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enfance, être obligés même à suivre leur conscience erronée, toutefois, quand ensuite ils rencontrent des raisons à rencontre de leurs convictions, ils doivent d’abord, comme les autres, prier et chercher à s’instruire, et s’ils le font, il leur arrivera le contraire de ce qui arrive aux fidèles de la vraie religion. Tandis que dans ceux-ci la persuasion première durera, se fortifiera, dans ceux-là elle s'évanouira pour faire place à une croyance meilleure. Car la même lumière d’en haut qui, dans celui qui adhère à la vérité, consolide la vraie certitude, détruit la fausse dans l'égaré qui cherche la vérité. En conséquence, comme l’a déclaré le concile du Vatican, on ne peut pas assimiler la condition des orthodoxes à celle des hétérodoxes ou des incrédules. » Loc. cit., n. 643, p. 466, 467. On voit par cette citation, que nous aurions pu allonger, comment Kleutgen entre en plein dans le point de vue subjectif, et explique en ce sens les paroles du concile, sans dire toutefois que ce point ait été défini.

Scheeben va même plus loin : « C’est toujours un crime de rétracter la foi catholique, quand on l’a formellement acceptée comme telle et possédée… Il y a toujours, soit du côté de l’objet, soit du côté du sujet, devoir impérieux en même temps que possibilité rationnelle d’y rester immuablement attaché. » Et il ajoute que ce point « a été défini par le concile du Vatican. » La dogmatique, trad. franc., Paris, 1877, 1. 1, § 46, p. 547, 548. Lahousse explique le même endroit du concile par la différence d'état subjectif où arriveront les orthodoxes et les hétérodoxes s’ils sont fidèles à la grâce. Orthodoxes : « A cause du milieu où l’on se trouve, il peut arriver que la persévérance dans la vraie foi devienne moralement impossible sans un secours spécial de Dieu. Ce secours, Dieu ne le refuse à personne qui le demande et se conduit bien. Mais on peut par une mauvaise conduite s’en rendre indigne, et, parce qu’on a le premier abandonné Dieu, en être abandonné à son tour. Il peut donc arriver qu'étant privé de la lumière divine on ne voie plus la nécessité d’adhérer à la religion catholique, qu’on se persuade même qu’il faut en sortir. » Hétérodoxes : « L’hérétique de bonne foi, quand il est pris de doutes sur sa secte, n’est pas tenu d’abjurer immédiatement l’hérésie, mais d’implorer la lumière de l’Esprit-Saint et d'étudier sa religion. Comme il n’y a en faveur de la secte et de ses erreurs aucun véritable motif de crédit ilité, plus il avancera dans l'étude de la question religieuse, plus ses doutes prendront de force, si sa volonté est bien disposée et s’il demande humblement la grâce de Dieu. Par tout cela s’explique et se vérifie l’affirmation du concile du Vatican : Minime par est conditio eorum, etc. » De virtutibus theologicis, Bruges, 1900, n. 231, p. 296, 297. "Wilmers, après avoir cité le texte du concile, explique les mots justam causam dans un sens non pas seulement objectif mais subjectif : « L’homme qui a reçu la foi sous le magistère de l'Église, et qui de plus est continuellement poussé par la grâce à y persévérer, ne peut jamais avoir aucune cause d’apostasier ou de douter, laquelle il puisse regarder sincèrement comme étant juste. S’il ne peut avoir aucune juste raison, il s’ensuit qu’il ne peut être excusé, quand, malgré tout, il change sa foi ou la révoque en doute, tandis que l’infidèle peut (souvent) être excusé, quand il ne reçoit pas la foi ou doute de la révélation. La révélation en elle-même, ou objectivement considérée, est absolument indubitable ; mais il ne s’agit pas ici de la révélation objectivement considérée, il s’agit plutôt de la connaissance qu’on en a, certaine ou incertaine. » De fuie divina, édité par le P. Lehmkuhl, Ratisbonne et New York, 1902, n. 181, p. 189, 190. Plus loin il remarque que dans le texte du concile non comparatur religio cum religione, sed « conditio » credenlis catholici « cum condilione » infidelis vil helcrodoxi, n. 188, p. 195.

Le cardinal Billot paraphrase ainsi le texte du concile : Benignissimus Deus injallibililer providel ut ii omnes quos de lencbris translulit, etc., habeunt semper unde… absque de/ectione rationabililer perseverare possini, non deserens, etc. De virtutibus infusis, Rome, 1905, t. i, thés, xvii, coroll., p. 314. Il y a donc une spéciale c providence » qui pourvoit à ce que tout catholique ait « toujours, infailliblement » les moyens, la « possibilité de persévérer raisonnablement » dans la foi, " à moins qu’il n’abandonne le premier. » La grâce de la foi exige, dit-il plus loin, « que jamais le fidèle ne soit mis dans une circonstance où malgré lui il lui deviendrait impossible de garder raisonnablement sa foi ; or il serait mis dans une semblable circonstance, s’il était amené invinciblement à un état où il manquerait de crédibilité suffisante. » Loc. cit., p. 315. Au contraire, pour les non-catholiques, « la crédibilité purement respective qu’ils ont eue d’abord en faveur de leurs articles faux peut venir à manquer totalement, et cela non seulement avec la permission de Dieu mais par l’action positive de sa grâce. » Loc. cit., p. 316. Le P. Pesch résout ainsi le cas le plus difficile, celui d’un jeune catholique vivant au milieu d’ennemis acharnés de sa foi, entendant mille objections sans que personne puisse l’aider : « S’il se jette volontairement, dit-il, dans le danger de perdre la foi, ou s’il y demeure volontairement, c’est une faute, et il doit s’en prendre à lui-même des conséquences de cette faute. Mais s’il est forcé de vivre en un tel milieu, et s’il fait ce qu’il peut, continuant surtout à prier, une grâce même extraordinaire ne lui fera pas défaut… et suppléera ce qui lui manque du côté des secours extérieurs, et ainsi sa foi ne succombera pas. C’est ce qu’enseigne le concile du Vatican : Deus non deserit, nisi deseratur. » Prælecliones dogmaticæ, 3e édit., 1910, t. viii, n. 381, p. 173. Et rapportant l’opinion de Granderath « qui soutient qu’on reste dans la pensée du concile, en admettant une apostasie dans laquelle il ne soit pas nécessaire de supposer aucun péché, » le P. Pesch estime que cela paraît dépasser les bornes, nimium videtur. Loc. cit., n. 385, p. 175.

2. La question en elle-même, en dehors de la déclaralion du concile et d’après d’autres sources. — Il importe de bien distinguer ce point du précédent. Granderath lui-même a eu soin de le faire : « Je ne veux nullement soutenir ni prouver, dit-il, qu’il puisse arriver à quelqu’un, par une erreur invincible et sans faute de sa part, de se séparer de l'Église ; je veux seulement montrer que le concile n’a porté aucun jugement là-dessus. » Constitul. dogmatiese, Fribourg, 1892, p. 62. Autre chose, en effet, est de savoir si un concile s’est prononcé sur un sujet donné, autre chose est de traiter par ailleurs ce sujet lui-même. Indépendamment de la preuve que nous avons tirée de l’autorité du concile, notre thèse se soutient par une autre démonstration théologique qu’il faut maintenant donner. Une première partie regardera les catholiques : une seconde partie, les hétérodoxes.

a) Première partie : catholiques. — Il faut ici distinguer deux cas possibles : le défaut de persévérance clans la foi (doute volontaire ou apostasie, suspension seulement temporaire à la façon d’Hermès ou rejet qui veut être définitif, cf. Wilmers, loc. cit., p. 189). le défaut de persévérance dans la foi peut figurer de deux manières dans une vie humaine. La première, c’est qu’on soit surpris parla mort dans ce défaut de foi ; la seconde, c’est qu’on ne le soit pas. Dans le premier cas, un homme formé par l'Église dans la foi, et vrai croyant d’abord, vit et meurt ensuite dans le doute ou l’apostasie. Dans le second cas, le doute ou l’apostasie ne sont qu’une triste parenthèse dans sa vie ; il en revient, et finit comme il avait commencé. Or, disonsnous, si le catholique fait, comme il le peut, son devoii