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GLOIRE

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On n’a pas à faire ici l’exégèse de cette parabole : il suffit d’expliquer le sens allégorique du denier, salaire dé tous les ouvriers sans exception. Sans s’arrêter à l’interprétation singulière de Vasquez, In I" 1 Sum. S. Thomie, disp. XLVII, c. ni, lequel n’admet la récompense que pour les derniers venus, et veut que les premiers « appelés » n’aient pas été « élus » , c’est-à-dire sauvés, on peut dire avec l’unanimité morale des Pères et des théologiens que le denier représente la béatitude objective, égale pour tous, et non la béatitude subjective, formelle ou relative, dans laquelle seule les inégalités peuvent se produire. Cf. S. Thomas, Sum. theol. I 1, II’1’, q. v, a. 2, ad 1’"" ; Bellarmin, De sanctorum bcoliludine, c. v. Voir l’explication de la parabole, à ce point de vue théologique, dans Suarez, De Deo uno, 1. II, c. xx, n. 8-20 ; cet auteur trouve même dans la différence de traitement indiquée par les termes primi et novissimi une preuve directe de l’inégalité de la gloire chez les élus, n. 20. D’ailleurs, dans l’explication d’une parabole, il n’est pas nécessaire que chacune des phrases de la parabole trouve son application particulière ; il suffit que l’enseignement général soit donné. S. Jean Chrysostome, In Maith., homil. lxiv, n. 3, P. G., t. lvii-lviii, col. 612. Or, dans la parabole des ouvriers, il n’entre pas dans la pensée de Jésus d’enseigner la répartition des récompenses proportionnellement aux mérites de chacun, mais de rappeler que la gloire du ciel ne doit pas se mesurer à l’ancienneté de la vocation, ni à la durée du travail, mais à la fidélité à cette vocation et à la ferveur avec laquelle on remplit son devoir. Suarez, loc. cit. ; cf. Salmanticenses, De visione Dci, disp. V, n. 4 ; Becan, Theologiæ scholaslicæ, part. I, tr. I, c. ix, q. ix, n. 3 ; Petau, De Deo Deique propriclalibus, I. VII, c. xi, n. 5. Les murmures des ouvriers, la réponse du père de famille expliquant l’égalité du salaire par son seul bon plaisir, ne s’opposent pas à cette interprétation générale du denier, Maldonat, In h. I. ; Suarez, loc. cit., et n’ont été introduits dans la parabole que pour provoquer la réponse du père de famille. Knabenbauer, In Evangelium Malthsei, Paris, 1892, p. 176-177. Ces murmures n’indiquent donc pas une tristesse ou une envie quelconque chez les élus. S. Jean Chysostome, loc. cit. Cf., pour l’interprétation de la parabole, Jean de Saint-Thomas, Cursus théologiens, disp. XV, a. 6, n. 39 ; Hurter, Theologise dogmaticx compendium, t. iii, n. 840 ; Petau, op. cit., c. xi, en entier ; Knabenbauer, op. t/7., p. 171 sq. Il faut se rappeler que la leçon, avec la menace qu’elle renferme, est donnée directement aux juifs, les appelés de la première heure ; voir, dans leurs commentaires, Corneille de la Pierre ; dom Calmet, Van Steenkiste, Schegg ; mais elle doit s’appliquer également à tous les hommes, S. Jean Chrysostome, loc. cit., n. 4, et aux apôtres eux-mêmes. Cf. Fillion, Évangile selon S. Matthieu, Paris, 1898, p. 390.

La tradition.

L’erreur de Jovinien fut, dès

son apparition, notée comme telle. Quelques scolastiques, et, en particulier, les Salmanticenses, loc. cit., n. 1, affirment que cette erreur fut condamnée au concile de Télepte. C’est une erreur. Voir Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. ii, p. 73. Il s’agit d’une lettre synodale du concile de Milan, en 390, lettre très probablement écrite par saint Ambroise et adressée au pape Sirice. Hefele, loc. cit., p. 78 ; Mansi, Concil., t. iii, col. 689. Cette lettre décrit ainsi l’hérésie de Jovinien, en ce qui concerne la gloire des élus : Agreslis ululatus est… diversorum gradus, abrogare meritorum et pauperlalem qu.amd.am cœlestium remuneralionum inducere, quasi Christo una sit palma, quam tribuit, ac non plurimi abundent tituli præmiorum, n. 2, P. L., t. xvi, col. 1124. Cette lettre est, du moins, un témoignage authentique de la tradition catholique. Jovinien d’ailleurs avait été condamné pour cette erreur au

concile de Rome de la même année et le concile de Milan ne faisait que renouveler la condamnation portée à Rome. Voir Hefele, loc. cit. Le témoignage de saint Jérôme, Adversus Jovinianum, 1. II, n. 34, P. L., t. xxiii, col. 333, est tout aussi concluant. L’argumentation du saint docteur est fondée, non seulement sur la raison théologique ; mais sur l’autorité de l’Écriture. Matth., xx, 25, 26 ; Joa., xiv, 2 ; I Cor., xv, 41.

C’est surtout en commentant Joa., xiv, 2, et I Cor., xv, 41, que les Pères ont proposé la doctrine authentique sur ce point. — 1. Sur Joa., xiv, 2, voir S. Augustin, In Joanncm, tr. LXVIII, n. 2, P. L., t. xxxv, col. 1812 ; cf. De sancta virginitate, c. xxvi, P. L., t. xl, col. 410 ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Joannis Evangelium, P. G., t. lxxiv, col. 181 sq. ; Tertullien, Adversus gnosticos scorpiace, c. vi, P. L., t. ii, col. 134 ; De monogamia, c. x, P. L., t. ii, col. 942 ; S. Cyprien, De habilu virginum. n. 23, P. L., t. iv, col. 463, qui ajoute à son commentaire cette remarque, que si le Christ a dit qu’il y a plusieurs demeures dans la maison de son Père, c’est pour nous exciter à mériter les meilleures ; cf. De exhortatione marlyrii, c. xii, xiii, P. L., t. iv, col. 673 sq. ; S. Hilaire, Tract, in ps. lxi v, n. 5, P. L., t. ix, col. 415 ; S. Ambroise, De bono mortis, c. xii, n. 53, P. L., t. xiv, col. 564 ; cf. In Lucam, 1. V, n. 62, P. L., t. xv, col. 1653 ; S. Prosper, Sententiarum, 364, P. L., t. li, col. 846 ; S. Grégoire le Grand, Moral., 1. IV, c. xxxvi, P. L., t. lxxv, col. 677 ; 1. XXXV, c. xix ; cf. In Ezechielem, 1. II, homil. iv, n. 6, P. L., t. lxxvi, col. 777, 977. — 2. Sur I Cor., xiv, 41, voir S. Basile, De Spirilu Sanclo, c. xvi, P. G., t. xxxii, col. 133 sq. ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Episl. I ad Cor., P. G., t. lxxiv, col. 905 ; S. Jean Chrysostome, In I" m ad Cor., homil. xli, n. 2, 3, P. G., t. lxi, col. 358 sq. ; Théodoret, Interpretatio Episl. Ie ad Cor., P. G., t. lxxxii, col. 365 ; Tertullien, Adversus gnosticos scorpiace, loc, cit. ; De resurreclione carnis, c. lii, P. L., t. ii, col. 872 ; S. Hilaire, Tract, in ps. lxiv, P. L., t. ix, col. 416 ; S. Augustin, De sancta virginitatc, loc. cit. ; In Joannem, tr. LXVTI, n. 1, P. L., X. xxxv, col. 181 ; S. Jérôme, Adversus Jovinianum, loc. cit. ; S. Fulgence, Ad Trasimundum, 1. III, c. iv, De Trinitate, c. xiii, P. L., t. lxv, col. 271, 508 ; S. Grégoire le Grand, Moral., l.XXXV.c.xix, P. L., t. lxxvi, col. 778 ; S. Bernard, Apologia ad Gullielmum, c. iv, n. 9, P. L.. t. clxxxii, col. 904. S. Thomas explique le texte île saint Paul des différences des seuls corps glorifiés. In 7°" ad Cor., c. xv, lect. vi.

Le -P. Petau, De Deo Deique proprietalibus, 1. VII, c. x, se demande si Origène ne serait pas tombé dans l’erreur de Jovinien. Voici la traduction latine du texte incriminé : Ego exislimo in ipso statim initio bcatitudinis, qua jruuntur ii qui salvi fiunt, quoniam nondum purgali sunt gui taies non sunl, inde oriri illam luminis bealorum diflcrcntiam ; sed postquam a loto Christi regno omnia collecta jueriid scandala, quemadmodum supra a nobis traditum est, parientesque iniquilatem cogilaliones in fornacem ignis fuerinl conjectie delerioraque absorpta et intérim ad se redierinl hi qui sermones mali filios admiserant, tune fulurum est ut in Palris sui regno fulgeanl justi, unum solare facti. In Matth., tom. x, n. 3, P. G., t. xiii, col. 841. Ce texte semble plutôt, et c’est aussi la remarque de Petau, loc. cit., refléter l’erreur de’apocalastase. Voir Enfer, t. v, col. 58. Entre les élus et les damnés, qui taies non sunt, il y a au début du bonheur des élus, une différence ; mais après la purification des damnés, la même lumière resplendira en tous. Il s’agit de la gloire objective et non de la gloire formelle. Entre les élus eux-mêmes, parce qu’ils sont tous soumis à une purification au jugement, il y a au début une différence. Voir Feu du jugement, t. v, col. 2241. Cf. A. Michel,