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l’acte de foi est obscur, voir plus loin ce qui scia dit de l’obscurité de la foi : donc rien d'étonnant à ce qu’il n’exige pas dans ses préambules la plus lumineuse évidence.

11° Qu’enlend-on par « évidence de crédibilité » ? — Cette expression théologique a été consacrée par le concile du Vatican : evidenlem fidei christianee credibililatem. Sess. III, c. iii, Denzinger, n. 1794. Elle a son origine dans la formule : « Les mystères de notre foi ne sont pas évidemment vrais, mais ils sont évidemment croyables, » evidentcr credibilia, formule devenue commune chez les scolastiques, mais entendue différemment par eux ; de là une obscurité à dissiper.

1. Le sens originel de la formule paraît être : Les mystères n’ont pas et ne peuvent avoir d'évidence intrinsèque, mais ils sont connaissables par le témoignage et la foi ; si l'évidence intrinsèque (à laquelle ces anciens scolastiques réservaient le nom d'évidence) ne peut tomber sur les mystères, sur leur vérité, elle peut du moins tomber sur la vérité des préambules qui les rendent croyables : je puis démontrer intrinsèquement l’existence de Dieu, sa science, sa véracité, l’obligation de la croire s’il révèle ; je puis voir son envoyé, ses miracles, ou du moins voir les documents, les témoins ecclésiastiques qui attestent tout cela ; à la base de toute connaissance par le témoignage se trouvent des principes et des faits, Intrinsèquement connus par la raison et l’expérience. Nous voyons d’abord quelque chose, pour croire ensuite autre chose que nous ne voyons pas, suivant la pensée de saint Augustin. Voir col. 189 sq. Sur la nature de l'évidence intrinsèque, et sa différence de l’extrinsèque, voir Évidence, t. v, col. 1727, 1728. Entendue ainsi, la formule en question s’oppose, par son premier membre, au rationalisme qui veut pénétrer et démontrer philosophiquement les mystères ; par son second membre, au fidéisme qui s’arrête au témoignage, à l’extrinsèque, sans remonter, comme il est nécessaire, à une première connaissance intrinsèque et rationnelle qui montre la crédibilité des mystères. C’est ainsi que la formule est entendue par Cajetan ; il se plaint que les gens peu perspicaces ne discernent pas entre la connaissance qui est certaine ex evideniia rci cognilæ, et celle qui est certaine ex evideniia leslimoniorum. Comment, in II"* II*, q. i, a. 4, n. 3, dans l'édit. romaine de saint Thomas, t. viii, p. 14. Et parlant de l’ange à sa création, en face des révélations divines : Angélus… de revelatis, primariis sallem, ut Trinilale et beatiludine supcrnaturali, fideni habebalEvideniia enim suæ cognilionis tcrminabatur ad Deum ut revclanlem (les préambules de la foi) et non ultra procedebal… Ex hoc enim non videbat Deum esse Irinum, etc., q. v, a. 1, n. 5, p. 56. S’il admet la possibilité d’une évidence parfaite et nécessitante du té moignage divin, au moins dans l’ange dont il parle, il m fait pas d’une telle évidence la condition nécessaire de la foi. Au contraire, au premier endroit cité, il va jusqu'à admettre qu’une chose fausse peut par des témoignages devenir croyable pour quelqu’un, et qu’il peut avoir l'évidence de ; l’obligation d’y donner son assentiment, ce qui regarde la certitude relative, dont nous parlerons plus bas. Pour les textes et la pensée de i lajetan, voir Chkdibilité, t. iii, col. 2283, 2284.

2. La formule a été prise plus tard dans un sens différent. Sans plus s’occuper de distinguer entre L'évidence de la vérité en elle-même et l'évidence du I' moignage ou des préambules de la foi, on a appliqué l.i formule à dire que l'évidence de ces préambules, eu particulier du fait de la révélation, n’est point parfaite. Les mystères seraient cvidrnltr vera, d’après Cette nouvelle explication, si les motifs de crédlbllttl avaient une évidence nécessitante ; ils ne sont <'evidenier credibilia, parce que les motifs de crédibilité

n’ont qu’une évidence morale. Ces motifs, ne forçant pas à admettre le fait de la révélation, ne forcent pas non plus à admettre les dogmes, mais seulement montrent qu’ils sont croyables, que la volonté peut et doit commander l’acte de foi. Citons quelques théologiens qui entendent ainsi la formule. « Ces notes (ces motifs de crédibilité) rendent nos mystères évidemment croyables ; car pour cela il suffit qu’elles prouvent l’obligation de les croire à cause du témoignage divin, et qu’elles la prouvent d’une manière qui soit jugée moralement évidente et certaine, et qui engage tout homme prudent à les croire ainsi. De là il ne suit nullement que les mystères soient rendus pour nous évidemment vrais, ce qui supposerait une telle évidence de vérité que l’intelligence en fût tout à fait (irrésistiblement) convaincue. » Coninck, De moralitale supernaturalium, etc., disp. XI, n. 47, Anvers, 1623, p. 206. « Nous ne connaissons pas avec évidence. disent les Salmanticenses, l’existence du témoignage divin, nous avons seulement l'évidence de crédibilité qu’il existe. » Cursus theologicus, Paris, 1879, t. xi, dist. III, n. 32, p. 204. Ici 1' « évidence » tout court signifie, selon l’usage scolastique, l'évidence parfaite, nécessitante ; 1' « évidence de crédibilité » , qu’on lui oppose, doit donc signifier l'évidence imparfaite, morale. « La démonstration du fait de la révélation dont nous parle le concile du Vatican, écrit le P. Hugueny, nous donne la certitude morale, mais non point une évidence telle qu’elle exclut toute possibilité de doute. Nos vieux thomistes ont enseigné, au sujet de la démonstration du fait de la révélation, qu’elle pouvait bien nous donner l'évidence de crédibilité, comme on disait autrefois, la certitude morale, comme on dit aujourd’hui, mais non pas l'évidence absolue. » Revue thomiste, 1910, p. 650, 651.

Dans quel sens le concile du Vatican a-t-il pris les mots cités plus haut, evidenlem fidei christianse credibililaleml Nous pouvons le savoir par l’histoire du concile. Cette phrase figurait déjà dans le schéma ou projet de décret ; or le mot evidenlem déplut à quelques-uns comme trop fort, étant donné l’usage scolastique qui entend ordinairement par evideniia l'évidence stricte et irrésistible. Le P. Jandel, général des dominicains, faisait remarquer qu’il est possible de nier les dogmes révélés, et que l’on s’accorde à reconnaître qu’ils ne sont pas évidents ; il proposait de remplacer evidenlem par certam ou indubiam. L’historien du concile rapporte ensuite, d’après les Actes inédits, comment un autre Père, Mgr Meurin, résolut cette difficulté : « Est croyable, credibile, dit-il, tout ce qu’il esl prudent d’admettre. Le schéma déclare simplement qu’il est évident que, nous pouvons et que nous devons croire : en effet, nous pouvons et nous devons croire une assertion dès que nous avons la certitude morale qu’elle a été révélée… Qu’on distingue donc une vérité évidente et une crédibilité évidente, comme le font les théologiens. Suivant eux. le contenu de la révélation chrétienne est évidemment digne de foi, non évidemment vrai : il n’est pas évidemment vrai, car on peut avoir des doutes sur son objet, et il va. de fait, des gens qui en ont ; il est évidemment digne de foi, puisque nous voyons, d’une façon évidente l’obligation de croire. » Grandcrath, Histoire du concile du Vatican, trad. franc., Bruxelles, 1911, t. XI b, p. 112, 1 13. L’historien ajoute que les Pères, là dessus, décrétèrent presque à l’unanimité le maintien du mol aident. On peut donc dire que le mot ividentem, quand même on le prendrait au sens strict, ne tombe ici que sur la crédibilité pratique, sur l’obligation de croire qui nous apparaît. Le Jugement spéculatif sur le fail de la km lai ion peut n’avoir qu’une certitude

morale, basée sur une évidence imparfaite. Mais invoquant le principe réflexe patfaltement évident