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dence par excellence. Cela ne voulait pas dire, comme on l’a cru parfois, que le témoignage, de sa nature, ne puisse jamais forcer l’assentiment ; qu’il laisse toujours place au doute ou à l’indétermination de l’intelligence. Voir col. 418 sq. Mais cela voulait dire que ce que nous appelons l'évidence extrinsèque, si irrésistible soit-elle, n’est point par ailleurs l'évidence parfaite, puisqu’elle ne peut être ramenée à la vision de la réalité concrète, et que le mot « évidence » 'vient de video. Quand ils ont étendu davantage le nom d' « évidence » , les scolastiques ont pris soin de préciser leur pensée en y ajoutant le mot extrinsèque. Voir Évidence, col. 1727, 1728. Ou bien ils l’ont appelée evidentia dicti, évidence de l'énoncé, evidentia consecutionis, évidence de l’enchaînement logique, et l’ont opposée à l'évidence de la chose concrète, evidentia rci. Ce n’est donc pas l’enchaînement dialectique des énoncés qu’il faut prendre comme caractéristique de la science : il peut se trouver même dans la preuve d’autorité, qui n’est pas de la science. La dialectique, naturelle ou artificielle, est un besoin général de l’intelligence humaine, toutes les fois qu’il n’y a pas évidence immédiate de la vérité. On la retrouve partout, soit qu’il s’agisse d’une science qui reste dans les abstractions pures, comme les mathématiques, ou d’une science qui. à travers les énoncés, atteint une réalité concrète (la science que nous considérions plus haut), ou en lin d’une connaissance de cette réalité par le seul témoignage. Ce qui est commun à toute connaissance médiate ne peut servir à caractériser le genre science.

Et qu’on ne dise pas que, dans le cas du témoignage divin, la valeur incomparable du témoin fera voir la réalité. Non : la preuve par témoignage ne change pas de nature avec le changement de témoin. « A mesure que l’autorité du témoin augmente, dit Grandin, docteur de Sorbonnc, l’objet attesté devient plus certain, mais non plus clair. Or il n’est pas question maintenant de certitude, mais de clarté et d'évidence. » Opéra theologica, Paris, 1710, t. iii, p. 39. Voilà pourquoi l’usage traditionnel symbolise la foi divine, non par le sens de la vue, qui rappelle l’idée de parfaite évidence, mais par celui du toucher, par la main qui saisi/, qui tient ferme un objet, ce qui donne l’idée de certitude s ; ms celle d'évidence. C’est une remarque de Scheeben : « Il est mieux de dire que la foi, à l’opposé de la science, est une appréhension de son objet (apprehendere, saisir). Le toucher d’un objet dans l’obscurité peut avoir autant de valeur (comme certitude) que la vue même de cet objet. » Dogmatique, trad. franc., 1877, § 38, I. r, p. 435. Fi’des, dit saint Thomas, est ccrla apprehensio corum qu : c non vidcl. In JIrb.. i. 1. Quant au mot « tenir >, lenere, il se trouve dans les professions de foi et dans les conciles : Tenet et docet S.romana Ecclesia. Profession de foi de Michel Paléologue au IIe concile de Lyon, Denzinger, n. 465. Hanc… fidem… veraciler leneo. Profession de foi de Me IV, Denzinger, n. 1000. Hoc… perpetuus Ecclesiie consensus lenuit et Icncl. Concile du Vatican, sess. iii, c. iv, Denzinger, n. 1795, etc.

Cille théorie, qu’il ; i fallu développer parce qu’elle est souvent mal comprise, est indiquée par saint Thomas : L’argument, dit-il, qui est tiré des principes propres de la choe (c’est-à-dire des causes, et aussi effets, qui la caractérisent) fail apparaître la i (la f : iii voir). Mais l’argument qui est tiré de {'autorité divine ne f.iii pus apparaître la cho

même. Sum. theol., il M*, q. iv, a. i. ad ". Ailleurs, d p. m le d’une intelligence qui est convaincue, non pas p. n l'évidence de la chose, per eviden/""" "'. el il donne cet exemple : Si un prophète nnonçail au m. m de Dieu quelque événement futur, et ajoutait un signe miraculeux, en ressu citant un moi 1 jnc convaincrait l’intelligence des ; issis

tants, et leur ferait connaître manifestement que les paroles de ce prophète sont le témoignage de Dieu, qui ne ment point : toutefois, l'événement prédit ne serait pas évident en lui-même. Aussi, l’acte de foi (avec son obscurité essentielle) pourrait-il subsister encore. » Loc. cit., q. v, a. 2. Voir le commentaire des Salmanticenses, De fuie, disp. III, n. 11, 12. Cf. Quæst. disp., De verilate, q. xiv, a. 9, ad 4 1 "". Citons encore ce texte : « Les arguments qui forcent à croire, comme les miracles, ne prouvent pas la foi (la chose de foi) en ellemême, per se ; ils prouvent seulement que celui qui l’annonce dit vrai : c’est pourquoi, sur les choses de foi, ils ne donnent pas la science. » In IV Sent., 1. III, dist. XXIV, q. i, a. 2, sol. 2 ad 4 un >. C’est V evidentia dicti, opposée à {'evidentia rci. Quand saint Thomas nie que la foi soit une « connaissance » , il ne veut pas dire autre chose. Il prend alors, comme parfois les Pères, le mot « connaissance » comme synonyme de « science » . Sum. theol., IIa-IIæ, q. clxxi, a. 3, ad 2 nm. Beaucoup de théologiens célèbres de toutes les écoles utilisent cette théorie à propos de l’obscurité de la foi. Nous citerons les paroles de plusieurs d’entre eux, comme complément d’explication dans un sujet diflicile. — a) École thomiste. — Cajétan dit que l’ange in via, malgré Yevidenlia atleslanlis, ne voyait pas la Trinité et pouvait la croire, parce que « l'évidence de sa connaissance… n’allait pas plus loin que les énoncés en tant que connus par le témoignage de Dieu, » cnunliata ut revelala ; parce que « la conviction de son esprit par l'évidence d’un témoin véridique ne l’amenait pas à une vision des choses attestées, mais seulement à les croire, qu’il le voulût ou ne le voulût pas. » In I Z am II"', q. V, a. 1, n. 5, dans l'édit. léonine de S. Thomas, t. viii, p. 56. Voir col. 217. Sylvestre de Ferrare insiste sur ce que la preuve par le témoignage divin, avec les miracles pour signes, ne donne pas Vcvidenliu rci. ne montre pas les choses de foi in parliculari, c’est-à-dire par les causes particulières et les effels particuliers à chacune, mais seulement in universali, par le moyen général du témoignage qui de sa nature n’est pas lié plus particulièrement à une chose qu'à une autre. Commentaire sur le Contra génies, 1. III, c. xi.. Voir Crédibilité, col. 2285. Les Salmanlieenses développent la même théorie. Cursus théologiens. De fute. disp. III, n. '.) sq., Paris, 1879, t. xi, p. 190 sq. « Bien que la chose révélée soit vraie en elle-même, dit Conlenson, on ne la connaît pas en elle-même, et on ne pénétre pas sa vérité objective, mais on la connaît par la seule lumière du témoignage extérieur… Quoique Dieu soit très digne de foi. la chose qu’il révèle n’est pas liée par elle-même à son témoignage… Il y a donc une connexion plus grande, et plus intime entre l’elTel et la cause, qu’entre le témoignage révélateur et la chose révélée : car l’effet esl {'expression de sa cause, dont il dépend essentiellement ; mais le mystère révélé ne dépend pas de la révélation, et ne donne point par lui-même la révélation… Quand il est révélé, il ne produit donc pas en nous la science… Quand l’univers nous chante la gloire de Dieu, celle voix n’est pas libre, mais naturelle… Aussi les choses créées nous l’ont nécessaire meni lire et connaître en elles l’existence de la cause

dont elles dépendent essen I iellemenl. Mais la révélalion est une voix libre, el qui ne procède p.is naturcllc ment de la vérité révéléi. mais qui seulement l’atteste. Bien que digne de foi, elle laisse donc la chose obscure

en elle inclue, i / heolOQia mentis et Cordis, Paris. 187."),

i. n. p. 502, 503, "ii coi. 139, il". De nos jours on peut citer, entre autres, le cardinal Zlgliara, Propa deulica ad sacrant theologiam, l. I. c. i. Rome, 1884, p. 73, 71, 77 ; le P. Gardeii, voli Cm dibiu n'. col. 2203. />> École tcolUte. propos de Vevtdenlia attexiouii^. nous avons entendu Scot dire qu’elle ne donne