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voir, il faut avouer qu’elle oiïre bien des complications : soit dans ce changement de. lumière subjective, dans ce seul et même objet formel, vu d’abord par la faculté seule, puis par la faculté avec Vhabilus fidei ; soit dans ce long discursus non seulement préparatoire à la foi, mais répété surnaturellement et concentré au cœur même de l’assentiment de foi ; soit dans cet assentiment surnaturel atteignant par lui-même tout un enchaînement d’énoncés, non seulement l’objet matériel avec l’objet formel, et avec la bonitas illalionis, mais encore les preuves multiples qui appliquent l’objet formel. Voyons donc le dernier système, les critiques qu’on lui a faites, et les titres qu’il semble avoir à être préféré à tous les autres.

et dernier système : Salmanticenses, Thyrse Gonzalez, Billot, Schifflni, etc. — Nous traiterons ce système plus au long, soit parce qu’on en trouverait difficilement un exposé complet, avec les critiques, les difficultés et leur solution, soit parce qu’il est adopté aujourd’hui par un bon nombre ; « il semble même que cette opinion tende à se faire peu à peu accepter partout, » dit le P. Pesch, Prælectiones, 3e édit., 1910, t. viii, n. 332, p. 151.

Tous les systèmes précédents s’accordaient à faire connaître par l’assentiment surnaturel de foi un double objet, l’un invariable et formel, auctoritas Dei revelanlis, l’autre variable et matériel, l’incarnation, ou la trinité, etc. Sans doute ils n’entendaient pas les mettre sur la même ligne : la connaissance de foi d’après eux ne fait que passer par le premier objet, comme par son moyen logique, pour se reposer dans le second comme dans son terme et son objet proprement matériel. Mais enfin la plupart des théologiens admettent que l’assentiment de foi lui-même connaît et affirme les deux objets. Le système que nous allons exposer diffère profondément de tous les autres en ce qu’il ne lui fait connaître que l’objet matériel. Puisque l’objet, ou motif formel a été déjà, de l’aveu de tous, connu par manière de préambule, ne peut-il pas suffire de cette connaissance préalable pour rendre ce motif présent à l’esprit ? Ainsi, l’assentiment de foi divine, surnaturel et souverainement certain, n’aura pas à revenir lui-même sur son objet formel par la connaissance ou l’affirmation.

De là résultera une autre différence. La plupart des théologiens, faisant porter cet assentiment de foi sur deux objets logiquement liés entre eux, le formel et le matériel, avec passage de l’un à l’autre, y mettaient forcément une espèce de discursus ou de raisonnement, au moins virtuel. Au contraire, ce nouveau système, ne faisant connaître par la foi que son objet maté] ici, y supprime très efficacement tout « discours » et proclame avec le cardinal Billot que l’assentiment de foi, considéré dans son essence, est absolument simple, aclus simplex alquc omnino incomplexus. De virtutibus infusis, 1905, thés, xvi, p. 287. En dehors de ce système, les théologiens qui disent que la foi n’est pas discursive n’évitent guère un discursus virtuel, s’ils sont conséquents avec eux-mêmes. Voir Wilmers, op. cit., p. 340. Et Sylvester Maurus a pu dire : « Tout le monde suppose cjue l’assentiment de foi renferme un discursus formel ou virtuel. » Opus theologicum, Rome, 1687, t. ii, q. cxxi, n. 5, p. 381.

De là encore une différence à noter. Introduisant dans l’assentiment même de foi un discursus virtuel, les systèmes précédents faisaient entrer dans le sanctuaire non seulement le mystère que l’on croit, l’incarnation par exemple, mais encore, à titre d’objet formel à connaître, ce que l’on appelait les deux « prémisses » : Ce que Dieu révèle est vrai, or il a révélé l’incarnation. Suarez et ceux qui l’ont modifié ne laissaient à la porte du sanctuaire que les preuves de ces prémisses, ce qu’on appelle les motifs de crédibilité ; ceux-ci. on les oubliait, on en « faisait abstraction » , car dans l’analyse de la foi, ils sont fort gênants. Le nouveau système n’a pas besoin de recourir à ces séparations violentes, à ces abstractions arbitraires. Plus radical, il laisse à la porte ces prémisses elles-mêmes, aussi bien que leurs preuves, dont on ne les sépare plus. Lesprécédentsregardaientgénéralement ces prémisses, ces énoncés, comme l’objet formel de la foi. Le système actuel ne regarde comme « objet formel » que la divine autorité et la divine révélation considérées en elles-mêmes, a parle rei : les choses, et non pas les énoncés qui les signifient. Cette manière d’entendre l’objet formel résout facilement la grande difficulté de l’analyse de la foi. S’il consistait dans des énoncés, dans ces deux prémisses, l’analyse de la foi ne pourrait s’y arrêter puisque ces énoncés manquent d’évidence immédiats : elle irait jusqu’à leurs preuves, qui deviendraient le dernier fondement de tout l’édifice et pourquoi pas l’objet formel ? Mais du moment que l’objet formel ne consiste pas en des énoncés sur Dieu, mais en Dieu lui-même, véridique et révélateur, on n’a plus à redouter de si fâcheuses conséquences : car au delà de Dieu même, il n’y a rien. C’est en lui que la fei trouve le dernier et solide fondement qu’il lui faut, et qui la rend vertu théologale ; quoi qu’il en soit du genre de connaissance qui aura présenté cet objet formel, qu’elle soit naturelle ou surnaturelle, connaissance de science ou connaissance de foi. Cette « nnaissance, étant une simple condition de l’objet formel, peut même varier de nature dans les différents cas, et elle est plus ordinairement naturelle, disent les Salmanticenses, qui donnent cette opinion comme très répandue parmi les thomistes. Cursus theologieus, t. xi, De fide, disp. I, n. 180, p. 83. Voir ce que nous avons dit des jugements spéculatifs de crédibilité, col. 365, 366. Les Salmanticenses ajoutent avec raison qu’une simple condition préalable n’a pas besoin d’être aussi parfaite que l’acte qui suivra : ainsi un acte des sens peut servir de condition préalable à un acte d’intelligence, un acte naturel à un acte surnaturel. Par tout cela ils réfutent le principe « de Suarez, de Lugo et des autres, » à savoir que ces énoncés doivent être aussi certains, et d’un ordre aussi relevé que l’assentiment de foi lui-même ; ce qui serait vrai si ces énoncés avaient la causalité d’objet formel que leur prêtent Suarez et Lugo : car une telle cause doit avoir au moins la perfection de son effet ; mais il n’en est pas ainsi d’une simple condition. Loc. cit., n. 181. Les Salmanticenses achèvent d’esquisser le système en disant que l’assentiment de foi ne dépend pas de cette connaissance préalable comme une simple conclusion dépend de ses prémisses, n. 182, p. 84 ; que « la surnaturalité et la fermeté de l’acte de foi ne doivent pas être réglées par les lois du syllogisme, d’après lesquelles la conclusion suit toujours la prémisse la plus faible. » Car cette fermeté d’adhésion qui caractérise la foi « ne provient pas immédiatement d’un acte de l’intelligence, mais de la volonté, » n. 183. Nous citerons encore un peu au long d’autres théologiens, soit pour montrer qu’il n’y a pas d’erreur quand nous les donnons comme défenseurs du système, soit parce qu’ils ajoutent des réflexions utiles qui peuvent servir de complément d’explication, dans une question d’ailleurs très ardue.

Élizalde signale ainsi « l’occasion principale des obscurités et des erreurs '> dans la question présente : « Il arrive que beaucoup de gens, habitués qu’ils sont aux règles de la dialectrique et de la science, inconsidérément les transportent partout. La science (déductive ) a pour loi inviolable de partir d’énoncés immédiatement évidents, de principes ; puis, par déduction, l’on s’avance en s’appuyant toujours sur ce qui pré cède… Le milieu ne peut avoir de solidité qui n’ait été dans le principe, et qui n’en dérive… Si quelque chose