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taine en une doctrine qui résout toutes les grandes questions qui peuvent intéresser l’homme… Je n’oublierai jamais la soirée de décembre où le voile qui me dérobait à moi-même ma propre incrédulité fut déchiré. Les heures de la nuit s’écoulaient et je ne m’en apercevais pas… En vain je m’attachais à ces croyances dernières comme un naufragé aux débris de son navire : en vain épouvanté du vide inconnu dans lequel j’allais flotter, je me rejetais pour la dernière fois vers mon enfance, ma famille, mon pays, tout ce qui m’était cher et sacré… Je sus alors qu’au fond de moi-même il n’y avait plus rien qui fût debout. Ce moment fut affreux… Les jours qui suivirent furent les plus tristes de ma vie, « etc. Nouveaux mélanges, 3e édit., Paris, 1872, De l’organisation des sciences philosophiques, part. II, p. 81-84.

Hermès, c’est vrai, ne veut pas qu’on reste dans ce vide ; il faut « traverser, avec beaucoup d’efforts, le labyrinthe du doute. » Mais comment se ressaisir, puisque l’esprit n’a point gardé de principes incontestés, à l’aide desquels il puisse reconquérir ce qu’il y aura perdu ? Et en attendant ce ressaisissement douteux, que restera-t-il pour soutenir la vie morale ? L’imagination et les passions, si vives à cet âge, ne pourraient-elles pas gagner la partie, surtout en face du long et fastidieux travail intellectuel de reconstruction diflicile, disons impossible, qu’on impose au jeune homme ?

c) Illusions et inconséquences d’Hermès.

a. Il méprise la certitude que l’on appelle spontanée ou vulgaire, puisqu’il la traite à l’égal d’un préjugé qu’on rejette. Il la méprise à tort, puisque sur certains points elle a une valeur absolue, sur d’autres une valeur relative qui n’est pas méprisable. Et toutefois, c’est à un esprit élevé depuis peu et de bien peu au-dessus de cette certitude vulgaire, qu’il demande un miracle de construction et de démonstration : comme si une méthode purement négative, qui consiste à démolir tout son acquis, allait devenir entre des mains novices une baguette magique pour accomplir des prodiges. —

b. Hermès, comme les rationalistes et les libéraux en général, se figure dans chaque individu une raison idéale, d’une puissance extraordinaire, que l’on peut sans danger bousculer et mettre à toute épreuve. Qu’il l’appelle spéculative ou pratique, il la regarde comme capable de prouver jusqu’aux faits historiques de l’apologétique avec une force nécessitante qui ne permet pas à l’assentiment de se dérober. M. lis quand une telle démonstration serait possible chez un grand génie, parfaitement outillé pour cela, rappelons-nous que les grands génies n’abondent pas, que le temps ou les livres nécessaires à bien traiter les questions historiques font souvent défaut, et surtout que beaucoup d’esprits ne manquent pas de tendances morbides qui les font facilement dévier, et leur permettent de se dérober à l’évidence morale, quelque Valable qu’elle soit en elle-même ; enfin, que la certitude purement relative des simples, avec laquelle notre novice entre à l’école d’I lermès, demande à être traitée d’une main délicate et avec beaucoup de ménagements.

c. Hermès veut que son disciple, auquel il B fait faire table rase et perdre la foi, conserve la pratique de la religion catholique. Mais sans la foi on ne peut recevoir les sacrements : une pareille fréquentation « les sacrements sans la disposition fondamentale pour les recevoir, serait, d’après la doctrine de l’Église, non seulement infructueuse et iimtile, mais hypocrite, sacrilège et mortellement coupable : quelle préparation pour un futur ministre du culte I Déjà au xvine siècle, ;. un savant de Genève qui voulait faire passer tout enfant baptisé « par un’i 1 1 de doute sur la vérité du christianisme, Mgr Lefranc de Pompignan demandait : « Participera-t-il au culte public, aux assemblées et aux prières communes des fidèles pendant tout le temps que durera son examen des motifs de crédibilité, et son indétermination sur ce qu’il doit croire ? Il faut bien l’en exclure, puisque la foi actuelle et formée est la première et la plus essentielle disposition qu’on a toujours exigée, non seulement des fidèles initiés aux mystères, mais des catéchumènes qui n’assistaient qu’aux instructions et à une partie de la liturgie. Est-ce néanmoins ce qui se pratique, je ne dis pas dans l’Église catholique, mais dans toutes les communions chrétiennes ? A-t-on jamais connu un intervalle de temps où un enfant baptisé ne fût pas en état d’entrer dans les temples du Seigneur…, d’y prendre part aux cérémonies de son culte ; un temps, en un mot, où la condition de ce néophyte fût pire que celle d’un catéchumène ? » Controv. pacifique sur la foi des enfants, etc. Réponse à la 2e lettre, n. 8, dans Migne. Theologiæ cursus, t. vi, col. 1130. Hermès, en faisant continuer la pratique du culte, se conforme à la tradition, mais en faisant suspendre la foi il s’en écarte ; la tradition est que l’on n’interrompe jamais ni la pratique, ni la foi sans laquelle la pratique ne serait pas permise. —

d. Enfin le travail d’enquête que veut Hermès sur notre religion, comparée aux autres, sur nos motifs de crédibilité, sur les dogmes et la solution de toutes les objections, en un mot le travail de reconstruction savante, menace d’être long, en concédant qu’il aboutisse. Hermès nous dit en 1819 qu’il vient d’y consacrer vingt-trois ans sans aucune distraction, et y passant souvent les nuits, aux dépens de sa santé ; bientôt il languissait, et après douze ans de foi reconquise il mourait. Voir Hurter, loc. cit. Eh bien, Dieu n’a pu rendre si difficile à un catholique l’acquisition de la foi, dont il a fait la première base de toute la vie chrétienne. Il l’a mieux proportionnée à la brièveté de notre vie. « S’il nous faut des bibliothèques et des musées pour conduire un homme à la morale et a la religion, disait Newman, soyons conséquents, et prenons des chimistes pour cuisiniers et des minéralogistes pour maçons. » Grammar of assenl, 1895, part. I re, c. iv, p. 95, 96. Et si la mort surprend cet homme au cours de ses doutes ? Celui qui, victime de sa méthode, meurt sans la foi, peut-il prétendre au salut ?

c. Et tout cela sous quel prétexte ? Arriver à la vraie certitude par ce doute réel, comme par un moyen nécessaire. Mais il ne l’est pas : l’attention, le consciencieux amour de la vérité, le doute fictif qui ne suspend pas la foi habituelle, suffisent au bon emploi des méthodes scientifiques, et par là à une certitude digne du savant. I.e mathématicien qui cherche une nouvelle démonstration n’est pas obligé, pour réussir, de douter réellement du théorème à démontrer ; le philosophe qui cherche à prouver scientifiquement une vérité de sens commun, n’est pas obligé de renoncer au sens commun.

4. Documents ecclésiastiques sur la méthode d’Hernies.

a) Grégoire XVI, en condamnant en général les ouvrages d’Hermès, lui reproche, entre autres erreurs de prendre le doute positif pour base de toute la recherche théologique. » )5rcf /)um acerbissimas, Dcndnger, n. 1619 (i W7). C’est là précisément la caractéristique de sa méthode. — b) Le concile du Vatican a condamné celle méthode. De ftde, can. 6, Dcn/inger, n. 1815. Nous le montrerons a l’instant.’.'<" Différence entre /’fù/lise et les sectes quant au douti et au changement de religion ; possibilité pour tout catholique, s’il fait son devoir par rapport </ la foi, d’aooii toujours la crédibilité nécessaire. - - Sur ce dlfftctli sujet nous examinerons les pointa suivants : i. Docu ments ecclésiastiques : un c.inon et un chapitre du concile du Vatican ; controverse sur leur interpréta lion ; 2. la question elle-même, en dehors de la décla-