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ralité objective, qui affecte son objet. Mais ce n’est pas celle qu’entendent les théologiens, au mgins directement, quand ils disent que « l’acte de foi est surnaturel. » Ils entendent ce qu’entendait saint Augustin et avec lui les catholiques de son temps, quand ils disaient à rencontre des pélagiens que l’acte de foi est un produit de la grâce, est fait à l’aide de la grâce. La « grâce » qu’ils défendaient contre les pélagiens, ce n’était pas la révélation, qu’admettaient ces « ennemis de la grâce : » c’était une opération de Dieu dans le sujet, une grâce intérieure qui prévient et aide nos facultés, même quand nous ne la remarquons pas comme telle ; non point, par conséquent, quelque chose d’objectif, mais un principe d’action qui se tient du côté du sujet. C’est cette surnaturalité du côté subjectif de l’acte, que nous avons à établir maintenant. Mais ce qui vient ici compliquer la question, c’est que, sous le nom d’« acte de foi » , souvent on n’entend pas strictement l’assentiment donné à une vérité révélée. Dans un sens plus large, on associe à l’assentiment intellectuel l’acte de volonté qui le précède et le commande. Ces deux actes ne tendent-ils pas au même but, qui est de mettre cet assentiment dans l’intelligence ? L’unité du but leur donne entre eux une véritable unité morale, qui permet de les ranger ensemble sous le même nom d’« acte de foi » . Bien plus, les jugements de crédibilité qui précèdent et préparent cet ensemble, tendant, eux aussi, au même but, peuvent être compris dans 1’« acte de foi » , en prenant ce mot dans un sens encore plus large et avec moins de propriété. Non pas que tous ces actes se confondent réellement et physiquement avec l’assentiment de foi, et n’aient pas de précédence réelle. Voir col. 263-266. Mais plusieurs actes réellement distincts et successifs peuvent avoir entre eux une certaine unité morale qui permette d’étendre à tout cet ensemble le nom qui, au sens propre, n’appartient qu’à l’acte principal, vers lequel tous les autres convergent comme vers leur but ; or, dans la foi, les divers jugements de crédibilité, puis la volonté de croire, tout en un mot converge vers l’assentiment final de l’intelligence aux vérités révélées, qui est au sens le plus strict l’acte de foi. De là plusieurs questions à démêler : 1. L’« acte de foi » pris vaguement, c’est-à-dire sans déterminer si l’on parle au sens strict ou plus large, ni quel élément spécial on vise, est-il surnaturel ? 2. L’acte de volonté qui commande la foi est-il surnaturel ? 3. L’assentiment de foi est-il surnaturel ? 4. Que penser des jugements préalables de crédibilité ?

1. L’« acte de foi » , pris vaguement, est-il surnaturel ?

— Oui, et cela résulte de tous les textes qui demandent « la grâce » comme facteur essentiel de l’acte de foi, sans préciser davantage. On a coutume de les donner à propos de la grâce, soit en parlant des actes salutaires dont la foi est le premier, soit en disputant avec les semipélagiens sur Yinitium fidei. Voir Grâce. Plusieurs des textes d’Écriture, de Pères ou de conciles, que l’on y cite ordinairement, font mention spéciale de l’acte de foi ; et de plus, on prouve qu’il est un acte salutaire, c’est-à-dire conduisant positivement au salut, lorsqu’on traite des dispositions positives à la justification, dont la première est la foi. Voir Justification. Nous nous bornerons ici aux deux documents suivants.

Si quis dixerit, sine prae veniente Spiritus Sancti

inspiratione atque ejus ad jutorio, hominem credere,

sperare, diligere aut pœni tere posse sicut oportet ut

ci justiiicationis gratia con feratur, anathema sit. Con cile de Trente, sess. VI,

can. 3, Denzinger, n. 813.

Si quelqu’un dit que, sans

l’inspiration prévenante du

Saint-Esprit et sans son

aide, l’homme peut faire les

actes de foi, d’espérance,

d’amour ou de contrition

de la manière qu’il faut pour

que la grâce de la justifica tion lui soit conférée, qu’il

soit analhème.

C’est au Saint-Esprit que sont attribués tous 1rs charismes et toutes les œuvres surnaturelles. Voir, par exemple, I Cor., xii, 1-13. En conséquence, les mots inspiratio Spiritus Sancli, adjulorium Spiritus Sancti sont les termes consacrés par les Pères pour signifier l’opération divine, intérieure à notre âme, et surnaturelle, que supposent les actes salutaires, la grâce qui nous prévient et nous aide à les faire. Voir le II e concile d’Orange, can. 5, 6, 7, Denzinger, n. 178-180, et sa conclusion, n. 200. Cf. l’explication détaillée que donne le concile de Trente, ibid., c. v, Denzinger, n. 797. Cette « inspiration » ou « illumination » du Saint-Esprit, nécessaire à tout acte de foi salutaire, ne doit pas être confondue avec une « révélation » personnelle qui nous serait faite, confusion que nous avons réfutée dans Tyrrel. Voir col. 129.

Fides ipsa in se, etiamsi

per caritatem non operetur,

donum Dei est ; et actus

ejus est opus ad salutem

pertinens, quo homo li beram prsestat ipsi Deo obe dientiam, gratise ejus, cui

resistere posset, consen tiendo et cooperando. Con cile du Vatican, sess. III,

c. iii, Denzinger, n. 1791.

La foi, en elle-même, est

un don de Dieu, alors même

qu’elle n’opère point par la

charité (ou, qu’elle n’est pas

actionnée, perfectionnée par

la charité, Gal., v, 6) ; et

son acte est une œuvre ten dant au salut, par laquelle

l’homme se soumet libre ment à Dieu, en consentant

et en coopérant à sa grâce,

à laquelle il pourrait résis ter.

Le concile vise une erreur d’Hermès, lequel n’attribuait aucunement à l’action de la grâce la « foi de connaissance » , comme il appelait la foi prise en elle-même en dehors de la charité, mais seulement la « foi du cœur » , comme il appelait la foi perfectionnée par la charité : ce qui revenait à ne demander l’intervention de la grâce qu’à raison de la charité jointe à la foi. A rencontre de cette erreur, le concile reconnaît déjà comme donum Dei (c’est-à-dire comme œuvre de la grâce, dans le style de saint Augustin d’après Eph., n, 8) la foi en elle-même, fût-elle d’ailleurs séparée de la Charité, ce que les théologiens appellent la foi « morte » , Jac, ii, 17 ; à la condition toutefois que ce qu’on appelle « foi morte » ait du reste tous les éléments essentiels pour être acte de foi disposant à la justification, ou vertu de foi ; c’est pour qu’il n’y ait pas d’erreur sur cette condition nécessaire que le concile préfère à l’expression de « foi morte » , un peu vague et susceptible d’un sens plus large, l’expression plus déterminée et plus complète : fides ipsa in se. La foi, en effet, est déjà foi dans toute la force du terme, avant que la charité la perfectionne en s’y ajoutant ; quelle que soit d’ailleurs l’immense supériorité du groupe foi-charité sur la foi toute seule. En dehors de toute addition de la charité, la foi a donc son essence propre, fides ipsa in se ; et son acte est un acte salutaire, ad salutem pertinens, ainsi que l’avait affirmé le concile de Trente en disant : « La foi est le commencement du salut de l’homme, le fondement et la racine de toute justification. » Sess. VI, c. viii, Denzinger, n. 801. Comme acte salutaire, la foi, bien que n’étant encore qu’un « commencement » de l’œuvre entière de la justification ou du salut, doit avoir pour facteur un secours intérieur de la grâce. Hermès avait tort de refuser à cet acte la qualité de « salutaire » ; c’est de là qu’il concluait que la grâce n’était pas nécessaire à sa production. Et il lui refusait la qualité de « salutaire » parce qu’il se représentait cet acte comme n’étant pas libre, ce qui est une fausse conception de l’acte de foi, comme nous le verrons plus bas ; c’est pourquoi les Pères du concile du Vatican, poursuivant l’erreur d’Hermès jusque dans son origine première, affirment ici la liberté de l’acte en même temps que sa production par la grâce ; et, pour bien expliquer cette