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sentiment. Kl comme l’obscurité intrinsèque de l’objet est une condition sine qua non de la foi, la volonté — alors même qu’elle n’aurait point de doutes à écarter — est obligée d’intervenir dans chaque acte de eroyance ; … point d’exceptions. » L’objet intégral de l’apologétique, Paris, 1912, p. 299, 300. « Nos raisons de croire…, dit-il encore, étant extrinsèques à l’objet de foi, ne sont pas sullisantes par elles-mêmes pour déterminer l’adhésion de l’esprit. » Loc. cit., p. 310.

Critique du système. — On doit convenir que l'Écriture et les Pères, sans exclure toute autre source de mérite, dérivent spécialement le mérite de la foi (et par conséquent sa liberté) de la non-vision de l’objet matériel, de la non-considération de ses difficultés intrinsèques. Voir col. 393 sq. Aussi le système a-t-il une part importante de vérité, et doit-il concourir, du moins dans sa forme plus modérée, à expliquer la liberté de la foi. Sur sa forme la plus rigide, voici les observations qu’on peut faire. — a) On ne peut lui reprocher de ne pas donner à la foi une liberté suffisante. Il affirme une influence spéciale de la volonté, qui n’est pas dans la science, lors même qu’avec Amicus il la réduit à une influence quoad exercitium ; car cette sorte de « liberté d’exercice » (nouvelle preuve de l’ambiguïté de cette terminologie), survenant même après les prémisses affirmées, n’existe pas dans la science, où les prémisses, une fois posées, entraînent nécessairement la conclusion. Quand la volonté pourrait à la rigueur empêcher dans la démonstration scientifique une conclusion explicite, comme le pense, avec d’autres, Théophile Raynaud, Opéra. t. iii, p. 284, du moins qui pose les prémisses évidentes d’un syllogisme scientifique, par le fait même et à moins de nier le principe de contradiction, pose au moins implicitement la conclusion ; et de ce que la volonté pourrait parfois faire obstacle à l’acte de conclusion explicite en distrayant l’esprit à ce moment, il ne s’ensuivrait pas que l’intelligence, dans la pratique, subisse chaque fois un temps d’arrêt et un moment d’indétermination avant de passer à cet acte, ni qu’elle ait besoin, pour franchir cette passe, d’une motion positive de la volonté. Exiger, même dans la science, une telle motion, serait nier l'évidence médiale nécessitante, qui est un fait d’expérience et qu’afiirine saint Thomas : Quandoque intellectus delerminutur ab intelligibili… médiate…, et isla est disposilio scientis. Quæsl. disp., De verilale, q. xiv, a. 1. Voir De Benedictis, Philosophia peripaletica, Venise, 1723, t. i, p. 476 sq. Si donc il est vrai que dans la foi l'évidence extrins.èque ne sufïise jamais à déterminer l’intelligence, et qu’il faille en conséquence une motion de la volonté pour passer à l’assentiment final, il y aura certainement dans la foi une liberté qui n’est pas dans la science, et qui même aura l’avantage d’atteindre très directement l’assentiment de foi. Mais cela est-il vrai ? C’est ce qui nous reste à examiner.

b) Les auteurs que nous critiquons ont bien raison d’admettre une différence profonde entre l'évidente intrinsèque et l'évidence extrinsèque, mais ils l’expliquent mal. Sur la véritable explication, voir ce qui sera dit de l’obscurité de la foi. Cette différence va-t-elle jusqu'à enlever absolument à l'évidence extrinsèque la possibilité de déterminer l’esprit, de le nécessiter ? On l’affirme sans le prouver ; et il est facile de multiplier les preuves du contraire. — a. D’abord, l’expérience. C’est un fait que nous ne pouvons pas plus douter de l’existence d’une ville lointaine connue seulement par ouï-dire, que d’objets vus ou démontrés par la voie intrinsèque ; et nous n’avons alors conscience d’aucun commandement de la volonté. Voir Wilmers, De fide divina, 1902, n. 118, p. 133. Objectera-t-on que saint Thomas donne comme caractéristique de la foi soit au témoi gnage humain, soit au témoignage divin, d'être déterminée par le commandement de la volonté, en quoi elle diffère de la science ? De verilale, loc. cit. ; Sum. theol., ll a II*, q. i, a. 4. Nous répondrons que, dans les choses morales, une note caractéristique admet des exceptions Voir le système précédent, col. 414 sq. Et saint Thomas est ainsi interprété par de graves auteurs thomistes." Nous expérimentons parfois, dit Dominique Soto, que, sans l'évidence (intrinsèque), nous sommes forcés de croire par la seule autorité du témoignage ; par exemple, quand même nous ferions un effort de volonté en sens contraire, renuente voluntate, il nous faut reconnaître l’existence de Rome, ou que César a fait la guerre aux Gaulois. » Et à cette objection tirée de saint Thomas, il répond : Opinio S. Thomse intelligitur regulariter et per se exiialura rei : niliil lumen vclat quin aliquando sil lam vehemens aucloritas, ut citra evidenliam (en dehors de l'évidence intrinsèque) convincatur intellectus sine inclinatione voluntatis. In libros poster. Arislolelis, Venise, 1574, q. viii, p. 419, 420. De même Banez, In II 1 ™ II*. q. i, a. 4, 2° conclus., p. 24. Et un autre thomiste, Pierre d’Aragon, général des augustins : Absotule dicimus quod fuies et opinio pendent a voluntate, quumvis id tantum regulariter loquendo et ut plurimum sil intelligendum. In //" « !  !. Venise, 1625, De fide, q. i. a. 4, p. 17 — b. Le système paraît impliquer ici une contradiction. Ces théologiens admettent le cas de l’evidenlia in attestante. Mais en quoi Yevidenlia in attestante, diffèret-clle de l'évidence de crédibilité ordinaire ivoir col. 217-219)? En ce qu’elle est irrésistible, et détermine l’intelligence à admettre la chose attestée, laquelle n’est pas alors évidente intrinsèquement en elle-même, mais pourtant devient évidente in attestante. Or ces auteurs, tout en supposant l’evidenlia in attestante, ne la disent pas irrésistible : c’est détruire l’hypothèse même qu’ils viennent de faire. Il serait plus logique, alors, de nier la possibilité de l’evidenlia in attestante, de l'évidence extrinsèque de l’objet. Les idées y gagneraient en clarté. — c. Ces deux prémisses : « tout ce que Dieu dit est vrai, or il a dit ceci, » si on les suppose manifestées par des preuves absolument évidentes ou par une lumière surnaturelle extraordinaire (et c’est le cas de l’evidenlia attestantis). produisent leur conclusion avec autant de nécessité logique que toutes autres prémisses évidentes, et en vertu du même principe de contradiction qui est au fond du mécanisme de tout syllogisme. Pourquoi pourrait-on résister à leur influence combinée plus qu'à celle d’autres prémisses évidentes ? Le premier de tous les principes, le principe de contradiction, peut-il subir des éclipses et perdre ici sa valeur ? Et dans les cas d'évidence médiate, ce qui détermine l’intelligence d’après saint Thomas, n’est-ce pas la « vertu des premiers principes ? » De veritate, loc. cit. c) Pour renforcer l’inévidence de l’objet matériel et l’insuffisance de l’objet formel à déterminer jamais l’esprit, on a recours à l’obscurité toute spéciale du mystère, comme la trirtité. Nous pourrions faire observer que tout assentiment de foi n’a pas pour objet matériel un mystère proprement dit ; qu’il resterait donc des cas où l’evidentia attestantis nécessiterait l’assentiment. Mais prenons le mystère. — Nous avons conscience, nous dit-on, que le mystère nous laisse libres dans l’acte de foi que nous en faisons. — Oui, quand nous faisons sur le mystère un acte de foi bien réfléchi, nous avons cette conscience : mais pourquoi ? parce que nous n’avons pas l’evidenlia attestantis. Si nous l’avions (et on peut l’avoir par exception, voir col. 414), nous n’aurions plus alors conscience de cette liberté. De plus, dans la « foi confuse » , qui n’est pas réfléchie, nous n’avons pas cette conscience. — « Nous demandons des garanties d’au-