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Jacques Rousseau lui-même dit quelque chose de sein blable à propos de ses croyances à la providence de Dieu et à la vie future : « J’ai cru dans mon enfance par autorité, dans ma jeunesse par sentiment, dans mon âge mûr par raison, maintenant je crois parce que j’ai toujours cru. Tandis que ma mémoire éteinte ne me remet plus sur la trace de mes raisonnements, tandis que ma judiciaire affaiblie ne me permet plus de les recommencer, les opinions qui en ont résulté me restent dans toute leur force ; et sans que j’aie la volonté ni le courage de les mettre derechef en délibération, je m’y tiens en confiance et en conscience, certain d’avoir apporté dans la vigueur de mon jugement à leurs discussions toute l’attention et la bonne foi dont j'étais capable… Je n’ai rien de plus aujourd’hui ; j’ai beaucoup de moins. Sur quel fondement recommenccrais-je donc à délibérer ? Le moment presse ; le départ approche. Je n’aurais jamais le temps ni la force d’achever le grand travail d’une refonte. > Œuvres, Paris, 1820, t. xx, lettre du 15 janvier 1760, p. 162.

Le second cas est le seul difficile : c’est lorsque l’ensemble des motifs acquis n’a pas une valeur absolue, et ne suffirait pas à un esprit plus développé. Ces motifs ont d’abord suffi relativement ; mais voici que l’esprit auquel ils suffisaient se développe par la culture générale, devient sur tous les terrains plus exigeant en fait de preuves, entend contre la religion des difficultés jusqu’alors inconnues ; les anciens motifs ne lui sufflsent plus, même en supposant que l’homme conserve parfaitement ses bonnes dispositions morales, et qu’il ne puisse se reprocher ni négligence de sa religion, ni imprudence. Comment, sans un miracle qu’on ne peut supposer si fréquent, aura-t-il encore la crédibilité nécessaire et la possibilité rationnelle de croire ? - C’est surtout pour tourner cette grave difficulté que certains théologiens contemporains attaquent le fait d’une certitude de crédibilité purement relative et non infaillible chez les enfants et une partie des adultes catholiques, et préfèrent supposer chez tous la valeur absolue de leurs « motifs » , c’est-à-dire des preuves qu’ils voient et comme ils les voient. Le second cas est ainsi ramené par eux au premier. Nous ne demanderions pas mieux que de résoudre d’une manière I simple la difficulté, si c'était possible ; mais les faits sont les faits, et nous empêchent d’avoir une aussi haute opinion qu’eux sur l’apologétique réelle des enfants et des simples. Voir col. 221 sq. Force nous esl donc de chercher une autre solution, moins sommaire et plus longue à exposer. Elle consistera en assertions principales qu’il faudra mettre eu lumière, a) Dans une âme soucieuse de sa foi et conservant ses bonnes dispositions morales, à côté du développement général de l’esprit se fera un développement parallèle et correspondant des motifs de crédibilité, en sorte que l’esprit ait toujours ce qu’il lui faut la. b) Malgré les objections, l’esprit pourra garder sa certitude sans subir un doute réel, sans suspendre sa foi : ni la force des choses ne l’y contraint, ni la prudence ne l’j oblige.

a) Le développement dis motifs de crédibilité correspond nu développement de l’esprit. Partons d’un fait évident, c’est que l’intelligence humaine se développe lentement et par degrés, qu’elle ne saute pas des lande son berceau â la mentalité d’un profond peu seur. Naltira non procedit per snltus, disaient les scolastiques. I a question n’est donc pas de faire d’un bond passer quelqu’un des motifs relatif » qui lui ont suffi" dans son enfance a des motifs de crédibilité d’une

valeur absolue. Puisque les motifs capable ! de donner

I. certitude relative, a I instar des probabilités, sont

plus forts les uns que les autres et forment uio it ri( II.

ridante, il suffi) que l’esprit humain, a rn

qu’il monte en développement, monte aussi ces degrés de preuve, de manière à rencontrer toujours sur son chemin ce qui correspond à ses exigences grandies. A l’enfant, content d’abord du témoignage de ses parents ou de son curé, il faudra plus tard un petit raisonnement simple et facile pour confirmer les préambules de la foi ; peu à peu ce raisonnement prendra des allures qui le rapprocheront de certaines conférences populaires ou de nos manuels d’apologétique les plus rudimentaires, et ainsi de suite, d’après la marche du progrès intellectuel, qui est d’ailleurs bien loin d’aller chez tous du même pas, et d’arriver au même terme. — Partons encore d’une autre vérité d’expérience ; c’est que la providence, dans cette vie d'épreuve, ne donne aux hommes rien de grand, ni même ordinairement le nécessaire, sans un sérieux travail de leur part. Seul le dur travail arrache à la terre le blé qui conservera la vie, aux entrailles du sol le charbon et le métal, à la mer le chemin des navigateurs, à l’air celui des aviateurs, à l'étude de la nature les secrets de la science, aux luttes de l'âme la grandeur morale. La providence n’est donc pas davantage obligée de pourvoir à la conservation de notre foi sans que nous ayons à nous donner de la peine pour cela. La grandeur et l’importance d’un objet qui dépasse les limites du temps, d’un objet pour nous le plus nécessaire, rend même notre effort gravement obligatoire : car l’effort doit être proportionné à l’importance et à la nécessité de son objet. De là le péché grave de négligence que nous pouvons commettre en ce genre, et qui peut nous amener dans une impasse où Dieu ne sera pas obligé de faire des miracles pour nous conserver la possibilité de croire. Voir col. 315. Si le fidèle tient a sa foi, vraiment résolu à faire son devoir pour la conserver, il sentira bien qu’il ne peut se contenter d’avoir été autrefois au catéchisme, formation qui s’oublie si facilement dans le tourbillon de la vie ; et de fait « tout catholique, soit par des prédications qu’il écoute, soit par des lectures, doit demeurer sous l’intluence de l’enseignement de l'Église, afin que le progrès de sa faculté de connaître soit accompagné d’un progrès semblable dans sa connaissance de la foi ; car de même que l’intelligence est capable de développement, ainsi la preuve de la foi l’est aussi, et peut s’adapter à tous les esprits et à toutes les nécessités ; d’autant plus que l'Église n’est pas un document mort, mais un magistère vivant, auquel on peut s’adresser, et proposer ses difficultés. » C. Pesch, Prselectiones dogmatiese, 3e édit., 1910, t. viii, n. 380, p. 172. Que dire donc de ces catholiques qui trouvent du temps pour tout, et même pour une demi-culture intellectuelle, niais n’en trouvent pas pour s’occuper de leur religion ? Chez eux, dit Hettinger, » l’instruction religieuse n’avance point : elle reste ce qu’elle était dans l’enfance, ensevelie, oubliée sous la poussière de la vie quotidienne, de ses soucis et de ses peines, de ses dissipations et de sis jouissances. Toutes les facultés et les forces de l’homme

se sont développées et affermies : seul le sens religieux, qui est cependant le premier de nos attributs naturels, s'étiole et dépérit. On cultive toutes les régions de l'âme, excepté la plus profonde, la plus intime, la plus essentielle (pli reste déserte, stérile et désolée comme une une terre en friche. » Apologie du christianisme, c. i, .' ! " édit.. trad, franc-. Paris, s. d., t. i. p. 22. D’autres, après quelques démarches superficielles par

manière d’acquit, ont vite fait de conclure qu’ils ont Cherché et n’ont pas trouvé, i Ils croient avoir fait de grands efforts pour s’instruire, dit Pascal, lorsqu’ils ont employé quelques heures à la lecture de

quelque livre de l'Écriture, et qu’ils ont Interrogé

quelque ecclésiastique sur les vérités de la loi. Après cela, ils se vantent d’avoir cherché sans succès dans les livres et parmi les hommes. Mais, en viril.