Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/130

Cette page n’a pas encore été corrigée
245
246
FOI


ce jugement évident, qu’il faut vivre avec tempérance (exemple dont se sert saint Thomas), c’est la prudence qui le porte, mais c’est la tempérance qui a donné l’impulsion ; par manière de disposition, elle fait que son objet nous paraisse facilement convenir. » Adam Tanner, Theologia scholastica, Ingolstadt, 1627, t. iii, col. 81. Plus tard, les Salmanticenses, avec un peu plus de développement, distinguent deux influences de tout habitus : l’une directe, qu’ils appellent « élicitive » et que Yhabilus exerce sur son acte propre ; l’autre « indirecte et dispositive » exercée par Vhabiius sur le jugement prudentiel qui dirige son acte, tel le jugement pratique de crédibilité dirigeant la volonté de croire et préparant l’acte de foi. Cette influence dispositive s’exerce, disent-ils, « en écartant les obstacles, ou en introduisant quelque chose de positif qui facilite ce jugement… Par le fait qu’on est bien affectionné à la matière d’une vertu, on voit très facilement la convenance d’agir selon cette vertu, et même (dans le détail) les actes qu’elle demande. Inversement, si l’on est mal disposé à l'égard d’une vertu, il est difficile d’en avoir des idées justes ; le débauché a bien de la peine à voir qu’il convient d’observer la chasteté ; car l’affection désordonnée corrompt le jugement de la prudence… Ainsi, par le fait même qu’on a la vertu de foi et cette pieuse disposition de la partie affective qui lui est annexée, on est porté à voir facilement qu’il est convenable de croire. » Cursus theologicus, t. xi, disp. I, n. 203, p. 94. Ces auteurs, ainsi que beaucoup d’autres, citent à ce propos un mot que l’on a contume d’attribuer à Aristote : Qualiscumquc unusquisque est, lalis et finis videtur ei. Notons toutefois que cet adage, dangereux dans son imprécision, est tiré d’une objection que réfute Aristote, Élhioue à Nicomaque, 1. III, c. v, n. 17, dans Opéra, édit. Didot, t. ii, p. 28 ; trad. de Barthélémy Saint-Hilaire, Morale a" Aristote, t. ii, p. 33 ; pour la forme même de l’adage dans l’ancienne traduction latine, voir S. Thomas, Opéra, Parme, 18C7, t. iv, Commentaires sur l'Éthique d' Aristote, 1. III, lect. xiii, p. 93. Pourquoi a-t-on attribué ce propos a Aristote qui le réfute ? Probablement parce que le philosophe affirme, peu auparavant, quelque chose d’analogue, mais mieux précisé. Opéra, toc. cit., c. iv, p. 29. Cf. S. Thomas, loc. cit., lect. x, p. <S7. Il dit que le bien, objet de la volonté humaine, « pour l’homme vertueux et honnête, c’est le bien véritable ; pour le méchant, c’est au hasard ce qui se présente à lui… I. 'homme vertueux sait toujours juger les choses comme il faut 1rs juger, et le vrai lui apparaît dans chacune d’elles ; parce que, suivant les dispositions mondes de l’homme, lis ctioses varient, » etc. Trad. de Barthélémy SaintHilaire, loc. cit.. p. 20, 27.

II. SYSTÈMES.

Ces notions préliminaires étant supposées, venons maintenant aux divers systèmes que l’on a imaginés, autrefois ou de notre temps, pour expliquer la nature de cette grâce qui aide les motifs de crédibilité, spécialement en vue de résoudre le problème de la foi des enfants et des simples.

1° Système de Guillaume d’Auxerre, ]f siècle : une illumination est donnée, mais seulement dans le cas oi) le catéchiste leur présente à croire une chose fausse ou non re ; elle les préservera d’y croire comme à une , au moins s’ils ont eu auparavant lis dispositions morales convenables, désir et soin de la vérité religieuse, prière, etc. Summa, I. III, tr. III, c. ii, q. m.

Critique du système. — Il ne favorise pas le lidcisme. ni beaucoup l’illuminisme, puisque cette espèce de grâce n’interviendrait que dans des cas exceptionni Is et très rares (si on la suppose donnée seulement dam l'Église catholique), et qu’elle laisserait à la crédlbj lité naturelle tout son Jeu. Mais 1. ce os serait pas une

solution adéquate du problème, puisqu’on n’explique pas comment la grâce vient aider dans la difficulté d’admettre les préambules de la foi, même quand le catéchiste ne propose aucun article faux, ce qui est le cas ordinaire ; 2. l’inconvénient auquel on veut remédier n’est pas de grande importance, et le remède surnaturel en question est promis sans aucun fondement solide d’une telle promesse, comme le montre Suarez cité plus haut, col. 235 ; il y revient. Op. cit., disp. XV, sect. il, n. 4, 5, p. 404.

2° Système du discerniculum expérimentale, xvii e siècle : un phénomène miraculeux, donnant à l’esprit la certitude, se passe dans l’esprit des simples toutes les fois qu’ils ont à admettre un dogme vraiment révélé, et n’a pas lieu si on les trompe ; ils ont par là la possibilité de n’adhérer famais à l’erreur comme à la vérité. — Ce système a été expliqué de diverses manières par trois célèbres théologiens, professeurs au Collège romain : Antoine Pérez, d’une subtilité extraordinaire, surnommé de son temps theologus mirabilis ; Pallavicini, collègue et successeur de Pérez, très connu par son Histoire du concile de Trente, et depuis cardinal ; Esparza, disciple de Pérez et successeur de Pallavicini. Nous donnerons en détail l’explication de chacun, parce qu’aujourd’hui, tout en les rejetant sommairement d’un mot, et en croyant dire du nouveau. on ne fait parfois que reprendre tantôt l’une, tantôt l’autre de ces théories, au moins en partie. L’histoire des idées, elle aussi, est faite de recommencements.

1. Exposé du système de Pérez, premier auteur du discerniculum. — Sa théorie est intéressante pour la question de la certitude. Abordant le problème de la croyance au fait de la révélation chez les simples, il commence par repousser la suffisance de la certitude relative et non infaillible (telle que nous l’avons prouvée, col. 219 sq.), et cela par cette simple affirmation a priori, qu’il doit y avoir dans leur esprit quelque chose qui les amène suffisamment à la volonté de croire, et qui ait « une connexion infaillible avec la vérité du mystère à croire. » In II"" et 1 1 ! "< partent 1). Thomx traclatus VI, Lyon, 1669, tr. IV, disp. II, c. iii, n. 1, p. 201. Celte connexion infaillible, Pérez voit très bien qu’on ne peut la trouver dans la valeur intellectuelle du motif de crédibilité qui agit presque uniquement sur les enfants, le témoignage de leurs parents ou du curé sur le fait de la révélation, ni dans les miracles de l'Évan gile, etc., tels qu’ils sont dans leur es/ait, c’est-à-dire garantis seulement par l’affirmation des parents ou du curé. Voir col. 222. Cette connexion infaillible, il ira donc la chercher ailleurs, dans le fait même de leur volonté de croire sans aucune hésitation et de leur foi très fermerait expérimentalement certain et que Pérez transforme en un miracle ; et comme Dieu ne peut faire un miracle en faveur de l’erreur, il y a donc connexion infaillible entre ce miracle et la vérité du dogme que l’on croit. D’après lui, la fermeté, la sécurité que nous observons dans la croyance des simples au fait de la révélation, peut bien provenir en partie des motifs de crédibilité, mais elle provient surtout de ce que « Dieu a une vertu surnaturelle de mouvoir l’esprit et de l’amener à un jugement évident sur l’obligation de croire, et de croire fermement et sans aucun doute. » Loc. cit., n. 20, p. 205. « C’est, dit-il, une prérogative de Dieu seul quand il révèle, ou quand il applique (par ses ministres) sa révélation à quelqu’un, de pouvoir la proposer sans évidence métaphysique, et toutefois de pouvoir rendre l'âme aussi sûre du vrai, aussi ferme, que si elle recevait une démonstration métaphysique, lln’y a peut-être pas de plus grand miracle, parmi ceux qui nous portent à la foi, que cette sécurité ei cette absolue

fermeté d’une Intelligence sans démonstration métaphysique. » Loc. cit., n. 4, p. 202. Mais comment prouve i n cette assertion fondamentale <le son sys-