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plus grande, et tant que, par de nouvelles considérations, il n’aura point passé de cette probabilité de la révélation à sa certitude morale. Cf. Schiffini, De virtutibus infusis, p. 268.

C’est ce qu’exprime ainsi le P. Gardeil : « Aux volontaristes nous disons : La volonté, sous la motion divine et l’illumination de la Vérité première, détermine l’assentiment de la foi : c’est chose entendue. Mais pour que l’acte de la volonté soit un acte moral, il doit être prudent. Or, un acte de la volonté, suscitant un assentiment intellectuel à une assertion déterminée, ne saurait être prudent que si, à défaut de l'évidence intrinsèque de l’objet de cet assentiment, on a la connaissance certaine (c’est moi qui souligne) de l’autorité de celui quila présente… C’est à la raison naturelle que le sujet devra s’adresser pour avoir ce renseignement. Avant tout il faut être homme, c’est-à-dire consciencieux, et ici, conscience égale : lumière rationnelle. » La crédibilité et l’apologétique, 2e édit., 1912, p. 74. Cf. Crédibilité, t. iii, col. 2203. Pourquoi fautil que le P. Gardeil, plus bas, semble devenu « volontariste » dans cette 2e édition, et qu’il admette, maintenant, qu’en présence d’une simple « probabiliorité » , d’une proposition qui apparaît comme plus probablement vraie, la volonté puisse, en vertu du principe : Verisimilius est sequendum, « supprimer la crainte » et faire que l’intelligence « donne désormais sans réticence son approbation au probable, » de manière à passer de l’opinion à la « certitude » ? Op. cit., p. 173, 174. « Le probable, dit-il, s’il ne représente pas le bien absolu de l’intelligence, la vérité démontrée, représente ce qui y achemine normalement. » Loc. cit. Disons : « ce qui a plus de chances d’y acheminer : » car il a toujours des chances, d’autre part, d’acheminer à l’erreur. Nous en avons vii, de ces opinions « plus probables » en théologie ou en exégèse, et même assez communément estimées ensuite comme telles, rejetées comme fausses par l’ensemble des théologiens ou des exégètes, ou même par l'Église 1 Et l’on voudrait, sur une opinion plus probable, faire légitimement un jugement certain, à coup de volonté ! Et pour quelle raison ? le voici : « Si, sous l’empire de la crainte, (l’homme) se refusait à adhérer, il devrait renoncer au bénéfice de la prépondérance de vérité manifestée dans le probable. Il demeurerait à zéro… Est-ce là le bien de son esprit ? Évidemment non. » Mais personne ne lui demande de rester à zéro, de suspendre tout jugement : qu’il juge, mais par cet acte d’opm/on, quc saint Thomas définit, accipere unam partem conlradiclionis cum formidine allerius. Quæst. disp., De veritale, q. xiv, a. 1. Le « bénéfice de la prépondérance » est sauvé par là. Cum formidine ! et non pas en « comblant l’hiatus… pour que le probable devienne un moteur efficace d’assentiment ferme. » Op. cit., p. 169, 170. Cum formidine ! et non pas en « supprimant par le fait même, dans sa source, la crainte qui aurait pu s'élever du fait du manque partiel de lumière, » p. 174. L’opinion, cum formidine, suffit alors au « bien de l’esprit. » Le P. Gardeil n’est pas de cet avis, particulièrement dans les matières scientifiques. « L’assentiment au vraisemblable, dit-il, est un point d’appui, et comme un tremplin d’où l’on peut s'élancer vers le mieux, vers de nouveaux progrès. Mais un tremplin ne remplit son office que s’il est solidement fixé. Le bien de l’esprit demande donc que l’on tienne pour vrai le probable, que l’on se fixe dans l’adhésicn au probable par un assentiment pratiquement ferme. » A. Gardeil, La a certitude probable » , 1911, p. 75. L’hypothèse, bien que non encore vérifiée, joue sans doute un grand rôle dans les sciences ; mais nous ne voyons pas l’avantage qu’il peut y avoir alors à se faire illusion à soimême, et à prendre son hypothèse pour une vérité. C’est parce que les hommes de génie ne se faisaient

pas illusion qu’ils cherchaient, sans s’arrêter jamais, la vérification de leur hypothèse, et s'élançaient ainsi vers le mieux, soit qu’il leur arrivât de rencontrer la vérification qu’ils cherchaient, ou de rencontrer… autre chose. L'élan de l’esprit vers la vérité s’accommode d’un autre genre de « tremplin « que celui qui fait bondir les jambes. Au contraire, si un penseur se « fixe solidement » dans une probabilité par un « assentiment pratiquement formé, » s’il détourne volontairement et toujours les yeux des points faibles de son système, s’il le classe désormais parmi les vérités certaines, c’est l’opiniâtreté substituée à l’amour de la vérité, c’est le piétinement sur place, c’est la mort de la recherche scientifique et du progrès. En théologie surtout, il est désastreux de confondre, sous un assentiment ferme, les vues systématiques d’une école ou d’un individu, de les confondre, je ne dis pas seulement avec les dogmes, mais encore avec les doctrines communément reçues de toutes les écoles et de tous les théologiens. Quant à l’axiome : Verisimilius est sequendum, d’abord, il ne dit rien d’un assentiment ferme. Et puis, que veut-il dire ? Ou bien il exprime un innocent encouragement à nous contenter de la probabilité et de l’opinion dans les matières où la certitude est impossible, ou bien il est la sceptique devise de la secte philosophique des académiciens, qui renonçaient à trouver jamais la vérité et lui substituaient la vraisemblance. En tout cas, je ne le trouve pas dans saint Thomas, auquel le P. Gardeil semble renvoyer, La crédibilité et l’apologétique, 2e édit., p. 174 ; ni à la q. iv, ni à la q. xiv. Mais je le trouve dans Huet. évêque d’Avranches, que l’on a appelé « le père du fidéisme » : « Encore que nous n’ayons pas une connaissance certaine de la vérité, dit-il, nous avons au moins des vraisemblances… Or ce sont ces vraisemblances et ces probabilités que nous devons suivre dans l’usage de la vie au défaut de la vérité. » Traité philosophique de la faiblesse de l’esprit humain, - 1. II, c. iv. Amsterdam, 1723, p. 204, 205. Enfin, pour ce qui est du mot « probable » , nous comprenons que de son temps saint Thomas l’ait employé parfois en un sens différent du sens qui a prévalu partout depuis des siècles et que l’on trouve même dans les documents ecclésiastiques, par exemple, ceux que nous avons cités : mais si l’on veut se faire comprendre et ne pas embrouiller encore la question de chose par une question de mots, il paraît plus sage de s’en tenir à l’usage général du langage, qui oppose le probable au certain, et n’admet pas plus de « certitude probable » que de cercle carré. La question du probabilisme n’a rien à faire dans cette terminologie, qui est celle de tout le monde. Voir le P. de Poulpiquet, O. P., dans la Revue des sciences philos, et théol., octobre 1912, p. 799.

8° Objection tirée de la 4e proposition condamnée par Innocent XI ; explication de la condamnation. — Le semi-fidéisme pourrait se servir du sens que plusieurs théologiens, faute d’en trouver un meilleur, ont donné à cette condamnation pontificale :

4. Ab infldelilale excusaSera excusé du péché

bitur infidelis non credens, d’infidélité l’infidèle qui ductus opinione minus pros’abstient de croire, en se babili. Denzinger, n. 1154 laissant conduire par l’opi(1021). nion la moins probable

(des deux).

Voici le cas de conscience sur lequel roule cette proposition, que le style technique de la théologie morale rend indéchiffrable aux profanes ; le cas est typique, et très important pour approfondir la question du semi-fidéisme. Un « infidèle » , païen ou hérétique, est parvenu à reconnaître que la religion chrétienne et catholique a pour elle plus de probabilité et que sa secte est relativement mo.ns probable, opinio minus probabilis. Que doit-il faire alors, s’il veut être excusé du