Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée
435
436
FOI


poil à ce commandement, et en tant qu’elles agissent

sous celle motion, leur acte peut être dit « volontaire » : un mouvement « volontaire » de la tête ou du bras. insi, dit Suarez, l’assentiment de foi « est à la volonté de croire comme l’acte extérieur à l’acte intérieur de la volonté. » De fuie, dist. VI, sect. vii, n. 9, Opéra, t. xii, p. 188. Il reçoit, de l’acte intérieur de la volonté, non pas une nouvelle et différente liberté, mais la même liberté, le même mérite, qu’il participe analogiquement et du dehors, suivant la meilleure théorie de 1' « acte extérieur » dans le traité De uctibus humants. Voir Suarez, loc. cit. ; Billuart, Summa, etc., Paris. 1827, t. vu. De aciibus humanis, diss. IV, n. 8, p. 362 sq. Ce sciait donc se séparer de saint Thomas et du grand courant théologique dans l’explication de la liberté de la foi que de rêver un assentiment de l’intelligence intrinsèquement libre ; ou bien de faire de l’intelligence un amour, comme semble le faire M. Rousselot, voir col. 262 ; ou encore, avec le même auteur, de supposer une « causalité réciproque » entre la volonté et l’intelligence dans l’acte de foi, la volonté rendant libre l’assentiment, qui à son tour rend cette volonté raisonnable, de même qu’une passion violente, en altérant le jugement, fait voir les choses d’une manière qui la justifie elle-même (mais dans ce cercle vicieux bien faible est la garantie 1). Voir col. 263, avec les références.

Documenta positifs sur l’obscurité de la foi.


1. L'Écriture. — « La foi est… la preuve (ou la conviction) des choses que l’on ne voit pas » , où (O.eito [livtov. Heb., xi, 1. Voir col. 86. « Bienheureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru. » Joa., xx, 29. « Ne pas voir, » c’esl l’inévidence de l’objet, et par suite, l’obscurité de la connaissance ; la connaissance de foi est donc obscure. Si ailleurs le mot « voir » est employé pour l’acte de foi, au sens 1res large de connaître, c’est avec des restrictions qui attestent l’obscurité de cette connaissance : « Nous voyons en cette vie d’une manière énigmatique. èv a ! vîy|j.aTi, mais alors (nous verrons) face à face. » I Cor., xiii, 12. Que cette connaissance énigmatique ou obscure signifie la foi, nous le concluons soit du verset suivant où il s’agit explicitement de la « foi » qui demeure ici-bas avec l’espérance et la charité, soit d’un texte parallèle où la « foi caractérise notre pèlerinage en cette vie par opposition à la vision du ciel. II Cor., v, 7. La révélation, objet de notre foi, est obscurément saisie, puisqu’elle est comparée par saint Pierre à « une lampe qui luit dans un lieu obscur jusqu'à ce que le jour brille. » II Pet., i, 19.

2. Les Pères.

a) Conformément à l'Épître aux Hébreux, xi, 1, ils font entrer souvent dans leurs définitions de la foi l’idée d’obscurité, sous une forme ou sous une autre : ils la considèrent donc comme caractéristique de la foi, puisqu’on ne met dans une définition que des éléments caractéristiques. Ainsi Clément d’Alexandrie : « La foi est un assentiment qui nous unit à une chose qui n’apparaît point, » àœavoOç. Slrom., II, c. ii, P. G., t. viii, col. 939. Théodoret, entre autres anciennes définition de la foi qu’il a recueillies, cite celles-ci : « La foi est la contemplation d’une chose cachée, » àaotvoùç upàyixaT’j ; Œwpia. « La foi est une connaissance des choses invisibles, » T<iiv àopirarv. Grsecarum affect. curalio, serm. i. de fuie, P. G., t. lxxxiii, col. 815. Saint Prosper dit : Fides csl, quod non vides, credere. Liber sentent, ex S. Auguslino, n. 534, P. L., t. li, col. 484. Voir la définition de saint Augustin citée plus haut, col. 113 ; celle de saint Berna d, prselibatio nnndum propalaiæ veritatis, col. 364. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IL 1 II » , q. iv, a. 1.

/>) Ils donnent l’obscurité comme si essentielle à la foi qu’on ne peut plus appeler foi la claire vision, qu’on n’est plus fidèle si l’on veut nier ou comprendre

le mystère, qu’on perd ainsi le mérite de la foi. Écoutons saint Athanase : « Une foi qui apparaît avec évidence (c’est-à-dire dont l’objet apparaît ainsi) ne peut s’appeler foi. La foi croit l’impossible (comme devant se réaliser) dans la puissance (de Dieu), le faible (comme devant être) dans la force, le souffrant dans l’impassibilité, le corruptible dans l’incorruptibilité, le mortel dans l’immortalité. » Contra Apollinarium, 1. ii, n. 11, P. G., t. xxvi, col. 1150. On peut voir là des allusions à Luc, i, 37, 45 ; Rom., iv, 18-21 ; ICor., i, 21-25 ; ii, 3-5 ; xv, 53, 54. Sur Tertullien, voir col. 80 ; sur S. Jean Chrysostome, col. 113. Il ajoute à l’endroit cité : « Si vous voulez voir, vous n'êtes plus fidèles. » Sur S. Éphrem, Primasius et S. Grégoire le Grand, S. Irénée, S. Hilaire, etc., voir col. 113, 114. Voir aussi les textes sur le mérite spécial de la foi, col. 398. Enfin, ils disent que, lorsque nous verrons au ciel l’objet divin, la foi deviendra impossible et devra cesser. Voir col. 364.

3. Les documents de l'Église. — Jamais l’obscurité de la foi n’a été définie, parce que jamais elle n’a été niée. C’est une vérité de foi catholique, mais non pas de foi définie ; enseignée par le magistère ordinaire, mais non par un jugement solennel et extraordinaire de l'Église. Certaines définitions fournissent pourtant des principes liés à cette obscurité, et qui servent à l’expliquer comme nous le. verrons. Telle est cette définition de Benoît XII, qu’au ciel les deux vertus théologales de foi et d’espérance sont éliminées par la claire vision et la jouissance de leur objet divin. quoâ Visio hujusmodi divinse Essentise ejusque fruitio (ictus fidei et spei in eis (animabus) évacuant, proul fides et spes proprise theologicæ sunt virtutes. Const. Benedictus Deus, Denzinger, n. 530. Telles sont ces définitions du concile du Vatican, que la foi n’est pas une connaissance « intrinsèque » , c. iii, Denzinger, n. 1789 ; que la foi n’est pas la science, can. 2, De fide, n. 1811 ; que dans la révélation, objet de notre foi, sont contenus des mystères au sens proprement dit, que la révélation seule peut nous faire connaître, c. iv, n. 1795, et can. 1, De fide et ralione, n. 1816 ; que, même connus par la révélation et la foi, ces mystères, qui dépassent la raison, restent couverts d’un yo ; 7e et enveloppés d’obscurité pour ainsi dire, quadam quasi catigine obvolula, c. iv, n. 1796.

6° Conclusion théologique certaine : il y a dans la foi une obscurité spéciale qui n’est pas dans notre science. — Sans doute, à cause de l’imperfection de notre science, surtout de la science naturelle de Dieu ou théodicée, on pourrait trouver une certaine obscurité dans la science même avec ses concepts vagues et abstraits, et même purement analogiques quand il s’agit de Dieu, avec les images empruntées au monde corporel, sous lesquelles notre intelligence cherche à se leprésenter les choses spirituelles. La révélation d’ailleurs offre cette même obscurité, puisque pour s’exprimer elle emprunte ces mêmes concepts à la nature humaine, et parle un langage humain. On peul donc admettre une certaine obscurité commune à la science et à la foi. Mais les documents que nous avons cités doivent nous faire conclure à une autre obscurité, qui soit propre à la foi seule. Car ils mettent l’obscurité dans la définition même de la foi, ce qui n’a jamais lieu pour la science. Ils déclarent l’obscurité essentielle à la foi, ce que l’on ne peut dire de la science, qui plutôt élimine l’obscurité tant qu’elle peut et, sur bien des objets proportionnés à notre intelligence, n’est pas obscure. Enfin, ils disent que la clarté détruit la foi, par exemple, au ciel : mais la clarté ne détruit pas la science ! Les s : olastiques opposaient entre elles la science et la foi sous le rapport de la clarté ou évidence. El comme la clarté est une perfection, l’obscurité une imperfection, sous ce rapport