Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/149

Cette page n’a pas encore été corrigée

2s : i

FOI

C 284

sition de la certitude qui auparavant n’existait pas, tout en un mot dans ce passage montre assez qu’il ne s’agit pas d’un cloute fictif. D’après Hermès encore, le futur théologien ne doit « reculer devant aucun doute, » mais au contraire doit les « rechercher » , aufsuchen. Loc. cit., p. xxvii. Il exhorte ses disciples à s’affranchir théoriquement de tous les systèmes de théologie et de religion, et à les regarder tous comme d’égale valeur. « Cet affranchissement, dit-il, n’est pas opposé, comme on pourrait le croire, au doute réel, comme s’il ne constituait qu’un doute méthodique (fictif), mais seulement à l’abandon pratique des devoirs religieux ou à l’apostasie proprement dite de la religion. » Loc. cit. Ainsi Hermès entend que, sans abandonner la pratique religieuse et sans se poser en apostat, on doute réellement. Comparez les citations d’Hermès faites par les théologiens du concile du Vatican, Colleclio lacensis, t. vii, col. 530, 531 (en note).

On a vu dans notre première citation d’Hermès, que la seule porte par laquelle il permet de sortir du doute, le seul moyen légitime de décider (pour soi) définitivement un point quelconque, c’est quand on y est forcé par « une absolue nécessité de la raison. » Entend-il par là l’évidence des scolastiques, qui détermine l’intelligence par une réduction aux premiers principes, ou celle de Descartes qui y ressemble ? Oui, mais pas uniquement. « Imprégné de kantisme…, cette raison par laquelle il se laissait conduire du doute à la foi, dit M. Goyau, était beaucoup moins la raison spéculative que la raison pratique de Kant. Car la vérité et la réalité de l’histoire évangélique ne peuvent, d’après lui, être admises de telle façon que tout doute spéculatif soit exclu ; et il ne serait pas absurde, pour la raison spéculative, d’admettre que Jésus, en se disant Dieu, ait été trompeur ou trompé ; c’est à la raison pratique de suppléer. Hermès, après avoir discuté si le Nouveau Testament et la tradition orale sont historiquement vrais d’une façon extérieure, remet à cette raison pratique le soin de décider si la doctrine de Jésus, telle qu’elle est proposée dans ce livre et dans cette tradition, est intérieurement vraie ; et c’en est assez pour deviner avec quelle force lui pouvait être adressé le reproche de subjectivisme… A ses yeux, les commandements de Dieu n’acquéraient force obligatoire qu’en tant qu’ils étaient intérieurement, après examen de leur objet, reconnus conformes aux exigences de la raison pratique. » G. Goyau, op. cit., p. 9, 10. Perrone avait déjà signalé le grand rôle de la « raison pratique » dans le système d’Hermès, et montré l’insuffisance de cette raison pour la vraie certitude et ses autres inconvénients. Réflexions sur la méthode introduite par G. Hermès dans la théologie catholique, traduit de l’italien dans Migne, Démonstrations évangéliques, 1843, t. xiv, col. 959 sq. Qu’elle soit spéculative ou pratique, Hermès fait passer du doute à la foi par une raison « absolument nécessitante » pour l’esprit. Il ne connaît ni l’évidence « morale » , ni l’espèce de certitude vraie qui, bien qu’infaillible par ses motifs, dépend des dispositions morales et de la volonté libre. Voir col. 207 sq. La « foi de connaissance » est pour lui sans aucune liberté, simple produit de raisons nécessitantes, ce qui a été condamné par le concile du Vatican. Voir ce que nous airons de la liberté de la foi. Enfin il ne faudrait pas confondre absoluj ment la méthode d’Hermès avec celle de Gùnther qui vint peu après lui, et qui, laissant de côté le témoignage divin, prétendait démontrer intrinsèquement et philosophiquement tous les dogmes, même la Trinité. Voir col. 100. Hermès admet davantage la voie extrinsèque. « Hermès, dit le P. Perrone, déclare cjue dans la dogmatique spéciale catholique il faut puiser aux sources qui lui sont propres, c’est-à-dire l’Écriture, la tradition et l’enseignement de l’Église. » Loc. cit., col. 960. Il y ajoutait cependant une exigence rationnelleexagérée : au lieu de se contenter de la preuve positive extrinsèque, il exigeait encore, avant de croire, que l’on eût directement résolu toutes les objections de la raison scientifique contre les dogmes, ce qui retarderait extraordinairement la foi : il fait de cela une « condition de notre foi » dans un passage cité par Perrone. Prœlectiones, 31e 6d.it., Turin, 1865, De locis theologicis, part. III, n. 243, p. 322.

3. Critique de la méthode d’Hermès.

Nous la critiquerons au point de vue de la révélation, et à celui de la raison, en rappelant les principes de l’une et de l’autre qui s’opposent à une pareille méthode ; puis nous montrerons les illusions et les inconséquences de l’auteur.

a) Les principes de la révélation exigent la persévérance dans la foi que l’on a reçue par l’enseignement apostolique et ecclésiastique ; qu’on reste enraciné dans cette foi, que l’on ne s’en écarte pas, même sous prétexte de philosophie. Voir col. 279 sq. Or le doute réel, tel que celui d’Hermès, écarte de la foi, déracine de la foi, puisque la foi est un assentiment intellectuel essentiellement ferme, excluant le doute. Voir col. 88 sq. Et comment observerait-il le précepte divin de garder sa foi, celui qui volontairement « rechercherait les doutes » suivant la méthode d’Hermès ? Cette méthode est donc ouvertement opposée aux documents de l’Écriture et de la tradition que nous avons cités.

b) Les principes de la raison et même du bon sens vulgaire ainsi que les faits d’expérience condamnent cette méthode. — Le développement naturel et légitime de l’esprit humain, tout le monde peut l’observer, se fait comme il suit. La vérité, non sans mélange d’erreur, vient à l’enfant par ses parents et ses maîtres ; sur leur simple parole, il acquiert beaucoup de fermes convictions, grâce à une docilité naturelle et, tout bien considéré, bienfaisante et nécessaire. Voir Croyance, t. iii, col. 2380, 2381, 2393. Plus d’un adulte ne dépasse guère cette mentalité de l’enfant, et s’en tient simplement à ce qu’on lui a jadis enseigné. Chez d’autres il se fait, grâce à’des circonstances qui le favorisent, un notable développement de l’esprit. Mais ce développement ne sera bon qu’à la condition de se faire par degrés, sans à-coup, comme la croissance normale d’un organisme vivant ; si des erreurs se sont glissées dans l’éducation, elles sont éliminées peu à peu par la réflexion, chacune en son temps et comme insensiblement, ainsi que beaucoup de toxines sont éliminées par notre organisme ; il y a ainsi évolution de l’esprit, et non pas révolution. Au contraire, c’est une révolution que veut Hermès. Un beau jour, abordant l’étude si ardue de la philosophie et de la théologie, le jeune chrétien qui se destine à l’enseignement de la religion « s’affranchira de tous les systèmes de religion, « c’est-à-dire du catholicisme aussi bien que du protestantisme, du christianisme aussi bien que du mahométisme, du bouddhisme, etc., et « les regardera tous comme d’égale valeur. » Les vérités les plus fondamentales de la vie morale et religieuse, l’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme, les premiers principes de la moralité, tomberont d’après Hermès sous ce doute d’ensemble. Voilà donc un arbre que l’on ne se contente pas d’émonder, mais que l’on déracine ; un champ de blé où l’on arrache les épis avec l’ivraie. Dans ce terrible ravage, dans cet effondrement de toutes ses fermes croyances, que va devenir cette âme, à peine sortie de la mentalité de l’enfant ? Ne sera-t-elle pas jetée dans des angoisses atroces, comme Jouffroy un jour, avant sa vingtième année. « Grâce à ces croyances, dit-il, la vie présente m’était claire, et par delà, je voyais s «  dérouler sans nuage l’avenir qui doit le suivre… J’étais heureux de ce bonheur que donne une foi vive et cer-