Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/134

Cette page n’a pas encore été corrigée
253
254
FOI


où il dit ce qu’il pense, si cette affirmation est chez lui certaine ou accompagnée d’un certain doute. Puisqu’il en est ainsi, comment prouver que la parole doit manifester cette autre détermination bien plus mystérieuse de la pensée, à savoir, si elle est ou non produite avec la coopération de la grâce invisible, si elle est surnaturelle ou naturelle ? Comment prouver que la parole du prêtre, enseignant tour à tour un mystère vraiment révélé et un mystère qui ne l’est pas, doit par elle-même faire connaître à ses auditeurs que, dans le premier cas, il accomplit sa mission, et que, dans le second, il ne l’accomplit pas ? Comment prouver que sa parole leur apparaîtra, dans le premier cas comme exlrinsèquement surnaturelle et rattachée à un acte de foi intrinsèquement surnaturel et infaillible, dans le second cas comme purement naturelle et rattachée à une pensée purement naturelle et faillible ? Du reste, la foi est surnaturelle quoad su.bslan.tiam : le surnaturel quoad modum des charismes, et le surnaturel quoad substanliam, lié par essence avec la grâce sanctifiante et la déification, sont d’ordre essentiellement différent ; donc une parole qui n’est surnaturelle que quoad modum n’est pas apte à nous révéler une pensée surnaturelle quoad substanliam : elle ne répond pas à l’acte de foi dans le même ordre, comme la parole répond à la pensée dans l’ordre naturel qui a servi de point de départ. La même erreur est fréquente aujourd’hui : on parle beaucoup de surnaturel, mais on abuse du vague de ce mot très général, et sous ce nom on traite scmblaljlement des choses fort différentes, appliquant à toutes les espèces de surnaturel certaines propriétés qui ne conviennent qu'à une seule. — Ainsi le système croule parla base ; mais de plus, l’expérience le dément : les fidèles, même avec la grâce qui les aide, n’atteignent pas la foi intime de leur pasteur. Il peut faire exactement le catéchisme en n’ayant pas la foi ; regardent-ils alors les vrais dogmes comme faussement révélés ? Non ; tout se passe dans leur instruction comme s’il avait la foi ; ils n’ont donc pas le don de découvrir immédiatement et infailliblement dans sa parole même s’il a ou s’il n’a pas la foi ; on ne pénètre pas ainsi dans la vie intime des autres. Ils seraient d’ailleurs bien embarrassés de saisir, même dans la plus vague des conceptions, la différence qu’il y a entre un acte naturel et un acte surnaturel, entre un acte fait par la nature laissé à sa seule activité, et un acte fait par la nature élevée ; ces questions trop ardues les dépassent. Enfin, si le curé présentait de bonne foi comme révélée une vérité qui ne l’est pas, il ne s’apercevrait pas lui-même qu’il agit autrement que dans les cas ordinaires, il penserait agir en vertu de sa mission, et il croirait pouvoir faire là-dessus un acte de foi divine, et rien ne lui indiquerait que son acte de foi ii I lias alors intrinsèquement surnaturel : et vous voulez qu’un enfant, qu’une bonne femme en voient plus long que lui sur sis actes à lui ? Vous voulez leur donner un esprit prophétique qui pénètre fi' secret des iM iirs ? Que d’inconvénients à répandre d’une manière générale ce don miraculeux sur les ignorants et les simples ! Aussi Dieu ne l’a-t-il pas fait.

Conclusion. — Trois théologiens, dune grande i niosité, se sont mis l’esprit a la toiture pour trouver une suppléance surnaturelle qui puisse donner un carat 1ère d' 'infaillibilité, et d’infaillibilité reconnalssable expérimentalement, à la connaissance que les simples mit du fait de la révélation, antérieurement à la foi. Chacun d’eux a détruit par de bonnes raisons l'œuvre ' ! ton prédéo iseur, mais nul d’entre eux n’esl arrivé A propo r quelque i hose <r.i< < eptable. Aussi la masse

les a pas suivis, cl, instruite par

l’insii. ces de leurs tentatives, s’est attachée de plus en plus a ces deux principes : « ) une certitude relative cl non infaillibli de certains préambules de la fol suf fit aux simples, en sorte que ni leurs motifs naturels de crédibilité, ni même la suppléance de la grâce ne doivent leur en donner avant la foi une certitude meilleure ; b) la grâce qui aide la crédibilité n’est pas en général une révélation proprement dite, ni un miracle que l’on puisse constater ; elle ne tombe pas sous l’expérience, du moins en tant que surnaturelle, et certainement surnaturelle ; elle n’agit pas ut quod, à la façon d’un objet, dont la surnaturalité perçue fournirait un nouveau motif de crédibilité, infaillible celui-là. La réfutation la plus détaillée de ces systèmes se trouve chez Haunold, loc. cit. Muniessa l’abrège, De providenlia Dei, de fide divina, Saragosse, 1700, disp. V, n. 109 sq., p. 489 sq. Kilber est encore plus bref, dans Theol. Wirceburgensis, t. iv, n. 178, 179, ou dans Migne, Theologix cursus, t. vi, col. 545, 548-551.

Système de la suggestion divine.

Les anciens

théologiens qui le soutiennent appellent cette grâce species suasivse, ou illuslratio suasiva, ou apprehensio suasiva. Voir, par exemple, Gormaz, qui en cite plusieurs autres, et discute amplement la question. Cursus theologicus, Augsbourg, 1707, t. i, De fide, n. 464 sq., p. 743 sq. Nous traduisons leurs appellations un peu vagues par le mot de « suggestion » , parce qu’il nous paraît rendre assez bien leur pensée, si l’on prend ce mot au sens précis et très connu qu’il a acquis de nos jours, depuis la découverte de l’hypnotisme et l'étude des phénomènes qui s’y rattachent de près ou de loin. Celui qui en « suggestionne » un autre lui fait faire à son gré des jugements et des actes divers ; nous ne nous occupons ici que des jugements.

Disons tout d’abord qu’il ne peut pas être ici question d’une « suggestion » telle que, sans aucun motif intellectuel, sans aucune preuve, par un entraînement purement aveugle et purement instinctif, l’homme arrive à affirmer une proposition qui a besoin de preuve, comme le fait de la révélation. Une telle intervention divine supprimerait l’exercice de la raison conduisant à la foi, c’est-à-dire qu’elle introduirait le fidéisme déjà rejeté. Voir col. 174 sq. Le concile du Vatican écarte une foi aussi déraisonnable : Dieu, dit-il, a donné des preuves du fait de la révélation, ut fldei nostrx obsequiuin rationi consentaneum esset. Licct fidei assensus nequaquam sit motus animi emeus, dit-il encore. Sess. III, c. iii, Denzinger, n. 1790, 1791. Enfin Dieu dans sa sagesse conduit les êtres conformément à leur nature, que le surnaturel ne détruit pas, mais perfectionne : or la nature et l'état normal de notre intelligence est de ne pouvoir affirmer sans aucun motif intellectuel. Voir CROYANCE, t. iii, col. 2371, 2372. Il faut donc, supposer d’abord un motif de crédibilité, sur lequel s’exerce la raison, mais un motif qui n’obtienne pas une ferme et complète conviction, soit défaut réel de valeur intrinsèque, soit inhabileté du sujet à saisir pleinement cette preuve, soit concours de circonstances difficiles et troublantes. I.a grâce viendrait alors non pas ajouter un nouveau motif, niais simplement ajouter à celui-ci une force persuasive (d’où le mot d’illustratio suasiva) ; elle agirait ut quo, sans même que l’on s’en rendit

compte, de manière à provoquer l’assentiment ferme,

au moins avec une coopération de la volonté bien disposée.

Quand même un honnie ne pourrait pas en persuader un autre de Cette manière, disent les défenseurs du

système, s’ensult-U que Dieu ne le puisse, lui dont la

puissance atteint a fond les faillites qu’il a créées.' D’ailleurs, l’homme lui-même, sans ajouter un nouvel argument poui l’esprit, en faisant appel aux sen-a lions, au sentiment, .. l'âme tout entière, peut renia preuve rationnelle. La même preuve, dit

Mayr, qui. proposée languissamment par un mauvais

avocat, ne fait pis d impression, en fera une 1res