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concile, quand il propose la doctrine catholique, peut être amené à affirmer suffisamment un point lié à l’ensemble, sans qu’on puisse dire toujours qu’il ait eu l’intention de le dé finir. Odiosa sunt strictæ inlerpretulionis : la définition est un acte juridique, emportant comme conséquence le crime d’hérésie et les peines des hérétiques pour ceux qui nient scienler et contumaciter la vérité définie : elle doit être conçue en termes très clairs, clarté que parfois les conciles évitent à dessein pour qu’on ne puisse pas dire que la chose est définie. Le fait d’une controverse entre de graves théologiens sur le sens et la portée de certains termes d’un document ecclésiastique pourrait déjà à lui seul être un indice que tel sens contesté n’a pas été défini. Mais observons qu’il est dans l’usage des théologiens de tirer d’un concile un solide argument pour une thèse, tout en reconnaissant qu’elle n’a pas été définie ; exemple, la thèse de la suffisance de l’attrition, prouvée par le concile de Trente. Sess. XIV, c. iv, Denzinger, n. 898. Le concile a montré suffisamment la vérité à un esprit attentif et qui sait raisonner ; il ne l’a pas définie. — Avec la question de définition, écartons encore la question de savoir si le concile a dit d’une manière quelconque, et même en dehors de toute définition, qu’un catholique ne peut jamais changer de religion ni douter d’un dogme, sans commettre ce que les théologiens appellent le péché d’infidélité, le péché formel et direct contre la foi, qui détruit la vertu infuse d’après le concile de Trente. Sess. VI, c. xv, Denzinger, n. 808. Autre chose est de préciser « ’une manière si rigoriste la culpabilité subjective de tout abandon du catholicisme, autre chose est de dire que, si l’apostat avait fait à un moment donné de sa vie ce qu’il voyait être son devoir par rapport à la foi, Dieu lui aurait donné les moyens, et même au besoin, des moyens extraordinaires de persévérer dans sa religion, en sorte que c’est par sa faute qu’il est tombé dans l’illusion de conscience dont on le dit victime : assertion plus modérée, laquelle au moins est contenue dans le texte du concile d’après nous, quoi qu’il en soit de l’assertion plus rigide, que nous examinerons plus tard. Pour voir clair en une matière si complexe, il faut absolument sérier les questions, distinguer les thèses différentes bien que voisines, et les traiter à part.

On peut reprocher à deux théologiens très estimables, Granderath et Vacant, de n’avoir pas agi de la sorte dans leur explication de ce document conciliaire, qu’ils ont d’ailleurs le mérite d’avoir étudié de près, et non pas seulement salué de loin comme l’ont fait tant d’ouvrages sur le concile du Vatican ou sur la foi en général. Granderath pose ainsi la question, c’est le titre de sa IVe dissertation : Sitne a concilio definilum, eos qui fidem sub Ecclesiæ magisterio susceperint, sine peccato formali eamdem fidem mutare vel in dubium vocare non posse ? Constituliones concilii Valicani. .. explicalse, 1892, p. 61. Vacant le suit, et pose la question de même. Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, la constitution Dei Filius, 1895, t. ii, p. 165. A la question ainsi posée ils répondent négativement, et nous croyons leur réponse bonne, en ce sens que le concile n’a pas défini. Mais les arguments qu’ils emploient pour la prouver sont moins bons que la réponse elle-même ; ces arguments vont plus loin, trop loin, et tendent à exclure non seulement une définition, et une définition de la position la plus rigide contre les apostats, mais encore le fait que le concile, sans la définir, ait laissé suffisamment entendre la thèse plus modérée que nous énoncions tout à l’heure. Enregistrons ici leurs arguments, et les répliques que l’on peut y faire en serrant de près le texte du concile.

a. La phrase principale, disent-ils, nullam unquam

habere possunt juslam causam mulandi, etc., s’entend très bien ainsi : les catholiques ne peuvent jamais avoir une cause objectivement juste, une raison objectivement valable d’abandonner leur religion ou d’en douter, puisqu’elle est objectivement la vraie religion, puisque Dieu a réellement commandé, par le précepte de la foi, d’y rester toujours fidèle : précepte méconnu par les théories d’Hermès et des indifférentistes. Or l’assertion du concile ainsi entendue n’empêche pas qu’un catholique ne puisse, dans certaines difficultés extraordinaires où se trouve sa foi, se figurer, sans aucune faute de sa part, par une erreur invincible dont il n’est pas responsable, par une persuasion purement subjective, qu’il est en droit de douter de sa religion, ou même de la quitter ; auquel cas il serait excusé de la transgression du précepte de la foi, et aurait une raison subjectivement valable d’agir ainsi, à savoir sa conscience erronée qu’il peut et doit suivre. Un détail des Acta prouve même, ajoutent-ils, que le concile a voulu se renfermer dans le sens purement objectif. Le projet de canon proposé avait gardé cette formule du schéma primitif : Si quis dixeril, parem esse condilionem fidelium, etc., ita ut fidèles calholici licite possinl, etc. Collectio lacensis, t. vii, col. 77 ; cf. col. 512. Au lieu de ce licite possint, un amendement proposa : veram et juslam causam habere possint, col. 164. Cet amendement fut accepté par la commission sous cette forme simplifiée : justam causam habere possint, voir le discours du rapporteur, Martin de Paderborn, col. 189, 190, enfin accepté avec cette simplification par les Pères. Or, si licite possint indique bien le point de vue même subjectif, juslam causam habere possint a un sens purement objectif, ce que Granderath prouve de la manière suivante : o Si quelqu’un par erreur se croit offensé par son ami, et rompt avec lui, on ne dira pas qu’il a un juste motif de rompre : on ne le dirait que s’il avait été réellement (objectivement) offensé. » Loc. cit., p. 65, 66. Donc le concile veut simplement dire contre Hermès et les indifférentistes que les catholiques n’ont jamais un motif objectivement valable de douter ou d’apostasier : il n’affirme rien de plus.

Réponse. — Pour quelle raison l’auteur de l’amendement Pavait-il proposé, les Actes imprimés ne le disent pas ; c’était souvent affaire de style ; en tout cas, on ne peut rien tirer de cet amendement accepté en partie par le concile. Car la formule première du schéma et la formule substituée s’équivalent ; la « licéité » de la première formule a elle-même son double point de vue, objectif et subjectif : ainsi le mensonge est toujours « illicite » objectivement : il devient subjectivement « licite » à qui de bonne foi croit le mensonge permis pour sauver un ami. Et de même pour le juslam causam de la seconde formule. Si l’on ne dit pas qu’un homme, qui par erreur rompt avec un ami, a un « juste motif » de le faire, c’est que l’on considère la question d’homme à homme seulement. Si l’on considère l’acte au point de vue de la conscience et de Dieu (comme nous devons le considérer dans la question présente), on peut fort bien dire que celui qui, sur une fausse supposition, mais de bonne foi, croit en conscience devoir rompre avec un indigne ami, a devant Dieu un juste motif de le faire. Les mots juslam causam de la nouvelle formule n’excluent donc nullement le point de vue subjectif. D’ailleurs Martin de Paderborn lui-même, avec la commission de la foi, ne mettait pas de différence entre les deux formules, puisqu’avant l’amendement, dans le schéma réformé dont il était l’auteur et qu’il proposa au nom de la commission, les deux formules se trouvaient indifféremment employées pour dire la même chose à divers endroits, le justam causam dans le c. iii, Collectio lacensis, col. 74, et le licite possint dans le canon 6, col. 77. Donc cette phrase du concile au c. m : nullam un-