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FOI


I 1, ([. xii, a. 13, ad 3um. La foi n’est pas cette connaissance parfaite qui est dans la science, parce qu’elle ne peut se ramener à une vision de celui qui croit, à sa propre expérience. En vain Victor Brochard écrivait-il pour défendre ici Kant contre Ollé-Laprune : « C’est notre propre expérience que nous consultons dans celle du témoin : il est notre remplaçant, notre substitut, et le témoignage ne sert qu’à étendre, à prolonger dans le passé la sphère de notre expérience personnelle. » Revue philosophique de novembre 1880. Ce sont là des figures de rhétorique ; l’expérience ne peut se faire par substitut, par procureur. Autrement un aveugle-né aurait l’expérience et la vision des couleurs, quand on lui dit qu’il y en a, quand on cherche à lui en donner quelque idée par des considérations abstraites ou par Mis comparaisons avec les sons, etc. L’expérience, de l’aveu de tous, est un mode personnel de connaître, dont la clarté et l’originalité savoureuse consistent précisément en ce que c’est moi, et non pas un autre, qui entre en contact avec la réalité. En vain Paul Janet écrivait-il à son tour contre Ollé-Laprune : Nous ne pouvons admettre cette théorie du témoignage humain… Je conclus des paroles du témoin aux faits attestés avec la même certitude et en vertu des mêmes principes qui me font conclure en général du signe à la chose signifiée, par exemple, des vestiges fossiles laissés par les plantes, qu’il y a eu une Qore a telle ou telle période géologique. Il n’y a pas là une certitude spéciale d’un genre nouveau, mais la même certitude que dans les sciences expérimentales. » Principes de métaphysique et de psychologie, Paris, 1897, I. ii. p. 174. Il peut y avoir « la même certitude » que dans les sciences expérimentales : mais il n’y a jamais la même évidence : l’évidence extrinsèque ne pourra jamais, comme l’évidence intrinsèque, se ramener à la vision de l’objet, pour la raison longuement développée ci-dessus. Quoi qu’en dise Janet, ce sont deux procédés bien différents, de conclure des signes artificiels et moyennant la véracité du témoin à la vérité de ce cpi’il dit, ou de conclure d’un signe naturel a la chose dont ce signe émane naturellement et nécessairement, procédé qui peut se ramener à la vision, oir l’empreinte laissée dans la pierre ou le charbon nie fougère, c’est voir la plante en quelque sorte, c’esl donc reconnaître l’existence d’une flore à cette période géologique en voyant quelque chose de cette flore. Que des mêmes principes » généraux interviennent dans les deux raisonnements, comme le principe de causalité ou celui de contradiction, c’est vrai, et de lé-la il n’y a pas de différence. Mais voir un principe vague ef abstrait qui concourt au raisonnement n’est pas la même chose que voir une réalité concrète que tout le raisonnement tend à manifester : I l c’est la vision ou la non-vision de celle réalité con(M le qui fail toute la différence d’évidence que nous avons expliquée. c)Ce système a besoin, toutefois, d’emprunter quelque chose au suivant pour expliquer

Complètement l’obscurité de la foi, ainsi que nous le

verrons toul a l’heure.

Corollaire. l.i connaissance par ouï-dire, fondée sur le témoignage, n’est en aucun cas une » Bcieno > proprement parler, mais toujours une foi, humaine ou divine, naturelle mi surnaturelle. Nous avons entendu saint Thomas, parlant même du cas extrême de Vevidentia attestanlis : Argumenta quæ coguni ml fldem…, dit-il, scientiam non faciunt. In IV Sent., I. III. dist. XXIV, q. i, a. 2, sol. 2. ad 1.C’est Durand de Saint-Pourçain le premier qui a dit le contraire : SI constaret evidenler Deum aliquid dixlsse, constant il/m illud esst verum, licet m specialt non vidrrelaram connexionem terminorum. Super Sententias, I. III. dist. XXIII, <|. ix, n. 12, Paris, 1550, loi. 221. Ailleurs, après avoii supposé ie cas où l’on aurait

l’évidence des prémisses de ce syllogisme : « Tout ce que Dieu dit, est vrai, or, il a parlé par l’Écriture, donc l’Écriture est vraie, » Durand dit de cette conclusion, appuyée sur le témoignage de Dieu : Cognilio ejus est aclus scienliæ, et non fidei, quse (fides) innititur uuclorilali de qua non est evidens quod sil a Deo dicta. Loc. cit., dist. XXXI, q. iv, n. 10, fol. 232. Cette assertion de Durand est expressément réfutée par plusieurs des théologiens que nous avons cités sur Vevidentia attestanlis, à propos de la liberté de la foi, voir col. 401 sq., et par d’autres que nous venons de citer. Elle a été reprise de nos jours : In omnium hominum œslimalione, dit le cardinal Billot contre Lugo, assensus in conclusionem proul fluenlem ex pnemissis aclus scientix est, non fidei. De virtutibus infusis, 2e édit., Rome, 1905, thés, xvi, p. 292. Ainsi ce serait la forme discursive, le fait d’être une conclusion découlant de prémisses, qui constituerait la « science » , qui l’opposerait à la « foi » ; et cela dans le cas même supposé par Lugo, où il n’y a pas (Vevidentia alleslantis. Durand exigeait du moins Vevidentia attestanlis pour que la foi fût transformée en science ! Kl ce qui est plus extraordinaire, c’est qu’on prête une pareille opinion à « tous les hommes » . Elle est si peu universelle que les théologiens discutent depuis longtemps si l’acte de foi divine est discursif ou non. Sans doute beaucoup d’entre eux ne veulent pas qu’il le soit : encore cst-il que la raison qu’ils en donnent n’est pas celle-ci. que s’il était discursif il deviendrait un acte de science. M. Bainvel a bien senti qu’il fallait mitiger en ce point une doctrine qu’il suit par ailleurs ; et il a qualifié la foi discursive non pas de » science » . mais de n foi scientifique » . Noir col. 121. Cf. Portalié, ail. Augustin (Saint) t. i, col. 2338, 2339. Que dire, a ce propos, de l’usage moderne de regarder l’histoire comme une science ? On peut sans doute admettre celle manière de parler dans ce sens large, fréquent aujourd’hui, où toute collection de faits se rapportant à un objet ou à un but unique prend le nom de « science. Mais si l’on prétend assimiler l’histoire a une science au sens propre, connue bien des modernes le prétendent à la suite de Kant, si l’on veut de cette classification arbitraire tirer des conséquences en philosophie et en théologie, a tout cela S’opposent les raisons que nous avons fail valoir. L’encyclique Pascendi laisse enlendre qu’il y a là quelque chose de nouveau, et peut-être de dangereux, lorsque, parlant des modernistes, elle relève cette même manière de parler ; Quo rtiam scienliæ nomine hisloria apud illos nolatur. Denzinger, n. 2084. Nous reconnaissons d’ailleurs comme une science la critique historique, qui établit et applique les principes du contrôle des témoignages et des documents ; nous ne parlons que de l’histoire en tant que, sur des témoignages pua laidement contrôlés, elle affirme simplement ce qu’elle croit s’être passé. Quant a l’art avec lequel l’historien groupe les détails obtenus par divers témoignages,

emploie la couleur locale et manie la description, il

lient bien nous taire imagina une époque, un fait,

mais a proprement parler il ne nous les fail pas voir.

I. Système qui explique l’obscuri/c de la foi par

l’exclusion de toute vision simultanée (ou science simultanée )’/' son objet matériel. La foi n’est pas en elle-même une vision, une science de son objet. : Ions les

théologiens sont d’accord la-dessus, bien qu’ils l’expliquent différemment.’Voir col. in sq., et les docu ments sur l’obscurité, col. 135 sq. Mais la foi peut elle

subsister, si son objet matériel est por ailliius scieil tlfiquemenf démontré, ou s’il esi mi ? (.elle vision,

., i le science qui ne serait pas la foi. mais qui se rencon lieiall avec la foi sur un mime objet matériel, celle

vision simultanée, cette concomitante est < n.

compatible RVec l’obscurité de la foi, laisse-t-elle sub-