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in fide, infulelis est. De là aussi l’ambiguïté de ces mots employés par les théologiens, liberlas dissenliendi, discredendi, qui parfois signifient la liberté de nier, mais souvent aussi celle de douter simplement.

3e corollaire. — Une terminologie qui ne se trouve pas chez saint Thomas mais seulement plus tard, pour désigner la liberté qui est dans la foi et non dans la science, c’est d’appeler la liberté spéciale de la foi liberlas quoad specificationem ou quoad speciem, tandis que la liberté commune aux deux est appelée liberlas quoad exereilium. « L’assentiment de science, dit Valentia, dépend de la volonté seulement quant à son exercice, c’est-à-dire pour que l’acte se produise et que la puissance ne reste pas inactive : l’assentiment de foi en dépend encore, quant à sa spécification, c’est-à-dire que la libre motion de la volonté est nécessaire non seulement pour que sur l’objet de foi se produise un acte, mais encore un acte de telle espèce, un assentiment plutôt qu’un dissentiment. » Commentar. theol., Lyon, 1603, t. iii, disp. I, q. i, p. iv, § 1, p. 67. A d’autres théologiens, cette expression déplaît, parce que la spécification des actes ne vient pas de la volonté, mais de l’objet. Voir S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. ix, a. 1. Les premiers répondent que la volonté, sans usurper la causalité propre de l’objet, concourt du côté du sujet à mettre et à conserver en lui telle espèce d’acte ou d’état d’esprit. « L’objet formel, dit Ysambert, est le principe spéciflcatif de l’acte, mais à la condition d’être suffisamment perçu tel qu’il est objectivement et de fait… Si donc il a en lui quelque obstacle à être saisi tel qu’il est, et qu’il puisse être dégagé de cet obstacle par un mouvement de la libre volonté, alors, bien que la spécification de l’acte au sens propre et formel vienne de cet objet, cependant la détermination de l’acte à telle espèce viendra proprement de la libre motion de la volonté… L’objet formel ou motif donne toujours à son acte d’être de telle espèce ; et de plus, quand il apparaît avec évidence…, il détermine son acte à entrer dans cette espèce. Mais quand il manque d’évidence…, comme l’intelligence, loin d’être convaincue par l’objet proposé, a plutôt par ailleurs des raisons qui peuvent l’en écarter et l’amener à un dissentiment, alors, pour que l’acte sur un tel objet soit plutôt assentiment que dissentiment, il faut que l’intelligence soit déterminée par la volonté, qui est alors le principe de détermination quoad specificationem actus. « Disput. in II"" II X, Paris, 1648, De fide, disp. XXIII, a. 4, p. 157, 158. Le célèbre docteur de Sorbonne rejette d’ailleurs l’opinion de Cajétan sur le despotisme de la volonté, et indique certaines conséquences qui en découleraient, quse sunt absurda apud omnes philosophos. Loc. cil. — Ainsi la terminologie en question, suivie par beaucoup de théologiens et encore de nos jours, peut se justifier. Elle a d’autre part l’inconvénient d’être ambiguë. Cette formule, liberlas quoad specificationem actus, a été employée aussi pour désigner précisément le système du despotisme de la volonté. C’est en ce sens qu’elle est déjà signalée et rejetée par Pic de la Mirandole : Merus actus volunlaiis non potest se liabere ut actus primus respectu specificationis actuum intelleclus… Palet ex communi sententia omnium doclorum in hoc consentienlium, quod licel actus intelleclus quoad exereilium dependeal a voluntate, non lamen quoad specificationem. Loc. cit. C’est dans le même sens qu’elle est rejetée par Théophile Raynaud, loc. cit., et par Élizalde. Loc. cit. Dans l’école scotiste, il y a toujours eu tendance à la rejeter, ce qui n’implique pas d’ailleurs un désaccord avec les autres théologiens catholiques sur la nécessité d’admettre une liberté spéciale dans la foi. Il serait donc peut-être préférable d’éviter cette formule, empruntée à la théorie générale de la liberté,

OÙ elle a son utilité, mais devenue obscure et ambiguë sur le terrain particulier de l’acte de foi ; d’autant plus que celle « liberté de spécification » est prise par les uns pour la seule liberté de croire ou de douter, par lis autres pour la liberté de croire ou de douter ou de nier, et ne peut que susciter des logomachies. Voilà pourquoi nous avons évité ce terme, quand il s’agiss ; iit de désigner ce qui est communément admis par les théologiens, ce qui doit être admis de tous, en nous bornant à dire : Il y a dans la fui une influence spéciale de la volonté, qui n’est pas dans la science. Voir col. 395.

2. Système qui explique la liberté de la foi par l’inévidence de l’objet formel, ou au moins du fait de la révélation. — Ce système, très opposé au précédent, regarde l’assentiment de foi comme la conclusion de ces deux prémisses : « Ce que Dieu a révélé est vrai : or il a révélé tel dogme ; » prémisses qui sont, du moins pour les partisans du système, l’objet formel ou motif de la foi. Seulement, d’après eux, la mineure de ce syllogisme n’apparaît jamais à l’esprit avec une évidence nécessitante, quoi qu’il en soit de la majeure. Il faut donc, pour l’affirmer, la coopération de la volonté libre : par le fait même, la conclusion, qui est l’assentiment de foi divine, dépend aussi de la volonté, puisqu’elle ne serait jamais affirmée avec certitude, si la volonté n’intervenait dans la mineure pour affermir l’esprit. Et c’est bien là une influence spéciale de la volonté, qui ne se trouve pas dans l’assentiment de science proprement dit, où la conclusion résulte essentiellement de prémisses toutes nécessitantes. Ce qui caractérise le système, c’est donc que l’acte libre de volonté, précédé du jugement pratique de crédibilité qui le déclare légitime et prudent, n’a pas lieu immédiatement avant l’assentiment de foi (conclusion), mais est reporté un peu plus en arrière, avant l’affirmation du fait de la révélation (mineure), où il y a toujours pour la volonté des doutes imprudents à chasser. Ainsi pensent les théologiens qui, pour expliquer la liberté de la foi, rejettent absolument Yevidentia atleslanlis (voir col. 400) et qui ne l’expliquent que par là : Banez, et surtout Lugo, et, de nos jours, Franzelin, qui en donne un bon résumé. De traditione, 2e édit., Rome, 1875, Append., c. iv, a. 4, p. 668-672.

Critique. — a) Omettant ici certaines critiques qui se rapportent non pas à la liberté mais à l’analyse de la foi, nous accordons que ce système donne à la volonté libre une influence spéciale qui n’a pas lieu dans la science. On a dit, il est vrai, que, si le rôle de la volonté « consiste à expulser » des doutes subsistant dans l’intelligence, « il n’y a plus aucune différence entre la manière dont la volonté intervient dans la science et dans la foi. » P. de Poulpiquet, L’objet intégral de l’apologétique, 1912, p. 313. Tout dépend de la manière de concevoir cette expulsion des doutes imprudents. Si elle se bornait, comme on l’a dit, à « considérer avec plus d’attention la valeur des motifs de croire, la frivolité des raisons contraires, » et si cette considération nouvelle, commandée par la volonté, avait assez de force par elle-même pour faire cesser tous les doutes, pour déterminer l’intelligence, alors oui, il n’y aurait pas là d’autre intervention de la volonté que celle qui a lieu dans la science. Mais si la volonté applique l’intelligence à fermer les yeux, à ne pas considérer les objections obsédantes qui ne trouvent pas de solution directe, et à faire cesser ainsi les doutes imprudents comme le feu s’éteint faute d’aliments, c’est là un coup de force autorisé sans doute par le bon sens, mais enfin c’est un coup de force, qui n’a pas lieu dans la science. L’idéal de la science n’est pas de fermer les yeux, mais d’examiner la question le plus possible et sous toutes ses faces, les objections comme le reste, enfin de chercher la solu-