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qu’indique ici Mgr Meurin : « Nous devons croire une assertion dès que nous avons la certitude morale qu’elle a été révélée, » principe que nous avons prouvé plus haut, voir col. 215, nous pouvons, sans aucune faute de logique, en déduire cette conclusion parfaitement évidente, que nous avons la possibilité et l’obligation de croire : c’est 1' « évidence de crédibilité » .

Notons, en terminant, que, lorsqu’il s’agit de déterminer quelle est la valeur de notre apologétique, ou en général de notre démonstration des préambules spéculatifs de la foi, il convient d'écarter d’abord certains termes vagues, certaines questions secondaires, qui ne peuvent qu’embrouiller la question principale. Exemple : « Peut-on faire une démonstration rigoureuse, scientifique, du fait de la révélation ? » Question vaguement posée. Si les termes « rigoureuse, scientifique » signifient une démonstration mathématique et d’jne évidence qui arrache l’adhésion, on répondra non. S’ils s'étendent à signifier aussi une démonstration donnant l'évidence morale, et pouvant produire une certitude légitime et infaillible, bien que dépendante des dispositions du sujet et de sa volonté libre, on pourra répondre oui. Voir art. Apologétique, dans d’Alès, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. i, col. 246 sq. Sur la question semblable de la « connaissance scientifique » et de la « démonstration » de l’existence de Dieu, voir Dieu, t. iv, col. 923 sq. Autre exemple. Il est une controverse célèbre dans la scolastique sur la question de savoir si quelques privilégiés peuvent avoir exceptionnellement l'évidence parfaite et nécessitante du fait de la révélation, ou evidenlia aliestanlis (De/) : question bien secondaire ici, soit parce que l'évidence et la certitude morale, que l’on peut bien plus facilement avoir, a au fond la même valeur d’infaillibilité que la certitude qui procède de l'évidence nécessitante, voir col. 207 ; soit parce que de rares exceptions importent peu à l’apologétique générale ; cette question reviendra du reste a propos de l’obscurité de la foi. "Voir les justes remarques de M. Bainvel, dans la Revue pratique d’apologétique, 1908, t. vi, p. 176.

12° La certitude relative des enfants et des ignorants à l'égard du fait de la révélation exisle-t-clle, et peutelle suffire avant la foi ? — Par certitude relative (les théologiens disent certitudo respecliva), nous entendons l'état d’un esprit qui ne doute pas, fondé sur des motifs qui, tels qu’ils lui apparaissent, suffisent relativement à lui, mais non pas à tout autre, c’est-àdire qui, analysés par un esprit plus perspicace, seraient rangés parmi les motifs seulement probables et insuffisants à donner la certitude, mais qui, apparaissant à cet esprit peu développé et moins exigeant, suffisent à le convaincre : non pas qu’il réfléchisse lui-même sur la valeur de ces motifs ou qu’il les déclare absolument valables, suffisants pour donner la certitude à tous les esprits, ce qui serait une erreur, qu’il n’a pas du reste la tentation ni l’occasion de commettre, car une semblable réflexion le dépasse : mais, sans cette réflexion et cette analyse, sous la simple influence de ces motifs qui suffisent à son esprit, peu exigeant en fait de preuves, il va d’emblée à la ferme adhésion, ou il l’obtient à l’aide d’une volonté qu’il croit prudente et qui l’est en effet, la prudence dépendant des circonstances subjectives.

Des deux éléments essentiels de la vraie certitude, celle-ci n’en a qu’un, la fermeté d’adhésion. L’infaillibilité lui manque, parce que les motifs tels qu’ils apparaissent à l’esprit ne sont pas nécessairement liés avec la vérité, ou n’excluent pas la possibilité d’une erreur. Voir col. 218. Si l’on se rencontre de fait avec le vrai, on pourrait, à la rigueur, avec la même manifestation de motifs, se rencontrer avec le faux : c’est donc en partie par une heureuse chance qu’on est alors dans

i le vrai, et non pas en vertu de la seule valeur des ! motifs et de la seule perfection de l’acte qu’ils spécifient. Par là ce qu’on appelle « certitude relative n’est pas une certitude proprement dite ; et elle diffère essentiellement de la certitude « morale » et « d'évidence » imparfaite, analysée par nous, col. 207 sq. ; et de ce que celle-ci suffit dans la preuve des préambules de la foi, il ne s’ensuit pas encore que la certitude relative suffise.

Nous sommes donc en face d’une question nouvelle, et non moins difficile, pour la solution de laquelle nous présupposerons ce que nous en avons déjà dit à l’art. Croyance. Nous avons montré que, même dans ! l’ordre naturel et sur des matières qui n’ont rien de i religieux, diverses causes se réunissent pour amener ! les enfants, et beaucoup de gens qui plus ou moins

leur ressemblent, à une croyance ferme, non pas

> sans aucun motif intellectuel, mais pour des motifs intellectuels qui, examinés par un esprit plus péné ; trant, ne méritent pas cette fermeté d’adhésion. Parmi ces causes, on doit citer en premier lieu le penchant naturel à croire, à affirmer sans crainte, la tendance | naturelle à la possession de la certitude : de là ces certitudes spontanées qui sont par la suite révoquées i en doute, et alors, ou définitivement rejetées ou I transformées en certitudes contrôlées. Voir Certitude, t. il, col. 2155, 2156 ; Croyance, t. iii, col. 2371, 2372. S’il montre toute sa fraîcheur et sa force dans l’enfant, ce germe inné du penchant à croire n’est pas toujours détruit dans l’adulte par l’expérience des erreurs ainsi commises et le développement de la critique, tant s’en faut : témoin l’institution de la réclame, si bien implantée dans notre civilisation moderne, et qui atteint souvent aux proportions étonnantes d’un bluff gigantesque. « Sa puissance, remarque le vicomte d’Avenel, repose sur ce qu’il est naturel à l’homme de croire ce qu’il lit, ce qu’il entend. La défiance, l’esprit critique, n’agit qu’en seconde ligne, et chez la plupart des êtres il n’agit pas. » Revue des deux mondes, 1 er janvier 1908, p. 129. Parmi les causes qui facilitent cette certitude relative i et la fermeté de son assentiment, il faut citer encore l’ignorance des difficultés, voir Croyance, col. 2372 ; l’imagination sdsie, qui rend la croyance plus concrète et plus vivante, et par là, au moins accidentellement plus forte, col. 2373 ; l’action, qui fortifie de même la croyance par le seul fait de la mettre en pratique, col. 2374 ; l’affection et le sentiment, col. 2375 : l’influence d’autrui, non seulement sous la forme raisonnée de témoignage, mais encore sous la forme non raisonnée de suggestion, d’entraînement des foules, j de mode, de contagion du milieu, col. 2376, 2377 ; l’habitude, qui sert à maintenir l’esprit dans les con1 victions une fois établies, col. 2370.

Passant de cette description psychologique des faits à la question critique de la valeur d’une telle certitude, nous avons vu que, malgré sa grande fermeté, elle manque souvent d’infaillibilité dans ses motifs, qui ne suffiraient pas à un esprit plus averti : quand, par exemple, pour l’enfant, toute la raison d’admettre I une chose est l’autorité du témoignage de ses parents, col. 2380. Mais si, à cause de ce défaut d’infaillibilité, ce n’est pas une certitude proprement dite, d’autre part on ne doit pas la confondre avec la persuasion de pur entêtement, avec la croyance illégitime, mal formée sous l’influence des passions déréglées, avec I le sentiment de son imprudence, et malgré la réclamai tion plus ou moins étouffée de la conscience, col. 2378, 2379. De cette illégitime persuasion, la ferme adhésion de l’enfant, telle que nous l’avons décrite, se distingue par son entière sincérité, par sa prudence suffisante lors même qu’il y aurait erreur fortuite, par | sa formation qui appartient au développement natu-