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FOI


— Il pourrait arriver, par exemple, qu’ayant été instruit autrefois d’un dogme et l’ayant cru de foi surnaturelle, un bon catholique oublie que cette doctrine est un dogme de foi et qu’il l’a crue lui-même jadis ; et quevoyantdes gens qui la révoquent en doute, il se croie permis d’en faire autant. Hassler, op. cit., p. 373, 374. Suarez lui-même incline déjà à l’admettre : a Sur les vérités, dit-il, qui lui ont été suffisamment proposées par l’autorité de l’Église et qu’il a crues d’une vraie foi, le chrétien ne peut errer ou douter délibérément sans qu’il y ait de sa faute, à moins peut-être qu’il n’ait oublié sa connaissance première absolument comme s’il ne l’avait jamais eue. « De fuie, disp. XV, sect. ii, n. 6, dans Opéra, Paris, 1858, t. xii, p. 405. Mais, de ce qu’on peut supposer un tel oubli comme possible à l’égard d’un dogme moins usuel, moins souvent prêché aux fidèles, on ne peut en dire autant à l’égard de la foi catholique tout entière, comme le remarque Wilmers. De fuie dioina, Ratisbonne, 1902, p. 193. Hors le cas d’une infirmité physique où l’on perdrait la mémoire (et la doctrine que nous avons développée d’après le concile ne regarde que ceux qui ont conservé l’usage de leurs facultés), il n’y a aucune parité à établir entre l’oubli d’un détail et l’oubli de la foi catholique en ce qu’elle a de principal et de plus connu : soit du côté de la possibilité naturelle d’oubli, soit du côté de l’aide surnaturelle que Dieu a promise pour maintenir la crédibilité du dogme, soit du côté du danger qu’il y a pour le salut. Voir Pesch, Præleetiones dogmaticæ, 3e édit., 1910, t. viii, n. 382, p. 174. Ce que nous venons de dire nous donne l’occasion d’expliquer un document ecclésiastique sur l’assentiment de foi.

d) Explication de la 20e proposition condamnée par Innocent XI. — Voici cette proposition, avec celle qui la précède et qui fait corps avec elle :

19. Voluntas non potest

efficere ut assensus fidei in

se ipso sit magis fnmus,

quam mereatur pondus ra tionum ad assensum inipel Jentium.

20. Hinc potest quis pru denter repudiare assensum,

quem habebat, supernatu ralem. Denzinger, n. 1169,

1170.

La volonté ne peut faire

que l’assentiment de foi soit

plus ferme en lui-même que

ne le mérite le poids des

raisons inclinant à l’assen timent.

En conséquence, quel qu’un peut rétracter pru demment l’assentiment sur naturel qu’il avait aupa ravant.

On pourrait tirer de là une objection contre les deux dernières concessions (b et c) que nous avons faites. Innocent XI, en condamnant la proposition 20, ne semble-t-il pas dire que l’on ne peut jamais rétracter prudemment un assentiment de foi surnaturelle ? Il n’y a donc pas de distinction à faire ici entre foi catholique et foi divine (non catholique), celle-ci étant un « assentiment surnaturel » tout comme celle-là, et ne différant que du côté de la « proposition » de la vérité par l’Église. De même, l’assentiment à un dogme est surnaturel comme l’assentiment à plusieurs. — Réponse. — Il ne faut pas ici, pour avoir la pensée du pontife qui condamne, considérer isolément la proposition 20, et en prendre la contradictoire. Cette proposition, en effet, a été condamnée en connexion avec la précédente, ce qu’indique le mot hinc qui les lie. Ce qui est condamné, c’est donc tout cet ensemble et cette déduction que faisait l’auteur (qui a mis lui-même le mot hinc) ; c’est le sens qu’il y attachait. Or malheureusement la pensée de cet auteur, même au sens objectif, reste obscure pour nous, comme le remarquait déjà Cardenas. Crisis iheologica, 5e édit., Venise, 1700, diss. XIII, c. iv, p. 258. Ces deux propositions condamnées sont textuellement des thèses du franciscain Arnaud Marchant, soutenues en 1674 à Anvers. Voir Viva, Damnalæ thèses ab Innocenlio XI,

10’édit., Padoue, 1723, prop. 18, n. 3, p. 223 ; prop. 19 et 20, n. 1, p. 226. Nous avons l’énoncé des thèses, mais sans aucun contexte : nous ne savons pas comment elles étaient entendues et prouvées. Autant qu’on peut le conjecturer par le simple énoncé et l’enchaînement des deux thèses, l’auteur rejetait le rôle spécial de la volonté dans la foi, et mesurait la fermeté de la foi au poids des motifs de crédibilité (ralionum), à la force des arguments, un peu à la façon d’Hermès ; aussi, quand une difficulté auparavant inconnue venait affaiblir ces preuves au moins en apparence, quand un doute quelconque surgissait contre ces motifs, la volonté n’avait rien à faire pour conserver la foi ferme, et pouvait prudemment laisser l’intelligence céder à ce doute, et « répudier » ainsi un assentiment même surnaturel. Une pareille théorie était fausse et condamnable. Condamnable d’abord dans son principe, énoncé par la proposition 19 : la volonté, en effet, doit jouer un rôle spécial dans la foi, voir ce cjui sera dit de la liberté de la foi ; en particulier, elle doit éliminer les cloutes imprudents et déraisonnables, donnant ainsi une fermeté d’assentiment que les motifs de crédibilité n’auraient pas obtenue tout seuls ; la crédibilité elle-même, dont l’évidence préalable est nécessaire à l’acte de foi, n’a qu’une évidence morale qui dépend des bonnes dispositions morales de la volonté, et non pas uniquement des motifs intellectuels. Voir col. 210 sq. Condamnable aussi dans la conséquence, énoncée par la proposition 20 : cjuand même cette proposition, bien expliquée et strictement limitée, pourrait avoir un sens vrai, elle devient dangereuse non seulement parce qu’elle ne s’accompagne d’aucune distinction, d’aucune restriction, mais encore parce que le principe faux d’où on la tire lui communique nécessairement une généralité excessive ; elle met donc semblablement en péril toute espèce d’« assentiment surnaturel » , même celui qui porterait sur la foi catholique tout entière. Elle mérite donc au moins les qualifications de « scandaleuse, de pernicieuse en pratique » indiquées comme un minimum par le décret. Denzinger, n. 1215. Or s’il en est ainsi, si c’est la généralité scandaleuse et pernicieuse qui est condamnée dans la proposition 20, cette condamnation ne tombe nullement sur ceux qui se bornent à admettre un cas particulier et exceptionnel, où, sans compromettre en soi l’ensemble de la foi catholique, on abandonnerait par suite d’une erreur invincible un assentiment de foi, « surnaturel » en lui-même sans qu’on puisse le discerner comme tel ; où on l’abandonnerait « prudemment » , la prudence dépendant des circonstances subjectives telles que l’erreur invincible, et Dieu n’étant pas obligé d’empêcher cette erreur de détail, même dans le fidèle qui fait tout son devoir. Ajoutons que le terme employé dans la proposition condamnée, repudiare assensum, ne s’applique pas bien au cas exceptionnel dont nous parlons. Le mot repudiare indique une action faite en pleine [liberté, avec pleine possibilité d’agir ou de ne pas agir, comme lorsqu’on divorce avec une femme, lorsqu’on la a répudie » . On ne dirait ni en latin ni en français qu’un homme « répudie » la faveur d’un prince, pour exprimer qu’il est dans l’impossibilité de l’obtenir. Or, dans le cas exceptionnel que nous admettons, le fidèle manque de crédibilité à l’égard d’une vérité révélée, sans qu’il y ait de sa faute : il est donc mis malgré lui dans l’impossibilité de la croire, et l’on ne peut pas dire qu’il la « répudie » , ni qu’il « répudie » ou rétracte l’assentiment surnaturel qu’il lui avait donné. — Enfin, plusieurs théologiens interprètent et restreignent ainsi la condamnation de cette proposition 20. Tels sont Kilber, dans Theologia Wircebwgensis, t. iv, n. 17(>, ou dans Migne, Theologiæ cursus, t. vi, col. 546, 547 ; Pisani, O. P., Gedeonis gladius propositions a SS.