. cit., p. 345 ; cf. p. 384-386.

c) On a critiqué aussi la discontinuité que ce système mettrait dans une série d’actes qui doit être continue, et dont il briserait la chaîne. C’est la raison naturelle qui affirme l’objet formel ; c’est ensuite la vertu infuse qui, sans connaître l’objet formel, vient affirmer l’objet matériel, en quoi consiste l’acte de foi. La foi est donc impressionnée par un motif qu’elle ignore. La foi croit un mystère parce que Dieu l’a révélé, sans savoir s’il l’a révélé ; savoir cela, c’est l’affaire de la connaissance préalable, appartenant à la science apologétique, dont la foi ne se mêle pas ; cette science préalable est pour la foi comme si elle n’était pas, et la laisse donc dans l’obscurité. « Qu’ils objectent ainsi, répond Élizalde, ceux qui prennent les actes et les accidents pour des substances 1 Nous aussi, nous disons comme tout le monde que la foi croit, donne son assentiment, etc., nous personnifions semblablement la science : mais sans prendre au sérieux ces manières de parler. En réalité, ce n’est pas la foi qui croit, c’est l’homme ; ce n’est pas la foi qui est sollicitée par un motif et qui donne son assentiment, c’est l’homme. Or l’homme qui va croire est le même qui vient de voir que Dieu a révélé, il ne l’ignore pas, il en est conscient et certain. » Op. cit., n. 852, p. 563. On pourrait, ajoute-t-il, faire le même sophisme

propos des rapports de 1 intelligence et de la volonté

la volonté ne se mêle pas de connaître, elle est aveugle ; la connaissance de l’intelligence, par laquelle on prétend lui montrer son but, est donc pour elle comme si elle n’était pas, etc. « Que répondra le bon sens ? Que ce n’est pas la volonté qui aime, mais l’homme, lequel a d’abord connu l’objet. C’est donc bien le même sujet qui connaît et qui veut. » Loc. cil. M. Bainvel fait une remarque semblable : « Il ne faut pas regarder les facultés de l’homme comme isolées et agissant chacune à part. Saint Thomas répète sans cesse que ce n’est pas l’esprit qui voit, mais l’homme par l’esprit ; ni la volonté qui veut, mais l’homme par la volonté. Ainsi dans la foi : c’est l’homme qui voit les motifs de crédibilité, l’homme qui veut croire, l’homme qui croit. L’unité du sujet met partout l’unité, partout la continuité. .. C’est le même esprit qui a constaté que telle vérité obscure pour lui est garantie par l’autorité divine, et qui croit sur cette autorité. » La foi…, 2e utit., p. 190.

d) On critique enfin et surtout ce point fondamental du système, que l’objet formel de la foi consiste dans la divine autorité et la divine révélation prises objectivement en elles-mêmes, et non pas dans la connaissance subjective de ces choses, laquelle est une simple condition de l’objet formel. Une chose, dit-on, n’est motif qu’en tant qu’elle est connue. Thyrse Gonzalez répond avec raison que le mot en tant que est équivoque en lui-même : il peut viser l’essence même du motif formel, et c’est ainsi que l’entendent les adversaires : il peut viser une simple condition, et c’est ainsi qu’il faut l’entendre dans le cas présent. Manuduclio, etc., n. 124, p. 107. Reste pourtant que ce point fondamental d’un système très simple par ailleurs est difficile à bien saisir et à bien justifier, et qu’il présente quelque chose d’insolite, qui n’a pas lieu dans l’analyse de la science humaine ; d’où vient sans doute que Suarez, Lugo et tant d’autres ont plutôt supposé, comme allant de soi, que le motif ou objet formel de la foi devait consister dans l’autorité divine prise en bloc avec la connaissance que l’on en a, et que plusieurs ont en face de notre système l’impression d’un expédient plus subtil que solide. Pour dissiper cette fâcheuse impression, quelques défenseurs du système ont voulu le rattacher à une manière naturelle de croire à la parole d’autrui ; ils ont distingué, même dans la croyance au témoignage humain, la foi-science et la foi d’autorité, la première appuyée sur Ces connaissances subjectives comme motif, la seconde qui atteindrait l’autorité du témoin directement en elle-même, et qui proportionnerait la certitude de l’assentiment que nous donnons au témoin, non pas à notre connaissance préalable de cette autorité, mais à cette autorité prise en soi. Mais nous avons déjà indiqué les raisons pour lesquelles cette théorie générale de la foi, humaine ou divine, nous paraît moins probable. Voir, dans la question de la liberté de la foi, col. 425 sq., et, dans la question de l’obscurité, col. 445, 446 sq. Il nous semble que le dernier système sur l’analyse de la foi dans sa manière de concevoir objectivement et en soi YaucloriUi* Dei revelantis, répond suffisamment à toutes les critiques, non pas en recourant à une théorie générale de la croyance à la parole d’autrui. mais plutôt et