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péché contre la foi, infidelitaleï Deux solutions. — Solution favorable au semi-fidéisme. — Cet infidèle doit aussitôt faire un acte de foi divine aux dogmes catholiques, bien qu’ils ne lui paraissent pas comme certainement révélés, mais plus probablement révélés. Le pontife ne dit-il pas qu’il sera inexcusable s’il ne croit pas, non credens ? On peut en conclure qu’un jugement certain sur le fait de la révélation n’est pas une condition nécessaire à l’acte de foi (thèse du semi-fidéisme). — Autre solution. — Remarquons tout d’abord que cette proposition est obscure, surtout à cause du double sens du mot non credens, comme nous le verrons. Sa dangereuse ambiguïté était déjà une raison suffisante de la condamner. En tout cas, ce n’est pas dans la condamnation d’une proposition obscure qu’il faut chercher la pensée du pontife, quand on a sur le même sujet un autre document de lui, dont le sens est clair : la condamnation de la proposition 21 e. Voir col. 192. Ayant déjà par là la pensée d’Innocent XI, il ne reste plus, en bonne méthode, qu'à expliquer la condamnation de la 4e d’une manière plausible, qui puisse se concilier avec cette pensée déjà connue. Mais cette explication demande d’assez longs développements. 1. L’explication que nous soutenons est fondée sur l’histoire de cette proposition 4 e. Son auteur est Jean Sanchez, théologien et jurisconsulte espagnol, et voici la phrase d’où la proposition est extraite : Sicut in aliis mater iis, ubi offensa mortalis intercedere posset, falentur ipsi (les probabilistes) eam non commilti ab opérante ex opinione minus probabili…, sic quoque cib infidelilale excusabitur infïdelis, non credens, ductus opinione minus probabili. Selectæ et praclicse disputaliones, Lyon, 1636, disp. XIX, n. 7 (à l’Index donec corrigalur). On sait qu’entre deux solutions contradictoires, dont l’une après examen nous paraît plus probable, l’autre moins, les probabilistes permettent de suivre en pratique celle qui paraît moins probable théoriquement, pourvu qu’elle soit assez sérieusement fondée, ou en raisons, ou en autorités ; mais qu’ils ne permettent pas cela en toute espèce de matière ; qu’ils exceptent, par exemple, le cas ou par là on s’exposerait à négliger ce qui est de nécessité de moyen pour la fin dernière, comme peut l'être la foi à certains dogmes, la recherche et l’acceptation de la véritable religion ; qu’alors, dans la pratique, ils exigent que l’on aille au plus sûr, dans la mesure du possible. Sanchez, auteur laxiste, voudrait supprimer cette

teeption, et entraîner les probabilistes plus loin qu’ils ne veulent aller ; il voudrait qu’on appliquât la permission du moins probable à cette matière même du choix d’une religion, sicut in aliis materiis. Dans sa phrase (qui est la proposition condamnée) il entend donc ceci : De même que, dans certaines questions de restitution, par exemple, les probabilistes permettent de suivre le moins probable, et de se former tellement la conscience qu’on se tienne pour définitivement quitte de la restitution, et qu’on laisse là toute inquiétude ultérieure à ce sujet : ainsi, dans notre cas, n'étant arrivé, après une enquête soignée, qu'à voir la religion catholique comme « plus probable, l’infidèle pourra, en vertu des mêmes principes, s’attacher à sa religion paternelle comme encore probable malgré tout, renoncer définitivement au catholicisme, et ne plus penser à la f'>i catholique, el c’est là chez lui le

du mot ambigu non crrr/c/is. Cette idée « le.T. Sanchez n’a pas d’ailleurs germé dans son cerveau seulement. Christophe Rassler, s..1., qui s’occupa beaucoup de controverse avec les protestants d’Allemagne, nous apprend que certains d’entre eux, connaissant, mais comprenant mal le système du probabilisme

outenu parmi les catholiques, cherchaient ainsi à en tirer parti pour se tranquilliser dans leurs doutes

Bien qu’il soit peut-être plus probable que la religion

catholique est la vraie, toutefois nous pouvons nous en tenir à la religion luthérienne ou calviniste, parce qu’elle nous paraît garder au moins une certaine probabilité, quoique moindre, et qu’il est permis de suivre une opinion moins probable. » Controversia theologica de ultima resolulione fidei divinæ, Dillingen, 1696, p. 394.

Voilà ce qu’Innocent XI a voulu condamner, à la suite de trois autres propositions laxistes où l’on abusait également du probabilisme (prop. 1-3). Le pontife a voulu condamner J. Sanchez, et non pas ceux qui, comme nous, dispensent cet infidèle de faire pour le moment l’acte de foi, mais qui en cela diffèrent doublement de la doctrine de Sanchez : a) parce qu’ils ne dispensent pas cet infidèle de continuer à chercher la vérité et à prier, mais veulent qu’il ne se tranquillise pas dans le statu quo, qu’il ne renonce pas définitivement à la conversion commencée, qu’il ne regarde pas l’incident comme clos, l’enquête comme désormais superflue ; qu’il ne désespère pas des lumières nouvelles que la divine providence pourra lui ménager, prêt à croire si à la probabilité plus grande, qu’il a déjà, succède une suffisante certitude ; b) parce que la raison pour laquelle J. Sanchez dispense cet infidèle de croire, c’est une mauvaise application du probabilisme ; la raison pour laquelle nous le dispensons de croire dès l’instant, c’est l’impossibilité où il est de le faire prudemment, n’ayant pas encore la certitude préalable qui est, quoi qu’en dise le semi-fidéisme, une condition nécessaire de l’acte de foi : raison qui n’a rien à faire avec le probabilisme, ni ne le suppose ni ne l’applique. On conçoit donc que la solution laxiste de J. Sanchez soit condamnée, et que la nôtre ne le soit pas, qui tient un juste milieu entre le laxisme et le semi-fidéisme, et qui reste en dehors des mauvaises applications du probabilisme que poursuivait Innocent XI dans cet endroit de son décret.

2. Notre solution est celle de nombreux et graves théologiens, soit avant, soit après la condamnation prononcée par Innocent XL Nous ne craindrons pas de citer, parce qu’aujourd’hui quelques-uns ont l’air de ne pas se douter que cette solution ait été très autorisée.

a) Avant la condamnation. — Malderus, docteur de Louvain et évêque d’Anvers, dit : « Pour que l’infidèle soit tenu de croire… 17 ne suffit pas que la foi lui apparaisse déjà comme aussi probable, ou même plus probable que sa secte. » De virtutibus theologicis, Comment, in //""//*, Anvers, 1616, q. ii, a. 7, p. 96. Le célèbre Thomas Sanchez, S. J. (qu’il ne faut pa » confondre avec Jean Sanchez), soutient que cet infidèle n’est pas obligé de croire tout de suite (du moins s’il n’est pas à l’article de la mort), « parce que, dit-il, cet homme estime encore avec prudence pouvoir demeurer dans sa secte, et qu’il lui reste le temps de mieux examiner la question ; et parce qu’il n’a pas, dans ces conditions, l'évidence de crédibilité que saint Thomas demande. > De præceplis dccalogi (1613), Vitcrbe, 1738, 1. II, c. i, n. 6, t. i, p. 71. Coninck n’oblige l’infidèle, qui doute de sa religion, qu'à faire une enquête sérieuse ; plus forte est sa conjecture en faveur de la vraie religion, plus grande est la peine qu’il est tenu de se donner pour arriver au vrai. IV moralitale et effectibus acluum supernaturalium, etc., disp. XIV, n. 2M Anvers, 1623, p. 278. Castropalao, si célèbre en théologie morale, expose nettement que notre infidèle ne peut encore faire l’acte de foi aux dogmes catholiques. Tr. IV, De j’ulr, dist. I, p. xii, n. 13, Opéra omniti, I.yon. 1669, t. i. p. 2.">8.

Baflet, qui est souvent cité à rencontre, en réalité ne

poM pas précisément le même cas, mais celui où l’on

aurait montré à un païen l'Évangile comme plus

ible que toute autre religion (et non pas seulement