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que sa religion) et il affirme cette règle : Tenetur honvi sequi quod probabilissimum est omnium dogmalum. C’est la règle pratique que nous avons déjà rencontrée dans Amort, et qui, peut-être, se justifie théoriquement par une réflexion sur la providence. Voir col. 198. Puis, comme s’il voulait répondre d’avance à la théorie que devait faire plus tard Jean Sanchez, le même Banez. probabiliste, mais avec les restrictions voulues, dit fort bien : Non est universaliter verum quod possil homo sequi opinionem minus probabilem. Commentaria in II* m Il x, q. x, a. 1, dub. iii, 4 a conclusio, Douai, 1615, p. 252.

b) Après la condamnation. — Cardenas, que saint Alphonse regarde comme un auteur classique en théologie morale, démontre contre Lumbier que l’opinion commune des théologiens, sur l’évidence de crédibilité requise avant la foi, n’est nullement atteinte par la condamnation ; sans doute Innocent XI suppose que notre infidèle peut commettre alors un péché contre la foi, mais le péché contre la foi ne se commet pas seulement par défaut d’acte de foi, il peut se commettre aussi par défaut d’enquête, quand on est dans Vignorantia vincibilis, comme l’infidèle en question, et qu’on ne cherche pas à en sortir. Crisis theologica, 5e édit. de Venise 1700, dissert, sur la 4e prop. condamnée, n. 31, p. 188, 189. Lacroix, dont l’ouvrage si connu a paru en 1707, expliquant cette 4e proposition, cite Cardenas et l’approuve. Theologia moralis, 1. II, n. 48, Paris, 1866, t. i, p. 492. Le controversiste Rassler oblige notre infidèle à incliner déjà comme il peut son esprit du côté de la religion qui lui paraît plus probable, « à demander à Dieu plus de lumière, et à chercher encore la vérité, jusqu’à ce qu’il arrive à une certitude morale. » Op. cit., p. 392. Un fidèle disciple de Suarez, l’Espagnol Gormaz, dit que cet infidèle est tenu à chercher ; que « non credens, dans la 4e proposition, équivaut à discredens, et s’applique bien à un homme qui ne veut ni abandonner sa secte ni chercher la vérité. » Cursus theologicus, Augsbourg, 1707, t. i, p. 777. Antoine Mayr cite Gormaz et l’approuve. Theologia scholastica, De virtutibus theologicis, n. 506, Ingolstadt, 1732, t. i, p. 151. Kilber, dont le traité de la foi est si estimé : « L’infidèle, dit-il, dans ce cas ni ne doit ni ne peut croire ; mais parce qu’il a une certaine lumière sur la vraie foi qui est un moyen de salut absolument nécessaire, il est tenu de chercher avec soin, etc. » Theologia Wirceburgensis, Paris, 1852, t. iv, n. 68, 59 ; ou dans Migne, Theologiæ cursus, t. vi, col. 450, 451. L’Espagnol Gêner, qui dans sa théologie a préludé à l’érudition contemporaine, dit très bien de notre infidèle : « Pourvu qu’il cherche, il sera certainement excusé du péché d’infidélité : non parce qu’il est conduit par son opinion (ductus opinionc minus probabili, et par une mauvaise application du probabilisme) : mais parce qu’il manque d’une crédibilité suffisante. » Theologia dogmalicoscholastica, Rome, 1777, t. vi, p. 30. Au xixe siècle, même solution dans Mùller, Theologia moralis, 3e édit., Vienne, 1878, t. i, § 80, p. 302 ; dans Mazzella, De virtutibus infusis, Rome, 1879, n. 811, p. 442 ; Naples, 1909, n. 743, p. 377 ; dans Ballerini-Palmieri : « Cet infidèle… demeure prudemment dans sa secte, non qu’il puisse la considérer comme vraie ou plus vraie, mais pendant qu’il cherche la vérité, comme certainement il est tenu de la chercher… Et c’est là le point condamné dans cette proposition 4e, qu’il puisse demeurer tranquillement dans sa secte. » Opus theologicum morale, Prato, 1890, t. ii, p. 18. Citons encore Schiffini, De virtutibus infusis, p. 269 ; Chr. Pesch, Prœlectioncs, tr. VIII, 3e édit., 1910, n. 294, p. 132. Ce qui a contribué à soulever des nuages autour de cette condamnation de la 4e proposition par Innocent XI, c’est l’explication obscure et confuse qu’en donne

un spécialiste ordinairement plus heureux, Viva, Damnatæ thèses, 16e édit., Padoue, 1723, t. i, p. 199203 ; et dans Migne, Cursus theologise, t. vi, col. 13291335. Son article, bien court pour une pareille difficulté, ne touchant que la question du probabilisme et non pas celle des exigences de la crédibilité, est encore surchargé d’éléments étrangers qui l’embrouillent. De plus, il semble mettre saint Thomas du côté de la proposition condamnée ; le P. Gardeil a grandement raison de l’en reprendre, mais lui-même, à son tour, donne une idée peu exacte de la doctrine de Thomas Sanchez, soit confiance trop grande dans ce qu’en dit confusément Viva, soit influence du rigoriste Patuzzi. Voir Crédibilité, t. iii, col. 2232. Dans une note de sa belle édition de la théologie morale de saint Alphonse, le P. Gaudé prétend que notre solution a été condamnée par Innocent XI, et que l’infidèle qui connaît la religion catholique comme plus probable est obligé, d’après le pontife, à faire tout de suite l’acte de foi : mais : a) saint Alphonse, lui, ne dit pas cela dans son texte ; b) le P. Gardeil ne discute pas la question, et n’apporte aucune preuvedesondire. S. Alphonsi theologia moralis, Rome, 1905, t. i, p. 303 en note.

3. Mais voici que, sur cette controverse, vient s’en greffer une autre. On suppose le même infidèle avec la même connaissance de la vraie religion, mais placé cette fois « l’article de la mort : cette circonstance nouvelle changera-t-elle la solution du cas, tel qu’il était d’abord posé ? Oui, répond Thomas Sanchez. « Cet infidèle, persuadé que sa secte est probable, quoique la religion opposée soit pour lui plus probable, serait tenu à l’article de la mort d’embrasser la vraie foi qu’il juge plus probable, parce qu’alors de cxlrema sainte agitur, et il doit aller au plus sûr. Mais en dehors de cette circonstanceiln’estpasobligé. » Loc. cit. Nous retrouvons cette opinion moyenne et pour ainsi dire transactionnelle, peu après, dans Malderus, loc. cit. ; de nos jours, dans Ballerini-Palmieri, loc. cil. Mais elle a été attaquée par la plupart des théologiens comme peu logique. Les uns, nos adversaires de tout à l’heure, ont dit : Si, d’après vousmême, l’infidèle dans ces conditions de crédibilité peut et doit croire à l’article de la mort, pourquoi pas aussi pendant la vie ? Il a le temps de chercher, dites-vous : oui, mais en attendant, il est privé des grands bienfaits de la vraie religion, et il peut être surpris par la mort avant d’avoir cru. Les autres peuvent dire mieux encore à T. Sanchez : Si, d’après vous, l’infidèle dans ces conditions de crédibilité n’est pas tenu de faire l’acte de foi pendant la vie, et cela parce qu’il ne le peut pas, « n’ayant pas l’évidence de crédibilité que saint Thomas demande, » comment voulez-vous qu’il le puisse davantage à l’article de la mort ? Si la certitude préalable des préambules est pour l’acte de foi une condition essentielle, l’essence des choses change-t-elle à la mort ? Si le coup de volonté qui transformerait le plus probable en certain n’est pas prudent, ne respecte pas la vérité, n’est pas honnête, peut-on employer un moyen qui n’est pas honnête, même en un cas d’extrême nécessité ? La nécessité. Dieu qui veut le salut de tous les hommes y pourvoira, si celui-ci fait ce qu’il peut ; ou bien il empêchera le cas de se produire, en faisant arriver plus vite à la certitude cet homme de bonne volonté, avant que le cours naturel des choses amène sa mort, ou en la retardant par une providence spéciale ; ou bien à ce dernier moment, il lui inspirera de prier, et s’il répond à cette inspiration, lui accordera une suppléance surnaturelle de crédibilité, alors le cas sera changé, et l’acte de foi sera possible. Parmi les théologiens qui vont de ce côté, nous en citerons quatre à notre connaissance, qui donnent très nettement leur pensée. « Ces raisons (de dispenser l’infidèle de l’acte de foi