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de justifier, aux yeux de la raison même. In résolution en question.

Z™ objection. — Théoriquement, la supériorité « lu témoignage divin sur le témoignage humain est écrasante. Mais pratiquement, nous ne pouvons nous servir de ce moyen supérieur d’arriver au vrai qu’après avoir constaté par l’apologétique que Dieu a vraiment témoigné : ce que nous ne pouvons savoir que par des témoignages humains, qui nous affirment le fait d’un homme se donnant comme envoyé de Dieu, le fait de sa sainteté et de ses miracles, le fait de l'Église, le fait de la définition ecclésiastique de tel dogme, etc. Pourquoi ces témoignages humains, d’où tout dépend, seraient-ils raisonnablement préférables aux témoignages humains des savants, des penseurs qui nous parlent contre tel ou tel dogme ? Pourquoi faudrait-il rejeter plutôt l’autorité de ceux-ci ? »

Réponse. — Le témoignage humain est un moyen de connaître, qui aux yeux de la raison même vaut principalement sur le terrain des faits ; les faits, et surtout les faits publics, sont Ce leur nature plus faciles et à bien constater, et à bien transmettre ; aussi l’histoire, basée sur des témoignages de faits, est généralement appréciée comme un moyen de légitime et absolue certitude, quand ses conditions sont bien remplies. Le témoignage humain vaut beaucoup moins pour autoriser des doctrines, surtout en matière subtile et ardue : aussi blâme-t-on la méthode des disciples de Pythagore, qui, dans les difficiles controverses de la philosophie, s’en rapportaient au témoignage de leur maître sur la valeur de ses propres théories, et, n'étant pas des enfants, résolvaient les questions les plus délicates par la seule autorité du maître : ipse dixit. Sur un semblable terrain, il faut se défier même d’un ensemble de savants, de ce qu’on appelle la science, la philosophie du jour : dans ses jugements sur la valeur des doctrines, elle cède souvent à la vogue, à la mode, a l’autorité exagérée d’un chef d'école, à un courant d’idées créées par des circonstances étrangères à la recherche de la vérité. Voilà ce que veulent dire nos manuels de logique, quand, à propos du témoignage humain considéré comme moyen de certitude, ils distinguent entre le lestimonium hisloricum et le testimonium scientificum : le témoignage sur la réalité des faits et le témoignage sur la valeur des théories. Cette distinction supposée, notons que notre apologétique ne s’aide du témoignage humain que sur le terrain où il <sl incontestablement le plus fort, sur le terrain historique des faits. Ce qu’elle emprunte au témoignage humain, ce sont des faits, l’authenticité d’un livre, le fait matériel d’un miracle que l’examen rationnel reconnaîtra ensuite comme un véritable miracle, le fait d’une défi nition ecclésiastique, etc. Par l’intermédiaire de ces faits, susceptibles d'être prouvés avec une vraie certitude, on entre en contact avec l’enseignement divin, .ni ir cment sûr que celui des savants et des philosophes, et qui peut sans aucun péril d’erreur nous enseigner les questions les plus mystérieuses et la valeur des doc trines. 1 Jonc, en cas de conflit, l’autorité révélatrice de I in h. bien que nous arrivant par des témoignages his torlques, reste plus gûre, même pratiquement pour nous, que l’autorité des philosophes et des Bavants prononçant sur la valeur des théories : sans compter que bien des hommes n’ont aussi ce verdict des savants

que de seconde main, et ; i travers d’autres téinoigna 2° objection. Vous opposez l’infaillibilité de Dieu ci 1 1 faillibilité de la raison humaine, de nos vues pei tonnelles. Mai la raison humaine doit, par une enquête pri ilable, Intervenir pour constater avec certitude le fait du témoignage divin, humona ratio., , divin » ren tattonis factum diligenier inmitai oportet, ni crrin m in i De u m tsse loculum. Pie |X, encyclique de 1846,

Denzinger, n. 1037. Étant faillible, elle peut se tromper dans cette enquête comme dans toute autre enquête. Donc, en cas de conflit entre notre foi et nos vues personnelles, nous n’avons pas, comme vous semblez le supposer, d’un côté, de l’infaillible tout pur, de l’autre, du faillible : mais en réalité, notre raison faillible intervient des deux côtés ; et par sa coopération nécessaire avec ce qu’elle déclare être le témoignage divin, elle rabaisse les données mêmes de la foi. Donc, il ne reste plus de motif raisonnable de préférer ces données à tout ce qui pourra les contredire, a priori, et pour tout l’avenir. Du moment que la même raison (nous n’en avons pas deux) agit des deux côtés, avec les mêmes risques, on ne voit pas pourquoi un des côtés, celui de la foi, deviendrait la règle d’après laquelle on devrait juger l’autre, pourquoi toute doctrine philosophique, par exemple, si elle se trouve en opposition avec ce que nous croyons, la révélation, serait d’avance et sans autre examen jugée fausse. A cause de cette valeur foncière de la raison humaine, que seuls peuvent nier les sceptiques, il faut avouer que si, d’une part, la voie de la révélation, contrôlée par cette raison, a sa valeur, d’autre part, nous sommes également sûrs d’arriver au vrai, en appliquant bien les méthodes de la philosophie. Ainsi, lorsqu’il y aura conflit entre les données de la foi et celles de la philosophie, examinons soigneusement dans chaque cas particulier lequel des deux éléments paraît, avoir été le plus sùrement manié et mérite de l’emporter sur l’autre ; mais ne prenons pas d’avance une résolution et une méthode de préférer toujours les données de la foi, et d’en faire la règle d’après laquelle nous jugerons tout le reste. » Cette grave difficulté n’a pas complètement échappé aux anciens théologiens ; si les Sahnanticenscs, par exemple, n’y donnent pas une solution bien claire, ils indiquent l’objection en ces termes : « Bien que le motif de notre foi soit le témoignage surnaturel de Dieu, ce motif pourtant dans son application dépend de la lumière naturelle qui juge de la véracité du témoignage divin, de son existence, de la crédibilité des mystères. La valeur éminente de ce témoignage est donc par là déprimée pour nous, en sorte qu’il ne peut communiquer tout entière à notre foi celle suprême certitude qu’il tend par lui-même à fonder. » Cursus théologiens, Paris, 1879, t. XI, De fuie, disp. II. n. [20, p. 162.

Réponse. - Nous avons prouvé contre les fidéisles que la raison humaine, « faillible par accident » malgré sa valeur foncière, doit intervenir pour constater le témoignage divin. Nous admettons donc qu'à cause de son intervention, dans la suprême certitude que le témoignage divin mérite de fonder, il y a un déchet pour nous, et que pratiquement celle suprême certitude ne peut nous être appliquée dans toute sa perfection, a (anse « le l’imperfection de Pinstrument qui l’applique. Toutefois, mime en tenant compte de ce déchet, nous maintenons la justesse de noire mé

thode, de préférer le donné révélé à tout ce qui peut le contredire ; et nous allons le prouver, en parlant des principes qu’approuve la raison elle-même en ce, de conflit entre deux moyens de connaître, dans l’ordre même naturel et humain. Souvent, en effet, une même question peut se décider par l’une ou par l’autre de icu voies différentes, si on les emploie toutes

deux, on arrive parfois à des résultats opposes ; pour sortir d’un tel conflit, le bon sens, la droite raison estime qu’il faut alors entre les deux préférer la voie * 1 1 1 ï offre par sa nature ci d’une manière générale

le plus de garanties, sur un terrain donné. Ainsi, dans l’exemple allégué plus li.nil : malgré la icimpies sion personnelle qui le ferait croire A l’immobilité de la

terre, l’homme peu Instruit, voyant l’unanimité des

ivants, et tant d’autres qui les suivent, admettre le