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sienne. i T ous croyons un dogme quelconque (objet matériel) en yertu <ie la connaissance que nous avons

de Vauctoritas Dei revelantis, connaissance qui, d’après Suarez, doit, comme élément de l’objet formel, fonder la foi au dogme, et doit être, elle aussi, une connaissance de foi, pour que le fondement soit aussi solide tque l’édifice. L’autorité de Dieu et le fait de la révélation devront donc, à leur tour, devenir en quelque sorte objet matériel de la foi, ijuod creditw, et nous devrons les admettre à cause de l’objet formel qui spécifie la foi : en d’autres termes, ces deux vérités, prises comme objet matériel, devront s’appuyer sur elles-mêmes, prises comme objet formel. Or, il y a là un cercle vicieux : ou si l’on pense éviter ce cercle en dédoublant ces vérités suivant qu’elles sont considérées tour à tour, sous deux rapports différents, comme objet matériel et comme objet formel, comme chose révélée et comme chose qui révèle, et en multipliant les révélations qui se réfléchissent les unes sur les autres, alors ont ombe fatalement dans un autre procédé également vicieux en logique, le processus in infinitum. Je crois tel dogme, parce que Dieu l’a révélé ; et je crois qu’il l’a révélé, parce qu’il a révélé qu’il le révélait. La révélation, prise comme objet matériel M, s’appuiera sur la révélation prise comme objet formel F ; celle-ci, pour être un solide fondement selon les exigences du système, devra devenir à son tour, objet matériel M’et s’appuyer sur la révélation figurant de nouveau comme objet formel F’, laquelle aura les mêmes raisons de devenir à son tour objet matériel M" et de s’appuyer sur F"…, et ainsi à l’infini, sans pouvoir jamais rencontrer la base définitive que l’on cherche, c’est-à-dire une connaissance qui, d’une part, soit vraiment » foi divine » et, de l’autre, se suffise à elle-mêiue, en sorte qu’on puisse s’arrêter à la foi, et qu’où n’ait pas besoin d’aller chercher plus loin. Impossible, en elïet, de réunir ces deux conditions : par l’essence même des choses, la connaissance de foi, où Suarez cherche ce solide fondement, n’est pas une connaissance immédiate, une intuition qui se suffise à elle-même. Voir col. 98 sq.

système, modification du premier : Arriaga, Mazzella, etc. — La modification principale que l’on a fait subir au système de Suarez a consisté dans une interprétation très large de sa formule credere veracilalem Dei et faclnm revelationis. On a entendu par là un assentiment surnaturel donné immédiatement à ces deux vérités dans leur fonction d’objet formel, mais un assentiment qui ne soit pas appuyé sur le motif spécifique de la foi. On a eu l’avantage d’éviter ainsi ces procédés de cercle vicieux ou de processus in infinitum, si souvent reprochés à Suarez. Mais on s’est écarté de sa pensée fondamentale, de baser la foi sur la foi, comme ayant seule la certitude suprême. Lui, il prend toujours le mot « croire » et le mot « foi » au sens propre, et dans l’exposé même de son système, il attaque ceux qui les prennent autrement. De fide, disp. III, sect. vi, n. 3, p. 63 ; n. 8 et 9, p. 65, 66. En l’ait de « lumière surnaturelle » , il n’en veut pas d’autre ici que celle de la foi, qui atteindra ces vérités comme les autres objets de foi. Disp. II, sect. iv, n. 7, p. 24. Et il ne se donnerait pas tant de peine pour prouver que Dieu, toutes les fois qu’il révèle, révèle sa véracité et révèle sa révélation, s’il ne voulait pas les faire tenir par le motif spécifique de la foi proprement dite.

. Concluons que le 2e système, tout en empruntant à Suarez quelque élément, est foncièrement différent du sien, comme le reconnaissent la plupart de ses partisans, qui ne font pas profession d’interpréter le maître, mais de l’attaquer. Il ne suffit donc pas, comme on l’a cru longtemps, de rejeter le système de Lugo, pour avoir un système suarézien quant au fond. Quoi qu’en dise M. Bainvel, il y a plus de » deux théories théologiques de la foi catholique. » Et il y a bien de l’arbitraire dans ces cadres simplifiés où l’on veut enfermer toutes les théories : foi de simple autorité, se rattachant à Suarez ; foi scientifique, se rattachant à Lugo. Du reste, M. Bainvel, dans sa nouvelle édition, explique davantage ce qu’il blâme dans Suarez. La foi et l’acte de foi. 1908, p. 53, 54, en note. Tâchons de reconstituer la généalogie de ce 2e système.

Arriaga, parce qu’il réfute Lugo, en partie, a été cité, nous l’avons vii, comme partisan de Suarez. Il emprunte Lien à celui-ci les mots credere veracilalem Dei. mais il les entend au sens large et impropre. « La foi, dit-il, ne croit pas premièrement que Dieu est véridique parce qu’il le dit (motif spécifique de la foi). Autrement, il y aurait cercle vicieux : elle croirait sa véracité parce qu’il l’atteste, et elle croirait son attestation parce qu’elle le juge véridique. Elle croit donc cette véracité en comparant les termes « Dieu » et « véridique » , ex apprehensione lerminorum (sens très impropre du mot croire). Aussi, plusieurs disent que, de ce côté-là, l’assentiment de foi est évident. » Dispul. theologicie, De fide, disp. XIV, n. 5, Anvers, 1649, t. v, p. 198. Cette manière d’admettre, dans l’acte même de foi, la véracité de Dieu ex apprehensione lerminorum, est, en réalité, empruntée à Lugo, comme nous le verrons. Un autre emprunt fait à Lugo est de supposer que Vhabitus fidei n’est pas tellement lié au motif qui le spécifie, qu’il ne puisse atteindre la véracité divine immédiatement et sans passer par ce motif. « La vertu de foi, dit Arriaga, quand il s’agit de croire la véracité de Dieu, n’est pas actionnée (non movelur) par l’influence de la révélation, mais par sa nature intrinsèque, ou peut-être par l’évidence des termes. En elïet, puisque cette véracité est l’objet formel de la foi elle-même, il doit y avoir dans la foi une puissance d’atteindre immédiatement cet objet pour lui-même. » Op. cit., disp. XI, n. 21, p. 173. Comment Arriaga peut-il faire atteindre la véracité divine, vérité accessible à la raison naturelle, et prise par lui en dehors de la révélation, par un acte surnaturel de la vertu infuse ? C’est qu’il admet et prouve très au long qu’un acte surnaturel peut atteindre le même objet, même formel, qu’un acte naturel. Loc. cit., disp. XIV, p. 197 sq. En quoi il s’écarte encore de Suarez pour se rapprocher de Lugo. Il réfute encore Suarez. Op. cit., disp. I, n. 55 sq., p. 16 sq. Mais comment résoudra-t-il la grande difficulté de l’analyse de la foi ? Comment évitera-t-il de prendre pour dernière raison et motif suprême de la foi les preuves philosophiques et l’évidence intrinsèque de la véracité divine, et les motifs de crédibilité qui prouvent le fait de la révélation’? Il pense, avec Hurtado, pouvoir retenir ces deux vérités tout en faisant cesser l’influence causale de leurs preuves, et pouvoir leur donner ainsi, au moment de l’acte de foi, un assentiment immédiat, grâce à la volonté : ce qui est le point fondamental du 2e système. Pour le prouver, il fait appel à l’expérience : « Bien que nous ne puissions pour la première fois donner notre assentiment à un objet inconnu, si nous n’y sommes conduits par des prémisses, par un raisonnement, nous pouvons toutefois ensuite penser à cet objet, bien que nous ayons oublié les prémisses elles-mêmes. » Par exemple, nous retenons souvent une vérité revue par ouï-dire, sans nous rappeler les témoins qui l’ont attestée : « Je pense que Rome existe, et je ne sais plus qui me l’a dit, » etc. Op. cit., disp. III, n. 58, p. 54. Que penser de cette théorie ? Lugo, discutant contre Hurtado, a rejeté ces prétendues expériences, en notant qu’il nous reste dans ces cas-là un vague souvenir, qui sert d’intermédiaire et de preuve, en sorte que la connaissance ne devient pas immédiate ; il répugne d’ailleurs à la nature de l’esprit humain d’admettre