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hoc liomo /dllitur, quod pulat esse demonslralivum quod non est. Loc. cit. Méprise qui est due soit à la subtilité ou à la complexité extrême de certains raisonnements d’ordre scientifique, où l’erreur peut facilement se glisser, soit à l’influence d’autorités en vogue, humaines et faillibles, qui nous disent à tort : « La science a démontré, » etc., soit à ce que nous avons introduit jadis dans le trésor de nos certitudes et accepté comme démontrées certaines propositions qui, en réalité, ne le sont pas, et que l’inventaire et le triage de nos nombreuses acquisitions d’origine diverse n’est plus possible, soit enfin au manque de secours surnaturel dans l’ordre des sciences naturelles et profanes. Voir col. 339, 365. Scot en ce point ne s’écarte pas de saint Thomas : l’ides infusa, dit-il, non potest inclinare ad aliquod falsum, inclinât autem virtute luminis divini, cujus est parlicipalio, et ita nonnisi ad illud quod est conforme illi lumini divino ; aclus igitur credendi, inquantum innilitur isli fidei, non potest lendere in aliquod falsum. Quæst. quodlibelales, q. xiv, n. 7, dans Opéra, Paris, 1895, t. xxvi, p. 11. Suarez étend avec raison cette prérogative d’infaillibilité non seulement à la vertu infuse, mais à la grâce actuelle qui la remplace dans celui qui n’a pas encore ou qui n’a plus cette vertu et se dispose à la recevoir — et même à toute motion positive de l’Esprit-Saint dans les charismes où l’on affirme quelque chose, comme le don de prophétie, de discernement des esprits, etc. Comme la grâce ne peut jamais pousser au péché, ainsi ne peut-elle jamais pousser à l’erreur. « Ce jugement (de discernement des esprits), dit-il, quand il procède du mouvement de la grâce, est infaillible matériellement, pour ainsi parler. Car l’Esprit-Saint ne pousse jamais par un instinct spécial, sinon à ce qui est réellement vrai ou bon, ou meilleur, ou plus convenable à l’homme selon l’ordre de sa providence. En conséquence, toutes les fois qu’en réalité le discernement des esprits se fait par une grâce, le jugement, en vertu de son principe moteur, est infaillible, donc matériellement certain ; quoiqu’il ne rende pas l’homme absolument certain, parce qu’en général, l’homme ne constate jamais avec une entière certitude que ce jugement vient de la direction et de la motion du Saint-Esprit. » De gratia, t. i, proleg. iii, c. v, n. 45, Paris, 1857, t. vii, p. 165.

2. Invisibilité de la vertu infuse, et de son acte en tant que surnaturel. — Cette remarque de Suarez montre comment la thèse commune, en admettant, dans la vertu infuse et dans son acte, cette infaillibilité réelle, mais matérielle comme il dit, ne rend pas pour cela cette infaillibilité reconnaissable avec certitude, ne fait pas que l’homme puisse constater formellement l’infaillibilité de son acte. Ainsi cette infaillibilité, bien qu’existant certainement dans l’acte, aux yeux de Dieu, ne peut servir à l’homme de discerniculum expérimentale ; et l’on ne peut reprocher aux théologiens de retomber ici dans le faux système qu’ils rejettent ailleurs. Voir col. 246 sq. Scot avait déjà fait la même remarque. « Si je percevais, dit-il, que j’agis en ce moment à l’aide de la foi infuse, sachant qu’elle ne peut coopérer qu’à un acte vrai, je constaterais par cela seul que mon acte ne peut être faux…, que son objet est infailliblement vrai. Mais personne, je crois, n’éprouve en lui-même cela (cette perception de l’intervention de la foi infuse). Nous nous bornons donc à croire en général (à cause des documents de la révélation) que celui qui affirme quelque chose par l’action de la foi infuse ne peut errer en cela ; mais que telle personne déterminée, et à tel moment, agisse par la foi infuse, ni la personne elle-même ne le sait, ni une autre ; personne n’en a une expérience certaine. » Loc. cit., n. 8, p. 12.

Il est vrai qu’une parole de saint Augustin : Fidem ipsam videt quisque in corde suo esse, citée par le Lom bard dans ses Sentences, 1. III, dist. XXIII, r. vii, a été pour plusieurs scolastiques l’occasion de croire, sur son autorité, que nous voyons en nous la vertu infuse de foi, ou l’acte de foi en tant que surnaturel. Mais saint Augustin ne songe guère ici à la vertu infuse, ou à la surnatunilité de l’acte. Il se contente d’opposer simplement la foi des mystères aux mystères eux-mêmes. Ceux-ci, dit-il, nous ne pouvons les voir en aucune façon ; ils restent non vus. Heb., xi, 1. Mais la croyance que nous en avons, ce n’est pas un mystère : nous la voyons en nous par une conscience certaine ; nous voyons bien si nous croyons ou si nous ne croyons pas. De Trinitate, 1. XIII, c. i, n. 3, P. L., t. xlii, col. 1014. C’est une antithèse entre l’objet mystérieux de la foi, objet qui se dérobe totalement à notre expérience, à notre intuition, et notre acte subjectif de foi, dont notre conscience saisit avec certitude l’existence, sans pénétrer pour autant sa nature intime, s’il est surnaturel ou non. L’antithèse, en effet, ne demande pas que notre expérience pénètre à fond l’acte de foi. On a fait appel à une autre parole de saint Augustin, (lisant dans un sermon, à propos de la < justice » , ou de la grâce sanctifiante comme nous dirions aujourd’hui : Nolo vos inlerrogare de juslilia vestra ; forlassis enim nemo vestrum milii audeat respondere : Juslus sum ; sed interrogo vos de fide vestra. Sicut nemo vestrum audet dicere : Justus sum, sic nemo audet dicere : Fidelis non sum. Enarr. in ps. xxxil, serin, i, n. 4, P. L., t. xxxvi, col. 279. Ici encore, le mot fides doit faire absolument abstraction de la vertu infuse, de l’acte en tant que surnaturel, sujet d’ailleurs beaucoup trop subtil pour les auditeurs ordinaires de saint Augustin. « Si je vous interroge sur votre foi, dit-il, personne n’osera répondre : Je ne suis pas un fidèle. » Et pourquoi ? Parce que le titre de « fidèle » si cher au chrétien ne dépend que de deux conditions facilement reconnaissables et reconnues de tous, de deux f ; iits extérieurs et publics, la solennelle profession de foi et le baptême ; à moins de rétracter librement sa profession de foi et de devenir apostat, un fidèle ne peut pas dire qu’il n’a pas la foi, qu’il n’est pas un fidèle. Au contraire, le titre de « juste » repose uniquement sur une condition que le juste lui-même ne peut connaître avec certitude, la présence en lui de la grâce sanctifiante, qualité invisible et surnaturelle ; sur une condition qui n’est pas un fait extérieur et public, qui n’est d’ailleurs pas requise pour être chrétien et membre de l’Église, comme saint Augustin l’a si souvent soutenu contre les donatistes. Voilà pourquoi l’Église, qui parfois interroge publiquement les fidèles sur leur foi et leur en fait renouveler la profession, ne leur demande jamais : « Ètes-vous un juste ? Êtes-vous en état de grâce ? » Eux-mêmes n’oseraient répondre. Voilà évidemment ce que veut dire saint Augustin : or la vertu infuse, l’habilus fidei, n’a rien à faire ici : car, lorsqu’on demande aux fidèles une profession de foi, on leur demande s’ils adhèrent fermement aux articles de foi, on ne leur demande pas s’ils voient en eux-mêmes une vertu surnaturelle, ou si leur acte en est le produit.

On a voulu aussi s’appuyer sur saint Thomas. Mais le saint docteur sait fort bien distinguer dans un acte surnaturel ce qui est perceptible à l’expérience, et ce qui ne l’est pas. Prenons l’acte de charité. Nous percevons en nous, sans doute, un acte de dilection : mais est-ce la vraie charité, la charité surnaturelle ? Nous ne pouvons le savoir avec certitude, et pourquoi ? Quia actus ille dileclionis, quem in nobis percipimus secundum id de quo est perceptibile, non est sufficiens signum caritatis, propter similitudinem naturalis dilectionis ad gratuitum. Quæst. disp., De verilate, q. x, a. 10, ad l um. L’acte naturel d’aimer Dieu ressemble pour nous à l’acte surnaturel, produit de la grâce (gratuitum) : si