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FOI


leur adhésion, qui per cœlesle fidei donum calholicse verilati adhœserunl. Il ne dit pas un mot de la persévérance dans la grâce sanctifiante, il parle dès le début de la persévérance dans la foi : « Pour que nous puissions satisfaire au devoir d’embrasser la vraie foi, et d’y persévérer avec constance… » Et à l’endroit même que nous discutons : « Il les affermit par sa grâce (actuelle) pour qu’ils persévèrent dans cette même lumière (de la foi), n’abandonnant jamais s’il n’est lui-même abandonné. » Donc, d’après tout le contexte, ces derniers mots ne signifient pas : Dieu ne retire jamais à un juste son amitié, sa grâce sanctifiante, s’il n’est lui-même abandonné par un péché mortel — chose très vraie, mais qui n’a rien à faire ici — mais : Dieu ne perniet jamais qu’un catholique tombe dans l’impossibilité de croire, pourvu que de son côté ce catholique ne fasse pas défaut. Rien, du reste, ne forçait le concile du Vatican d’appliquer l’axiome très général Deus non deseril nisi deseratur à la même matière que le concile de Trente, et dans le même sens. L’auteur de cet axiome n’est pas le concile de Trente, mais saint Augustin ; et ce Père ne l’a nullement restreint aux justes et à la grâce sanctifiante, pas plus que les théologiens qui après lui l’ont répété. Par exemple, on l’applique après saint Augustin à ce.> pécheurs endurcis, auxquels Dieu refuse l’abondance de ses grâces actuelles (ou même toute grâce actuelle d’après certains thomistes), et qu’il « abandonne » ainsi au sens plus ou moins strict, mais non point toutefois avant que ces pécheurs n’aient les premiers abandonné Dieu par une extraordinaire malice et un spécial abus de ses grâces, ce qui est plus qu’un péché mortel ordinaire.

c. On objecte encore contre l’explication que nous venons de donner du c. m : « Est-ce que les catholiques et les hétérodoxes sont d’une condition différente, au point de vue des preuves de la vraie foi et des grâces qu’ils reçoivent pour croire ? Non, puisque le concile a, au contraire, fait ressortir que ces preuves et ces grâces sont données non seulement aux catholiques, mais encore à ceux qui ne le sont pas. » Vacant, loc. cil., p. 172.

Réponse. — Sans doute, « les preuves de la vraie foi » sont les mêmes et pour le catholique et pour le protestant en voie de conversion, qui tous deux les étudient ; la différence de condition signalée par le concile n’est pas de ce côté-là. Elle est entre les preuves de la vraie religion et celles de la fausse. L'Église catholique a pour elle « des notes manifestes » , Denzinger, n. 1793, « un grand motif de crédibilité, un témoignage irréfragable de sa mission divine, » n. 1794. Les sectes ont pour elles des ombres de preuves, des apparences, qui peuvent dans un simple produire la certitude relative, mais qui, bien examinées, ne donneront jamais qu’une probabilité, même prises toutes ensemble ; ainsi la prospérité des nations protestantes, regardée comme une bénédiction de Dieu sur le protestantisme ; les missions protestantes, marque de fécondité ; les saints dont se vante l'Église russe. Ce sont des preuves de ce genre que le concile vise en disant : minime par est conditio… corum qui ducli opinionibus humanis religionem sectantur. Elles sont très bien caractérisées par le mot opiniones, qui suppose un motif insuffisant à la certitude. Voilà pour la différence des preuves entre catholiques et hétérodoxes. Quant à la grâce, sans doute elle est donnée des deux côtés, mais elle travaille différemment chez les uns et chez les autres : « elle excite les errants à venir » à la vraie religion, donc à sortir de la leur, puisqu’ils ne peuvent être à la fois dans les deux ; elle « confirme » les catholiques pour qu’ils « persévèrent » dans la leur. Quocirca minime par est conditio…

d. Les théologiens romains, auteurs du schéma primitif, dans leurs notes explicatives de ce schéma, ne

parlent pas de cette doctrine que l’on dit affirmée ici. Vacant, op. cit., p. 168. Martin de Paderborn n’en dit rien dans son rapport sur le nouveau schéma. Ibid., p. 170.

Réponse. — Ces théologiens, qui aiment à synthétiser, parlent souvent comme s’il n’y avait qu’une seule erreur visée par leur schéma. Ailleurs pourtant, ils la dédoublent en deux, celle d’Hermès et celle des indifférentistes. Ailleurs encore, quand ils énumèrent les vérités catholiques opposées à cette « unique erreur » , leur énumération devient plus longue : « L’erreur dont il s’agit ici, disent-ils, s’oppose à la doctrine catholique et révélée : a. sur la nécessité et le précepte divin de la vraie foi ; p. sur la crédibilité de toute la révélation, en tant que proposée par l'Église catholique, et sur la certitude immuable même pour les simples, en dehors de toute enquête scientifique et philosophique ; y. sur la lumière de foi et la fermeté surnaturelle de la foi. » Colleclio lacensis, col. 532. Remarquons ces mots : la crédibilité, la certitude immuable du fait de la révélation eliam pro rudibus ; voilà qui nous tire des considérations purement objectives, et qui descend dans les circonstances subjectives où se trouvent certains individus, pour montrer qu’ils pourront « immuablement » avoir la « certitude » des préambules de la foi, à moins évidemment qu’il n’y ait de leur faute. Or le concile, dans ses chapitres, se propose non pas seulement de condamner des erreurs, comme dans ses canons, mais de déclarer aux fidèles les vérités opposées ; parmi ces vérités est celle à laquelle ces théologiens font ici allusion. Ailleurs aussi, ils se plaignent de « l’erreur très répandue dans certaines régions, » qui ne veut pas considérer les apostats du catholicisme comme criminels, criminis reos, parce que ces apostats « disent presque toujours qu’en cela ils ont suivi leur conscience, » loc. cit., col. 531 ; ce criminis reos, cette conscience qu’on dit avoir suivie, voilà bien qui nous fait sortir du point de vue purement objectif pour descendre dans le vif de l'âme, dans la culpabilité subjective de l’individu ! Le P. Pesch conclut de ce passage : Ergonon de objectiva lantum certiludine sermo est, sed eliam de subjectiva. Prxlectiones, 3e édit., Fribourg, 1910, t. viii, p. 173, 174. Notons enfin que le sens naturel du texte conciliaire, analysé plus haut, vaudra toujours mieux, comme source d’information sur son contenu, que les notes annexées par de simples théologiens à un schéma primitif rejeté par les Pères, et puis large, ment remanié et éclairci. Quant à l'évêque de Paderborn, il continue à parler comme s’il n’y avait d’attaquée ici qu’une erreur : mais à cette erreur sont opposées plusieurs vérités, dont d’ailleurs il ne faut pas attendre l'énumération complète dans un résumé de dix lignes pour toute cette partie du c. m. Il ne s’agit chez lui que d’un coup d’ceil rapide, par manière d’exorde, sur l’ensemble et l’enchaînement de ce chapitre. Colleclio lacensis, col. 165.

e. Bien plus, les mêmes théologiens romains disent positivement que leur schéma ne touche pas à cette question subjective, qu’il ne prétend pas empêcher d’admettre en certains cas un abandon de la religion catholique sans péché formel. Granderath, op. cit.. p. 68, 69 ; Vacant, op. cit., p. 169, 170. Voici le passage des théologiens romains qu’on invoque : Xcque etiam in proposita declaralione doclrinæ et condemnalione erroris illud attingitur, quod aliqui vcleres theologi concedere non dubilanl, posse pcr accidens et in cerlis quibusdam adjunclis conscientiam rudis cujusdam hominis calholici ila induci in errorem invincibilem, ut seclam aliquam licterodoxam ampleclatur sine peccato formait contra fidem ; qua in hypolhesi is fidem non amilleret, nec formalis sed materialis hxreticus foret. Tanner, De fuie, q. ii, dub. v, n. 139 ; Platelius, De fide, n. 61. Hœc quidem, nisi cautissime explieentur, periculose dis-