Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/207

Cette page n’a pas encore été corrigée
399
400
FOI


169. De ce libre choix, oûpeutç, vient le nom d’« hérésie » . On voit combien ce péché spécial contre la foi diffère de celui de négligence. Cf. col. 313, 314. Mais un péché spécial, qui n’existe pas dans l’ordre de la science, suppose, dans l’ordre de la foi, une influence spéciale de la volonté libre.

e) Ajoutons l’autorité de sain L Thomas, dont le texte est éclairé par ce que nous avons dit : Assen.sus scienliæ non subjicitur libcro arbitrio, quia sciens cogitur ad assentiendum pcr efficaciam demonslrationis… : sed consideratio aclualis rei scilæ subjacet libcro arbitrio. .. Sed in fide utrumque subjacet libero arbitrio ; et ideo, quantum ad utrumque, actus fidei potest esse mcritorius. Sum. theol., IPII » , q. ii, a. 9, ad 2um.

Les raisons scripturaires et patristiques que nous avons données suffisent à réfuter la thèse contraire de plusieurs protestants anglais. Ils soutenaient, plutôt au siècle dernier qu’aujourd’hui, que la foi chrétienne, étant intellectuelle, est absolument involontaire : que personne n’est responsable de croire quand il croit, de douter quand il doute, puisqu’en tout cela il est déterminé par ce qui lui apparaît. Voir Croyance, t. iii, col. 2379, 2380 ; et, pour la réponse aux objections philosophiques d’un tel intellectualisme, col. 2387, 2388. Murray attestait que cette thèse ultraintellectualiste était assez répandue parmi les protestants plus ou moins libéraux de son temps, surtout les gens de lettres et les politiciens. De Ecclesia, Dublin, 1860, t. i, n. 105, p. 51. « Dans la philosophie moderne, disait alors W. Hazlitt, c’est un axiome que la foi est absolument involontaire. » Lilcrary remains, Londres, 1836, t. i, p. 83. Lui-même combat cet axiome : quant à son origine, il note qu’il a été inventé pour combattre plus facilement l’intolérance en matière de religion et les lois portées contre les hérétiques.

3° L’évidence irrésistible des préambules est-elle contraire à cette liberté spéciale de la foi ? — Il y a là un problème très discuté par les théologiens, qui fait serrer de plus près la difficile question de la liberté de la foi, et qu’il importe de résoudre d’abord pour pouvoir comprendre et critiquer les divers systèmes. Par « évidence irrésistible des préambules » nous entendons une clarté nécessitante pour notre esprit de ces deux vérités principales : l’autorité de Dieu, comme témoin, et le fait de son témoignage ou révélation. Ces deux vérités se rapportant au témoignage divin, cette évidence a été appelée par les théologiens evidentia atleslantis ou testifleantis (Dei). Par rapport à l’objet révélé, on l’appelle evidentia in attestante : car alors le mystère même devient en quelque sorte évident, non pas en lui-même, in se, mais dans celui qui l’atteste, in attestante ; on voit qu’il s’agit ici, pour le mystère, d’une évidence extiinseque. Voir col. 99, 100. Elle est pourtant irrésistible, c’est-à-dire aussi parfaite qu’elle peut l’être dans son ordre d’évidence extrinsèque ; elle force l’intelligence à admettre les préambules dont nous avons parlé, et ne laisse place là-dessus à aucun doute, même imprudent. Voir col. 207-209. Sur cette évidence, nous savons déjà qu’on ne peut l’exiger comme condition nécessaire ne la foi, ni, parce qu’on ne l’a pas, différer de croire jusqu’à ce qu’on l’ait. Voir col. 215, 216. Nous savons aussi cjue généralement elle n’existe pas pour les fidèles : soit parce que le fait de la révélation n’est connu d’un grand nombre que d’une manière imparfaite et relative, voir col. 219 sq. ; soit parce que chez ceux-là mêmes qui en ont une certitude absolue et une sorte d’évidence, ce n’est, ordinairement du moins, qu’une évidence morale, laissant place à la résistance et au doute imprudent tant à cause de la nature, des preuves de la religion qu’à cause des passions qui attaquent facilement les vérités morales et religieuses. Voir col. 210, 211. Sans doute on pourra dire eu un vrai sens que)a démonstration

apologétique est rigoureuse, scientifique ; pourtant elle n’élimine pas absolument par elle-même le doute imprudent. Voir col. 219. De là peut-être, dans les documents ecclésiastiques, lors même qu’ils exaltent les preuves de notre religion, le soin d’éviter de dire qu’elles soient « évidentes » , mot que l’usage scolastique réserve à l’évidence nécessitante et irrésistible. Voir col. 189-191, 216. Enfin, comme cette démonstration apologétique est un tout très complexe, celui qui l’a eue ne l’a pas toujours entière devant les yeux : donc, en supposant même que le doute imprudent soit impossible sous le foyer de lumière que donne la démonstration complète, il deviendra possible dès qu’un oubli partiel viendra diminuer le faisceau de rayons lumineux. « C’est un fait d’expérience, dit Ulloa, que les théologiens mêmes, qui par profession s’occupent fréquemment de ces questions, souvent n’ont pas présentes à leur esprit, du moins avec vivacité, toutes les raisons dont l’ensemble constitue le fondement de cette évidence. » Theol. scholaslica, Augsbourg, 1719, t. iii, disp. III, n. 18, p. 87. Sans doute on peut alors s’en rapporter à ce qu’on a vu autrefois, on y est suffisamment autorisé par le bon sens. Voir col. 316. Mais cette autorisation n’empêche pas un doute imprudent de s’élever parfois dans l’esprit, elle sert seulement alors à le juger déraisonnable et à justifier contre lui l’intervention de la volonté. Tous ces points étant supposés, il reste à examiner les questions suivantes : 1. l’évidence irrésistible des préambules, evidentia (dlestantis, peut-elle être admise, au moins à titre d’exception, chez quelques privilégiés ? 2. peut-elle se concilier avec la foi et sa. liberté essentielle ?

1. L’évidence irrésistible des préambules doit-elle être admise, au moins à litre de fait exceptionnel ? — La controverse à ce sujet s’engagea, au xive siècle, à propos de la foi des anges pendant leur état d’épreuve, in via. Durand de Saint-Pourçain avança qu’ils n’ont pas eu la foi proprement dite, parce qu’ils avaient certainement l’évidence des préambules de la foi, et que cette évidence, en forçant l’assentiment, ôte à la foi sa liberté et son mérite. Super Sententias, Paris, 1550, 1. III, dist. XXIII, q. ix, n. 12, fol. 221. Cf. dist. XXXI, q. iv, n. 10, fol. 232. La grande majorité des théologiens s’est prononcée contre lui en faveur de la foi des anges, libre et méritoire. Mais en répondant à son objection sur l’évidence des préambules, ils se sont divisés. Les uns ont nié cette évidence, même chez les anges ; les autres l’ont admise, mais ont nié qu’elle fasse tort à la foi. »

l’e opinion. — Elle ne reconnaît aucun fait d’evidentia alleslantis, ni chez les anges, ni chez les prophètes, les apôtres, la sainte Vierge, les plus grands saints ou les plus savants en apologétique. A la suite du dominicain Victoria, le plus célèbre défenseur de cette opinion fut Banez. Pour mieux soutenir ce manque d’évidence extrinsèque chez les anges, il prétendit que seule la vision intuitive de Dieu, qu’ils n’avaient pas encore, peut donner l’évidence du fait de la révélation. In // am //*, Douai, 1615, q. iv, a. 1, dernière conclusion, p. 224. Comme si le tout-puissant ne pouvait, sans se montrer par la vision intuitive, trouver un moyen de faire connaître à l’ange avec évidence qu’il lui parle 1 C’est restreindre arbitrairement la toute-puissance divine. Aussi Banez n’a-t-il été imité en ce point-là par personne. Lugo, tout en réfutant cette exagération, suit l’opinion tic Banez. Pour lui, aucun miracle ne peut donner une évidence irrésistible au fait de la révélation ; la Vierge elle-même pouvait douter de sa conception virginale et de la révélation liée à ce miracle, parce qu’à la rigueur un prestige diabolique aurait pu opérer en elle cette merveille ; elle aurait donc pu céder à un doute, d’ailleurs imprudent et coupable ; son mérite est de ne l’avoir pas fait, et ainsi la