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GLOIRE

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Cette conséquence n’est elle-même qu’une opinion, la plus probable, mais combattue cependant par quelques théologiens. Autre, en effet, est l’affirmation de saint Paul qui peut s’expliquer d’une façon orthodoxe en disant que la foi ne s’exercera plus dans la gloire, autre l’affirmation des théologiens qui nient, dans la gloire, l’existence de la vertu même de la foi. Aussi Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent, , 1. III, dist. XXXI, q. iii, iv, croit-il pouvoir affirmer que, si la foi ne s’exercera plus dans la gloire, du moins l’habitas surnaturel de la foi demeurera, tout comme demeure le caractère sacramentel. Même thèse chez Alexandre de Aies, Sum. theol., III", q. i.xiv. m. vu ; Thomas de Strasbourg, In IV Sent., 1. 111, dist XXXI, a. 3, et chez Sent. In IV Sent., 1. III, dist. XXXI, q. iii, sauf que Scot, tout en admettant que ïhabitns puisse être conservé, dit qu’en fait, il ne l’est pas, parce qu’inutile. On en trouve des traces dans saint Irénée, Conl. hær., 1. II, c. xxviii, n. 3, P. G., t. vii, col. 806 ; cf. la note de Feuardent, col. 1580 ; les remarques de Massuet, col. 361 ; dans Tertullien, De patientia, c. xii, xiii, P. L., t. i, col. 1269 ; et le Maître des Sentences, 1. III, dist. XXIII, n. 4, P. L., t. exen, col. 805, semble l’appuyer. Cette opinion n’est pas à rejeter entièrement. Suarez, De fide, disp. VI, sect. ix, n. 7, remarque, conformément à ses principes antithomistes, qu’un acte de foi reste possible, absolument parlant, aux élus dans la gloire, mais que cela n’est, en fait, jamais réalisé, il ajoute : « Cette impossibilité de fait doit s’entendre de l’acte même de l’intelligence, l’acte de croire, et, conséquemment, de l’acte efficace de la volonté commandant l’adhésion de l’intelligence. Mais si nous parlons du simple acte de pieuse affection de la volonté, par lequel cette dernière se montre prête, si besoin en est, à incliner l’intelligence vers la soumission de la foi, un tel acte peut se retrouver chez les bienheureux, parce qu’il est simplement un acte de vertu, ne renfermant aucune imperfection qui répugne à l’état de béatitude. D’où cette locution conditionnelle : Si Dieu me commandait de croire, je le ferais, et autres semblables, peuvent exister chez les élus ; elles impliquent, non la réalisation d’un acte de foi quelconque, mais simplement une pieuse disposition de l’âme, possible chez les élus. » hoc. cit., n. 7. Cf. disp. VII, sect., v, n. 4 ; De. incarnatione, disp. XVIII, sect. iv. Suarez s’appuie sur saint Thomas, Sum. theol., III a, q. vil, a. 3, ad 2°" et sur le commentaire de Cajétan. — (3. L’'espérance, dont l’objet est la béatitude désirée comme notre propre bien, voir Espérance, t. v, col. 631, 636, ne petit également coexister avec la gloire. I Cor., xiii, 13, et surtout Rom., viii, 24-25, Mais sur ce point, plus encore qu’au sujet de la foi, il y a divergence parmi les théologiens pour expliquer cette cessation de l’espérance au ciel. Saint Thomas, .S’» 771. theol., I 1 IT", q. lxvii, a. 4, 5 ; IF II*, q. xviii, a. 2, et ses disciples semblent l’entendre, non seulement de. l’acte d’espérance, mais encore de la vertu et de tout habitas se référant à l’espérance. Comment, en effet, assigner une place à une vertu dont l’objet propre est une béatitude absente, alors que cette béatitude est non seulement présente, mais toujours, et, dans sa substance, tout entière actuellement présente ? S’il y a encore, dans le ciel, place pour un certain amour intéressé à l’égard de Dieu, cf. Lessius, De summo bono, 1. II, c. xix, n. 163 sq., cet amour procède de la charité consommée, la communication du souverain bien à notre âme, laquelle est l’objet de cet amour de concupiscence, étant la condition nécessaire de L’acte de charité, par lequel nous aimons Dieu pour lui-même. Cf. Esparza, Quæstioncs disputandse, Rome, 1664, De actibus humanis, q. iv, a. 5 ; Billot, De virtutibus infusis, proœmium de charitate ; C. Pesch, De virtutibus theologicis, n. 492 sq., 537 sq. Voir Charité,

t. ii, col. 2220-2221. Tout différent est l’avis de Suarez : Dico… in beatis mancre habitum spei quoad substantiam ejus, quamvis non clicial in cis actus spei bcalitudinis esscnlialis. De virtute spei, disp. I, sect. viii, n. 5. Les arguments de Suarez sont l’autorité de quelques Pères (ceux que l’on a cités à propos de l’opinion de Durand de Saint-Pourçain au sujet de la permanence de la vertu de foi) ; la nécessité de rapporter à la vertu d’espérance l’acte d’amour intéressé de Dieu, inséparable de l’amour et de la jouissance béatifiques, cf. Lessius, De summo bono, 1. II, c. xix, n. 163 sq. ; Mastrius, De virtute spei. q. xviii, acte qui ne renferme en lui-même aucune répugnance vis-à-vis de la gloire essentielle ; la nécessité d’expliquer les actes d’espérance louchant l’objet secondaire de cette vertu, glorification des corps, béatitude des amis et des proches. Les thomistes, avec saint Thomas, Sum. theol., I" IL 1’, q. lxvii, a. 4, ad 3 uæ, répondent que la vertu d’espérance ne saurait exister, même vis-à-vis de son objet secondaire, lorsque cet objet se présente sans être enveloppé de difficulté, sine ralione ardui : Non proprie dicitur ediquis qui habet pecuniam, sperare se habilurum aliquid quod statim in potestate ejus est ut emat. Et similiier illi qui jam possident gloriam animæ, non proprie dicentur sperare, sed solum desiderare gloriam corporis quæ ad gloriam animæ se habet ut inevilabile accessorium. Billot, De virtutibus injusis, c. i, q. lxvii. Voir la discussion dans Suarez, loc. cit., n. 6 ; Cajétan, In Sum. S. Thomæ, III q. vii, a. 4.

c. Ce que la gloire conserve en le modifiant. — La grâce habituelle, principe de la gloire, est évidemment supposée chez les élus ; c’est la grâce consommée, qui ne s’identifie pas cependant avec la gloire formelle des élus. Cf. Billuart, Cursus tl.eologiæ, De gratia, diss. IV, a. 5. Elle acquiert, par son épanouissement dans la gloire, une perfection qu’elle ne peut atteindre ici-bas ; c’est la filiation divine dans un degré suréminent : « les fils qui marchent encore dans la voie… sont, aux glorieux habitants de la patrie, ce qu’est à l’homme parfait un enfant à peine sorti des langes. » Terrien, La grâce et la gloire, t. ii, 1. IX, c. I. Cf. I Cor., xiii, 11-13. Cette suréminence de la grâce s’épanouissant dans la gloire ne se manifeste que médiatement, c’est-à-dire par les perfections qui en découlent et forment l’état surnaturel des âmes glorifiées. Outre l’addition de la vision intuitive avec le lumen gloriæ qui en est la condition nécessaire, l’état de gloire conserve, en les perfectionnant : a. la vertu (infuse et acquise) de charité, qui devient la charité consommée. Voir l’explication à l’art. Charité, t. il, col. 2226, n. 4 ; cf. S. Thomas, Sum. theol., V IL*’, q. lxvii, a. 6 ; IL II*, q. xxiv, a. 7, avec le commentaire de Cajétan, et In IV Sent., 1. III, dist. XXXI, q. ii, a. 2 ; p. les dons du Saint-Esprit, voir t. iv, col. 1747-1748 ; y. les vertus mondes, infuses et acquises. Les vertus morales infuses, supposé, selon l’opinion la plus probable, leur existence, demeurent dans l’état de gloire, quoique ne s’exerçant plus par les mêmes actes, matériellement considérés, qu’ici-bas : leur objet formel reste toujours le même, à savoir rectum et mensuratum in quolibet génère motuum humanorum. Pour la prudence et la justice, qui ont leur sujet dans l’intelligence et dans la volonté, pas de difficulté ; pour les deux autres vertus qui, en tant que vertus infuses, ont pour sujet dans la volonté, mais avec une relation essentielle à l’appétit irascible et concupiscible, elles ne demeureront que virtuellement dans les âmes séparées, et réapparaîtront formellement après la résurrection. S. Thomas, Sum. theol., V’II 3 *, q. lxvii, a. 1, ad 3° m ; cf. a. 2 ; Suarez, De ultimo fine hominis, disp. X, sect. ii, ii, 3. Cf. Billot, De virtutibus infusis, q. LXin, thés, ii, § 2 ; q. lxvii, § 2. Étant donné cette doctrine touchant la permanence des vertus