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en matière de foi, la providence empêchera infailliblement l’un et l’autre cas de se produire : mais comme nous en avons plus de preuves quand il s’agit du premier cas que du second, il convient de les traiter séparément.

Premier cas. — La foi n’est pas seulement de nécessité de précepte, mais encore de nécessité de moyen : voir Nécessité de la foi. C’est pour le chrétien non pas seulement une obligation comme une autre, dont peut excuser l’erreur invincible, mais une condition indispensable de salut ; il faut, comme condition nécessaire pour être sauvé, être fidèle à sa profession de foi jusqu’au dernier soupir. Voir Pro/essio fidei (ridentina, Denzinger, n. 1000. Or Dieu veut le salut de tous les Iminmes. et d’une manière plus spéciale le salut des fidèles. I Tim., iv, 10. Cette volonté ne serait pas sérieuse si le Tout-Puissant, qui a mille moyens d’aider à persévérer, permettait qu’un fidèle, qui a fait ce qu’il a pu pour garder sa foi, soit forcé de l’interrompre malgré lui, de la rétracter, faute de cette condition nécessaire de persévérance qu’est la crédibilité, et enfin soit ainsi surpris par la mort, et privé de son salut éternel. C’est l’argument de Kleutgen. Voir col. 298. C’est aussi la pensée des théologiens du schéma primitif, quand, à l’erreur qui permet au catholique de douter, et de changer de religion, ils opposent ces trois choses : « la nécessité de moyen qui est dans la vraie foi, Heb., xi, 6 ; le précepte du Christ, de croire toute la doctrine qu’il a ordonné à ses envoyés de prêcher à toute créature ; enfin, comme conséquence, la gravité du péché de ceux qui, ayant été une fois illuminés par la vraie foi, l’ont abandonnée par une triste chute. Heb., vi, 4. 6. » Note 19 du schéma, dans la Collectio lucensis, col. 532. On voit déjà la réponse à cette objection : Quoique l’accomplissement des préceptes qui obligent sub gravi soit objectivement nécessaire au salut. Dieu n’est pas tenu de pourvoir à ce que tous les fidèles aient subjectivement la possibilité de les accomplir : par exemple, de faire que tous puissent jeûner, entendre la messe, restituer malgré leur pauvreté une somme qu’ils n’ont plus ; qu’ils n’aient jamais d’erreur invincible qui leur fasse faire, même en matière grave, un péché matériel dans lequel la mort pourra les surprendre. Donc, Dieu ne tera pas tenu de rendre toujours possible l’accomplissement du précepte de la persévérance dans la foi, ni (l’empêcher l’erreur invincible qui forcerait un catholique à apostasier pour suivre sa conscience erronée, même quand la mort devrait le surprendre en cet état. » La réponse est contenue dans notre démonstration elle-même. Quand une chose est seulement de nécessité de précepte, comme dans les exemples cités, alors l’ignorance invincible, ou toute autre cause qui met dans l’impossibilité d’accomplir le précepte, sufhl, i en excuser et a faire disparaître l’obstacle au salut. Mais quand pour le salut une chose est de nécessité de moyen comme la foi, alors l’ignorance invincible ou toute autre cause d’impuissance peut bien excuser d’une faute nouvelle, mais elle n’enlève pas l’obstacle qui résulte par ailleurs du défaut de moyen : le salut reste inaccessible, si l’on n’est pas muni à l’heure de la mort du moyen nécessaire. 1 > ; ms ces conditions, comme Dieu veut sérieusement le salut de tous les adultes, et des fidèles surtout, de manière que leur salut dépende de leur volonté personnelle, ci qu’ils ne puissent s’en prendre qu'à eux-mêmes de leur perte, cette volonté de leur saint l’engage logiquement a leur donner le vaire pour pouvoir mourir dans la foi, du moins si leur volonté personnelle a fait son devoir de ce cotéla : autrement leur perle ne Viendrai ! pas d’eux, mais de lui, et sa volonté de leur salut ne serait pi

' t. Scheeben, loc. ni., p. 5 10 S’inmi cas. Si l’homme ne doit pas être turprl

par la mort dans le manque de foi, si ce moment décisif n’est pas en jeu, nous ne pouvons plus invoquer les conséquences de la nécessité de moyen, ni le salut rendu impossible au fidèle indépendamment de sa volonté personnelle, contre la promesse de Dieu ; l’argument précédent n’est plus applicable. Aussi Granderath ne voit-il pas comment on peut prouver que Dieu doive empêcher pareil cas : « Si (le catholique qui, faute de crédibilité, aurait douté de sa religion par une impuissance dont il ne serait pas responsable) revient bientôt à la vérité, dit-il, on ne voit pas quel plus grand malheur il peut y avoir à cela, qu'à commettre par erreur (invincible) une autre sorte de péché grave. » Loc. cit., col. 69. C’est ce « plus grand malheur » que nous allons montrer avec un peu d’insistance, parce que la plupart des théologiens n’ont guère considéré ce cas, et qu’on ne semble pas avoir assez approfondi une vérité de cette importance. — a. La foi est le fondement de toutes les vertus chrétiennes. Voir col. 84 sq. Sans elle, de quelque façon qu’on en soit privé, pas d’espérance de notre fin surnaturelle et ineffable, pas de crainte de l’enfer éternel, pas de contrition surnaturelle de ses fautes avec confiance du pardon, pas d’amour de Dieu comme ami, uni à nous par la communication familière des biens surnaturels, de son Fils qui nous a rachetés et se donne à nous en nourriture, de son Esprit qui habite en nous, de son adoption et de son propre bonheur un jour : tout cela ne peut se connaître que par la révélation et la foi. Sans la foi, pas d’amour pour nos frères, comme membres d’une même famille divine et représentant pour nous Jésus lui-même, pas de charité s'étendant jusqu'à nos ennemis, pas d’ardeur à conserver la pureté, pas de culte divin tel qu’il a plu à Dieu de l’instituer avec son sacrifice et ses sacrements, pas de soumission à l'Église infaillible, pas de zèle pour la conversion de ceux qui sont restés dans les ténèbres en dehors de cette admirable lumière, pas de vertus héroïques, pas de sublime dévouement allant parfois jusqu’au martyre. Sans elle, plus de communication intime avec la grande société qui jusque-là nous avait soutenus, plus de.Mère au ciel et de saints à invoquer, plus d’habitudes religieuses et de dévotions qui consolent et fortifient. Etre privé de la foi, même sans faute de sa part, et ne fût-ce que pour quelques années ou quelques semaines, c’est être pendant ce temps-là privé de tous ces biens, de tous ces divins éléments qui élèvent l'âme ; c’est être rejeté, sinon dans le scepticisme, du moins dans les idées vagues et abstraites de la raison naturelle et de la philosophie, peu accessibles et peu vivantes ; c’est être rejeté dans le vide du cœur, et par suite dans le matérialisme des intérêts d’ici lias, ou dans la folle exaltation des passions humaines : et cela d’autant plus dangereusement qu’en perdant les convictions fermes de la foi, par une transition soudaine, on tombe d’un monde dans un autre, on change brusquement tout son horizon, tout son avenir et toute sa vie, on voit s'écrouler tout un passé dont on a vécu, sans savoir si jamais on pourra relever tant de ruines. Au contraire, qu’un fidèle liai inadvertance manque la messe un jour d’obligation. qu’il aille par une erreur Invincible jusqu'à se croire permise une action gravement immorale et la commet le. ou se croie mal à propos dispensé de restituer. tout cela est plus ou moins regrettable, mais n’a aucunement pour lui les conséquences que nous venons d’indiquer. Il y avait donc une raison très forte pour quc Dieu, bien qu’il n’ait pas promis d’empêcher, dans des lideles même très pieux, tout péché matériel cou

i re les autres préceptes, empêchai en eux l’abandon de

la foi même par une erreur Invincible et un péché scu Icnient matériel, du moins si auparavant ils ont fait de leur côté leur devoir pour la conserver. I.a diflé-