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GÉORGIE


Est-ce Pierre le Foulon (471) ou Pierre II, contemporain de Michel Cérulaire ? D’autres textes que nous utiliserons plus loin semblent prouver qu’il s’agit du premier, car il serait bien difficile de les expliquer s’il s’agissait du second. Notons cependant que beaucoup d’auteurs modernes se prononcent en faveur de cette dernière hypothèse. La Conversion de la Géorgie et les Annales s’accordent à dire que, sur la demande du roi Vakhtang, l’empereur Léon I er fit désigner par le patriarche d’Antioche un prélat pour remplacer l'évèquo Michel, qui avait déplu au souverain, et que Pierre fut choisi comme catholicos. Les deux actes ont dû se produire en même temps. Les Annales de la Géorgie prétendent que l’autonomie complète fut accordée par le VIe concile œcuménique (680), Brosset, Histoire de la Géorgie, t. i, p. 235-G32, mais il suffit de parcourir les actes de cette assemblée pour se convaincre qu’elle ne s’est pas occupée de la Géorgie. Par contre, le moine melkite Nicon, Bibliothèque Vaticane, Codices arabici, n. 76, p. 367, et Éphrem le jeune, Brosset, op. cit., t. i, p. 229, tous deux du xie siècle, résument un récit d’après lequel deux moines géorgiens vinrent à Antioche, sous l’empereur Constantin Gopronyme (741-775) et le patriarche Théophylacte (745-751), pour y exposer la situation lamentable dans laquelle se trouvait leur pays par suite de la conquête arabe. Il n’y avait plus de catholicos depuis la mort de l’empereur Anastase I er (610). Les persécutions des infidèles avaient jusque-là empêché les Géorgiens de recourir à Antioche. Le patriarche assembla un synode et sanctionna un acte en vertu duquel les évêques géorgiens étaient autorisés à se réunir et à consacrer le catholicos qu’ils auraient élu. Celui-ci n’avait plus d’autre obligation vis-à-vis d’Antioche que de faire mention du patriarche dans la liturgie et de payer une redevance annuelle. Cette somme fut constamment acquittée jusqu'à l'époque du patriarche Jean III (987-1010) qui céda son droit à son collègue de Jérusalem. Le patriarche d’Antioche se réserva aussi le droit d’intervenir dans les troubles suscités par l’hérésie et d’envoyer dans ce but un exarque en Géorgie. C’est ainsi qu’un patriarche du nom de Théodore, Théodore I er (751-753) ou Théodore II (970-975) ou encore Théodore III (1034-1042), envoya Basile le grammairien pour combattre l’hérésie des Akakhtiens, dont nous ne connaissons que le nom. En résumé, on peut admettre qu’après avoir été gouvernée par un catholicos qui tenait son autorité du patriarche d’Antioche, l'Église géorgienne a obtenu son autonomie religieuse vers le milieu du viii 6 siècle, peut-être même auparavant.

VII. Histoire politique du Ve au xiiie siècle. — Quand le roi Vakhtang Gourgaslan, c’est-à-dire LoupLion (446-499), monta sur le trône, la Géorgie était la proie de ses voisins, surtout des Perses. Il battit les uns après les autres les ennemis de son pays et le croyait complètement libre lorsqu’il succomba glorieusement avec son armée sous les coups des Perses. Ses successeurs ne conservèrent qu’une autorité fort diminuée. L’un d’entre eux, Bacour III (557-570), laissa des fils mineurs qui, par peur des Perses, furent obligés de se réfugier dans les montagnes. La famille des Bagratides, appuyée par l'étranger, en profita pour reprendre le gouvernement du pays et se substituer à la dynastie sassanide. Ce sont les Bagratides qui ont régné sur la Géorgie jusqu'à la fin du xviiie siècle, au moment où s’accomplit l’annexion à la Russie. Les Byzantins avaient déjà réussi à s’emparer de la Géorgie occidentale. L’empereur Maurice obtint la cession complète de tout le pays et nomma curopalate, c’est-à-dire maréchal du palais, le roi Gouram (575-600), un Bagratide. Cette suzeraineté de Byzance dura un demi-siècle environ. Hérælius traversa la Géorgie dans sa marche

victorieuse contre Chosroès. Dès 642, les Arabes firent leur apparition sous la conduite de l'émir Merwàn-Qrou et semèrent les ruines un peu partout. En 717, un autre émir, Iazîd, conquit à son tour la Géorgie, réduisant les rois indigènes au rôle de simples exécuteurs de ses ordres. Le Turc Bougha, venu de Bagdad, défit les Arabes et ravagea le pays en 851. La Géorgie ne retrouva son indépendance momentanée que sous David le Curopalate dont l’intervention rendit à Byzance un service précieux par la défaite du rebelle Scléros (976). Il avait à peine réorganisé son royaume que les Turcs Seldjoukides fondirent dessus et le ruinèrent (seconde moitié du xie siècle). David II, le Restaurateur (1089-1125), les chassa et fonda un royaume qui allait de la mer Caspienne à la mer Noire, de la chaîne du Caucase à la province de Kars. La Géorgie connut son complot épanouissement sous la reine Thamar (1185-1212), dont le nom est resté justement célèbre dans son pays.

VIII. L'Église géorgienne du vi° au xiiie siècle. — Les épreuves multiples par lesquelles passa la Géorgie durant cette époque troublée firent nécessairement sentir leur contrecoup dans l'Église. Les musulmans usèrent de tous les moyens pour répandre leur religion parmi le peuple. La constance des chrétiens fut assez bonne pour que de nombreux martyrs répandissent leur sang pour défendre leur foi. Les plus célèbres sont saint Daniel et saint Constantin, mis à mort vers 715, après avoir vaillamment combattu pour leur pays, Brosset, op. cit., t. i, p. 262, le saint roi Artchil, qui trouva une mort glorieuse vers 727, en réclamant à l'émir Dchidchoun la liberté pour sa patrie, et saint Gobroni, vers 912. Brosset, op. cit., 1. 1, p. 275. On a conservé la vie de deux autres martyrs, saint Abo de Tiflis, vers 786, et saint Constantin, prince royal, mis à mort à l'âge de quatre-vingt-cinq ans par le chef turc Bougha, en 853. Lebeau, Histoire du BasEmpire, t. xiii, p. 47, note 3. Enfin, il faut signaler le martyre de saint Néophyte, évêque d’Urbnissi (ixe siècle), ancien chef mulsuman converti au christianisme par le spectacle de la vie religieuse. Acta sanctorum, octobris t. xii, 1885, p. 642.

Heureusement pour l'Église géorgienne, la puissance musulmane décrut beaucoup vers la fin du xe siècle, sans quoi elle aurait peut-être subi le sort d’autres chrétientés orientales et disparu entièrement. Quand les Bagratides reprirent le gouvernement du pays, une réforme profonde s’imposait. Le clergé, cupide et corrompu, se montrait inférieur à sa tâche au milieu des églises en ruines. L’arrivée des Turcs Seldjoukides, dans la seconde moitié du xie siècle, sema une fois de plus la désolation en Géorgie. Brosset, op. cit., t. i, p. 347. La persécution s’abattit terrible sur les fidèles qui n’avaient pas pu trouver un refuge dans les montagnes. David II le Restaurateur (1089-1125) réussit à repousser l’envahisseur et songea à profiter de ses victoires pour rétablir l’ordre dans l'Église et dans l'État. C’est pendant son règne que parurent les premières écoles régulièrement organisées, où l’on enseigna la religion, la grammaire, les mathématiques et le chant. L'école d’Arsène, dans la ville d’Icalto, forma une génération d’hommes célèbres, entre autres le fameux poète Chota Roustavéli, l’auteur de la Peau de léopard. Pour compléter l’instruction des jeunes gens, David II en envoya quarante au mont Athos, où ils devinrent de remarquables traducteurs de livres ecclésiastiques. Il fut lui-même bon théologien et bon chrétien. Il organisa, en plusieurs points de son vaste royaume, des hôpitaux et des asiles. C’est à lui qu’on doit la célèbre cathédrale de Guélati, un des plus beaux monuments de l’architecture géorgienne. Khakhanofï, Histoire de Géorgie, Paris, 1900, p. 42. Il réunit aussi un concile dans le but d’amener les Arméniens à