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commune n’a pu les faire ainsi converger : car si la vérité est une et constante, l’erreur est multiple et inconstante ; si dans le cercle il n’y a qu’un centre et une seule manière de l’atteindre, il y a (remarque Aristote) d’infinies manières de s'écarter du centre et de le manquer ; nous avons vu Tertullien argumenter semblablement de la concordance des Églises apostoliques sur un point quelconque du dogme chrétien. Voir col. 151. On ne peut pas non plus expliquer une semblable concordance par le hasard : nous discernons, par une estimation morale très juste, certaines coïncidences que pratiquement le hasard ne peut atteindre ; nous sommes certains, par exemple, qu’en jetant les dés cent fois de suite, nous n’amènerons pas toujours le même nombre ; pareille combinaison est impossible, non pas métaphysiquement, par impossibilité de la concevoir et contradiction dans les termes, mais physiquement, par manque d’une cause spéciale et proportionnée pour la réaliser. - — On trouvera d’autres exemples de probabilités convergentes, dans Newman, Grammar of assent, Londres, 1895, Informai inference, p. 316-329.

On voit comment peut se faire le passage de probabilités convergentes à une légitime certitude. Non seulement leur accumulation, à mesure qu’elle croît, fait croître par une progression extrêmement forte les chances de vérité, d’après le calcul des probabilités, lesquelles en pareil cas ne s’additionnent pas seulement mais se multiplient les unes par les autres : mais encore, en réfléchissant sur le fait certain de cette convergence remarquable, et en lui appliquant le principe certain de raison suffisante ou de causalité, on obtient, à l’occasion de ces probabilités accumulées, des prémisses certaines d’où l’on peut conclure avec certitude. Ce ne sont donc pas les probabilités ellesmêmes qui produisent directement la certitude, ce n’est pas le moins qui donne le plus, comme disent ceux qui n’ont pas compris cette théorie.

.Mais peut-on appliquer cette théorie à la preuve du fait de la révélation ? Oui, et voici pourquoi. Puisque cette méthode de l’accumulation des indices divers, ou des probabilités convergentes, est celle que suit spontanément tout homme pour arriver à la certitude quand il s’agit d’identifier une personne, ou de reconnaître un objet, par exemple, un vêtement à notre usage, voir encore Chalmers, dans les Démonstrations évangéliques de Migne, 1843, t. xv, col. 545-548, il s’ensuit que Dieu n’exige pas de nous une autre méthode pour reconnaître le Christ comme envoyé divin, pour identifier l'Église aujourd’hui vivante avec celle dont le Christ a esquissé les principaux traits. En effet, quand Dieu révèle, il s’accommode à nos manières de penser et d’acquérir la certitude, et jusqu'à nos manières de parler, comme nous le voyons dans la sainte Écriture. La grandeur des choses révélées, ou celle des envoyés divins, ne fait donc pas que dans notre collaboration intellectuelle nous devions changer les procédés naturels et nécessaires de notre raison, pas plus que ceux de nos sens, dont notre raison se sert. Voir Gladstone ci Newman cités à l’art. Croyance, t. iii, col. 2394, 2395. Et si cette certitude d’usage ordinaire ne nous paraît pas d’espèce assez haute pour constater le fait de la révélation, rien ne nous empêche d’ailleurs, quand nous l’avons acquise, de la faire mouler encore pat la réflexion suivante sur la providence divine : Dieu, qui dirige les

Ames vers la vérité, n’aurait pas pu permettre en

faveur d’une imposture, d’une fausse révélation, d’une

e mission, un tel éclat de vérité, un tel ensemble

d’indices ; ce serait tromper le genre humain, étant

lionne sa manière naturelle de reconnaître ce qu’il

Cherche. I là le mot célèbre de Richard de SaintVictor : « Seigneur, si ce que nous croyons est l’erreur,

c’est vous-même qui nous avez trompés. » De Trinitate, 1. I, c. il, P. L., t. exevi, col. S91. Cf. Suarez, De fide, dist. IV, sect. iii, n. 12, Opéra, Paris, 1858, t. xii, p. 125. Un théologien allemand du xviiie siècle, Eusèbe Amort, a soutenu, dans un ouvrage dédié à Benoît XIV, qu’il suffit d’avoir reconnu la religion catholique comme plus croyable que les autres religions, pour passer de là, en invoquant ce principe de la providence divine, à une certitude légitime de son origine divine, certitude qui rend possible et obligatoire l’acte de foi. Demonstratio critica religionis catholicse, nova, modesta, facilis, etc., Venise, 1744, surtout p. 261-263. Newman cite cet ouvrage d’Amort avec éloge, parce qu’il reconnaît comme lui un passage des probabilités à la certitude, et s’appuie sur la providence : toutefois à la place de ce point de départ : « plus grande probabilité de la religion catholique par rapport aux autres religions, » il préfère substituer celui-ci : « accumulation de probabilités diverses > en faveur de la religion chrétienne et catholique. Grammar of assent, Revealed religion, p. 411, 412. La formule de Newman est, en effet, plus satisfaisante, plus profonde, et d’autre part n’exige pas une comparaison avec les autres religions, comparaison qui, pour être complète et sérieuse, complique beaucoup l’enquête, et qui, bien qu’utile, n’est pas pour la preuve du fait de la révélation et de l'Église un élément indispensable. Saint Thomas admet le principe des indices accumulés. Sum. theol., IIP, q, lv, a. 6, ad l um.

3. Un dernier argument contre le semi-fidéisme découle, par voie de raisonnement, de divers points que nous avons établis plus haut. Voici un infidèle en train de se convertir à la foi, mais qui n’a encore qu’une probabilité en faveur de la divine mission du Christ, et par suite un jugement flottant sur le fait de la révélation chrétienne. Nous disons qu’il ne pourra pas encore faire l’acte de foi salutaire à n’importe lequel des dogmes révélés par le Christ. Car de deux choses l’une : ou bien son adhésion au dogme, s’il veut la donner, sera flottante comme son jugement préalable sur la révélation de ce dogme, les deux jugements consécutifs étant bien proportionnés l’un à l’autre ; ou bien le second jugement (l’acte de toi) ne sera pas proportionné au premier, et malgré une opinion vacillante sur le fait de la révélation de ce dogme, l’adhésion de foi au dogme lui-même sera posée avec autant de fermeté que s’il avait été reconnu comme certainement révélé. Dans les deux cas, l’adhésion au dogme ne saurait être l’acte de foi chrétienne et salutaire que nous cherchons : dans le premier cas, parce que cette adhésion sera chancelante, et que l’acte de foi chrétienne et salutaire est essentiellement ferme, voir col. 88 ; dans le second cas, parce qu’en n'étant pas proportionnée au jugement sur les préambules, l’adhésion au dogme blessera les exigences logiques et la nature même de l’intelligence : seule la volonté pourrait peut-être opérer ce coup de force, et, sans aucune nouvelle lumière Intellectuelle, faire passer de la probabilité à la certitude : mais cette volonté serait imprudente et désordonnée, voir ce que nous avons dit d’un tel coup de force de la volonté, col. 171 jet, par suite, on ne pourrait faire l’acte de foi salutaire, qui a pour condition nécessaire un acte de volonté complètement ordonné et honnête, ce que les Pères appelaient pins crrdulitatis affretus. Voir plus loin. Supprimer consciemment un doute prudent, la volonté ne le pedt pus en restant dans l’ordre et l’honnêteté ; or

la prudence dépend des circonstances subjectlvt (les apparences ; et il y a doute prudent contre la révélation (même objectivement vraie) lorsqu'à un bomnie de bonne foi le parti contraire apparat) corn pro »

bable, bien qu’A la réflexion il reconnaisse, en faveur

de cette révélation, une probabtli ! ou même