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FOI

certifier que c’est bien Pierre qui parle. Les miracles physiques ou moraux, ou les définitions de l’Église, sont peut-Être un élément constitutif de la parole de Dieu, soit : en tout cas, ces choses surnaturelles sont beaucoup plus complexes et plus difficiles à connaître qu’une simple voix qui résonne à mon oreille ; elles ne m’atteignent qu’à travers des intermédiaires qu’il faut vérifier par des raisonnements, si je veux avoir une vraie certitude. La faillite de cette comparaison, qui joue un grand rôle chez Lugo, est trop évidente pour qu’il soit nécessaire d’insister.

Trois moyens d’échapper à ces critiques ont été employés par Lugo ou ses disciples. —

1 er moyen.
Il consiste à mettre en avant la foi des simples, dans laquelle il semble que la connaissance de la véracité divine et du fait de la révélation, étant fort simplifiée, pourrait être regardée comme immédiate. —

Réponse.
— La théorie générale de l’analyse de la foi doit pouvoir expliquer non seulement la foi des simples, mais encore celle des savants. Et surtout celle des savants : car les actes plus confus et plus rudimentaires risquent d’égarer l’analyse, et doivent s’expliquer par les actes plus distincts et plus précis. Les simples et les enfants eux-mêmes, d’ailleurs, ne sont pas sans faire un certain raisonnement sur la valeur de l’autorité humaine qui leur transmet le fait de la révélation. Voir col. 177, 178 ; et ce qu’en dit Lugo lui-même, col. 222, 223. Enfin, on ne peut leur prêter une connaissance vraiment immédiate de la révélation divine, qu’en supposant avec Lugo que la parole de leur curé ou de leurs parents en fait partie intégrante, hypothèse inadmissible, comme nous l’avons vu. —

2e moyen.
On s’arrange pour ramener à une proposition unique et immédiatement connue tous les raisonnements que l’on a faits auparavant pour vérifier le fait de la révélation, comme dans le spécimen donné par Lugo : « Telle vérité proposée par l’Église, confirmée par tant de miracles, attestée par les martyrs, etc., est la parole de Dieu. » —
Réponse. — Cette proposition unique et immédiate est un trompe-l’œil. Oui, selon la forme grammaticale, ces participes accolés au sujet semblent être des adjectifs qui le déterminent et en font partie, ils font croire à première vue que le procédé logique se réduit à une simple comparaison de deux termes, sujet et attribut, à une simple analyse de deux idées qui les fait affirmer comme identiques, par une connaissance immédiate. Mais selon la réalité des faits psychologiques, chacune de ces épithètes signifie un raisonnement, ou amas de raisonnements, encore présent à l’esprit et servant de moyen terme pour faire admettre l’identité du sujet et de l’attribut : la connaissance de cette identité est donc médiate. Il n’est d’ailleurs au monde connaissance médiate que l’on ne puisse transformer en immédiate par un semblable artifice de construction grammaticale ; et pourtant la distinction de la connaissance immédiate et de la connaissance médiate n’est pas purement une question de mots, un jeu aussi innocent que facile de formes grammaticales qui s’interchangent à volonté. C’est une question de choses, et parfois assez grave en théologie, comme lorsqu’on discute si Dieu peut en cette vie être connu immédiatement. « Aussi l’opinion du cardinal de Lugo, dit Stentrup, ne peut être approuvée de ceux qui veulent rester fidèles à la doctrine commune des théologiens sur la connaissance de Dieu et des choses divines. » De fide, Inspruck, 1898, thés, xxvii, p. 217. Cf. Pesch, Prœtccliones. 3e édit., t. iivi n. 353, p. 161, 162. —

3 e moyen.
« Tous ces raisonnements ont certainement dû se faire avant l’acte de foi, mais dans l’acte même on n’en retient plus que la conclusion, le fait de la révélation. On l’affirme en lui-même ; on oublie le raisonnement qui l’a fait conclure, ou l’on en fait abstraction. » Lugo ne recourt pas à cette hypothèse, au contraire, il la réfute. Voir col. 182. Mais quelques-uns de ses disciples y ont eu recours, comme Pierre Hurtado, cité par Franzelin, toc : cil., p. 653, et réfuté par Stentrup, toc. cit., thés, xxviii. —
Réponse. — Si l’on admet cet oubli ou cette

« abstraction » des motifs de crédibilité, on s’écarte du

point fondamental du système de Lugo, qui, dans l’acte même de foi, les fusionne avec l’objet formel qu’ils éclairent d’une lumière rationnelle ; on perd h bénéfice de ce système en ce qu’il donne de raisonnai le à l’acte de foi ; et mieux vaudrait alors passer franchement au 2 e système. Concluons que les critiques faites à celui de Lugo, malgré ces répliques, semblent subsister dans toute leur force.

5e système, modification du précédent : Egger, Stentrup, Ilurter. —

Quelques théologiens contemporains, sous l’influence de Franzelin et de Kleutgen, se rattachent à Lugo ; ils abandonnent toutefois la partie la plus généralement attaquée de son système. Le D r Egger, après avoir cit : Sententia Lugonis omnino præferenda videlur, garde un silence absolu sur cette partie importante du système, le caractère immédiat des deux prémisses dans l’acte même de foi. Ce qu’il expose et ce qu’il adopte de la théorie de Lugo, c’est que « le témoignage divin en dernière analyse n’est pas cru à cause d’un autre témoignage divin (Suarez), mais intrinsèquement connu, ex inirinsecis ralionibus tenetur, de telle sorte pourtant que cet assentiment, à cause du secours de la grâce…, devienne) surnaturel et souverainement ferme. » Enchiridion theologiæ dogmalicee generalis, 4e édit., Brixen, 1904, n. 452, p. 629.

« Intrinsèquement connu » n’est pas la même chose

que « immédiatement connu » . C’est un terme plus général, qui peut se vérifier dans une connaissance médiate aussi bien que dans une connaissance immédiate, clans la science aussi bien que dans l’intuition. Voir Franzelin, De tradiiione, 1875, p. 580. « L’opinion de Lugo, ajoute le D r Egger, est claire, parce que l’autorité divine et le fait de la révélation y sont connus à la lumière de la raison (du côté de l’objet)… Elle est sûre, parce que la grâce divine… fait que l’assentiment donné sous cette lumière de la raison à l’objet formel de la foi devient (dans l’acte même) surnaturel. .. et ferme super omnia. Bien que les motifs de crédibilité ne dépassent pas une certitude morale, la certitude (de cet assentiment à l’objet formel) grandit et monte au suprême degré par l’influence de la lumière de foi, qui élève et fortifie la volonté et l’intelligence (du côté du sujet)… Pas de cercle vicieux…, parce que l’autorité divine en dernière analyse se présente à nous au moyen des motifs de crédibilité, perçus par la lumière (subjective) de la raison surnaturellement fortifiée. » Loc. cit., n. 453, 454. « Encore que l’acte de foi ne soit pas une pure conclusion logique, cependant il contient virtuellement une conclusion de ce genre. Je crois le mystère à cause de l’autorité de Dieu qui l’a révélé… Voilà bien trois jugements au fond, dont deux servent de moyen pour connaître le troisième. L’acte de foi contient donc un discursus non pas formel, parce que ces jugements ne se font pas distinctement, mais virtuel, parce qu’en réalité ils y sont implicitement contenus. » Loc. cil., n. 455, p. 632. Le D r Egger cite pour sa thèse les Pères Stentrup et Hurler, professeurs à l’université d’Inspruck.

Stentrup traite la question avec plus d’ampleur. 11 attaque, lui, non seulement le système de Suarez et très au long celui de Mazzella, mais encore celui de Lugo sur le point fondamental critiqué tout à l’heure. De fide, Synopsis præleclionum…, Inspruck, 1898, thés, xxvii,p. 208 sq. Il retient cependant de Lugo tout un fond de doctrine qu’il exprime ainsi : La connaissance de l'auclorilas Dei revelantis doit être surnaturelle (du côté de son principe efficient)…, parce