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GLOIRE

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dentelle dans l’âme séparée du corps n’ajoute rien formellement à la gloire essentielle. — 1. Il peut y avoir, dans i âme séparée du corps, accroissement de gloire accidentelle.

— Saint Thomas, 7/i IV Sent., 1. IV, dist. XII, q. ii, a. 1, q. ii, prend occasion de la collecte de la inesse de saint Léon, pape : Annue nobis, Domine, ut animas famuli tui Leonis hsec prosil oblalio, pour expliquer comment nos prières, nos sacrifices, nos hommages peuvent concourir à la gloire des saints. « La gloire, dit-il, c’est la récompense des saints : or, cette récompense est double : c’est d’abord la joie essentielle qu’ils reçoivent de la divinité ; c’est ensuite une joie accidentelle qu’ils reçoivent de n’importe quel bien créé. Quant à la joie essentielle, selon l’opinion plus probable, ils ne peuvent recevoir d’accroissement ; quant à la joie accidentelle, cela leur est possible, du moins jusqu’au jour du jugement. Comment, s’il n’en était pas ainsi, leur joie s’accroîtrait-t-elle de la gloire de leur corps ? Aussi leur gloire s’accroît par tous les bienfaits qu’ils nous procurent, les anges du ciel se réjouissant eux-mêmes de la pénitence d’un seul pécheur, Luc, xv, 10 ; et ainsi les saints se réjouissent de tout ce qui se fait en l’honneur de Dieu, et surtout de tout ce par quoi nous rendons grâces à Dieu de leur gloire. » Et le saint docteur conclut qu’il ne peut s’agir, lorsqu’on parle de l’accroissement de la gloire des élus, que d’un accroissement de gloire accidentelle. Cf. Sum. theol., I*, q. lxii, a. 9, ad 3°’°. La raison théologique démontre la possibilité d’un tel accroissement. La gloire a son principe formel dans la connaissance, clara cum laude nolitia. Or, nous l’avons vu, l’intelligence de l’âme séparée garde, même concomitamment avec la vision béatifique, ses opérations propres. D’une part, tant de sujets de gloire, en dehors de Dieu, subsistent sur lesquels l’intelligence pourra s’arrêter. Ces sujets sont multiples. Sans compter le souvenir de ses bonnes actions accomplies ici-bas, l’âme bienheureuse pourra connaître, par une révélation progressive, voir plus haut, col. 1407, les choses qui la concernent, les témoignages qu’on rend à son mérite, les prières qu’on lui adresse, les hommages qu’on lui rend. Cf. Lessius, De summo bono, 1. II, c. ix, x. Sa gloire accidentelle croîtra donc en proportion de ces révélations. Elle croîtra surtout en raison des joies qu’apportera aux élus la société des saints, S. Augustin, Enarr. in ps. CXLVII, n. 6, 9, 13, P. L., t. xxxvii, col. 1918, 1920, 1922 ; S. Bernard, In festo omnium sanctorum, serm. v, n. 6, P. L., t. clxxxiii, col. 478 ; cf. Billot, op. cit., §2 ; et dans cette société tout particulièrement la vue du corps glorieux de Notre-Seigneur. S. Thomas, In IV Sent., 1. I, dist. I, q. i, a. 1, ad 3 am ; 1. III, dist. I, q. i, a. 3, ad 6um. D’autre part, l’éternité participée, qui est celle des saints, si elle exclut la multiplicité de la succession des opérations de la béatitude essentielle, voir Éternité, t. v, col. 919, et Intuitive (Vision), n’exclut pas la multiplicité et la succession des opérations naturelles, qui sont la béatitude accidentelle. Donc, rien ne s’oppose, chez les âmes séparées, à un accroissement de béatitude accidentelle.

Les théologiens discutent pour déterminer le principe de cet accroissement. Les uns prétendent que, par rapport à la gloire accidentelle, les élus sont encore capables de mérite. Les autres rejettent cette opinion comme moins probable, cf. S. Thomas, Sum. theol., T, q. lxii, a. 9, ad 3°" ; In IV Sent., 1. IV, dist. L, q. ii, a. 1, q. vi, et placent le principe de cet accroissement dans la vertu même de la béatitude. Voir Mérite.

2. L’accroissement de gloire accidentelle n’ajoute rien formellement à la gloire essentielle. — C’est la doctrine commune, empruntée à saint Thomas par tous les théologiens qui ont étudié la question. Tous les biens créés qui peuvent être un sujet de gloire acci dentelle pour les élus sont renfermés en Dieu, qui est la source de tous biens, n’ont de valeur pour les élus que parce qu’ils valent en Dieu, et, de même que Dieu n’ajoute rien à sa gloire et à sa béatitude en donnant l’être aux créatures qui le glorifient, de même l’élu n’ajoutera rien à l’élément formel de sa gloire essentielle, c’est-à-dire à la vision et à l’amour béatifique, par l’accroissement de sa gloire accidentelle : Cum bcaliludo nihil sil aliud quam adeplio boni perfecti, quodeumque aliud bonum supcraddatur divinse visioni aul jruilioni, non faciet mugis beatum ; alioquin Dcus esscl foetus bcatior condendo creaturas. S. Thomas, De malo, q. v, a. 1, ad 4° m. Et In IV Sent., 1. IV, dist. XLV, q. ii, a. 2, q. iv, ad 3°", le même auteur explique, à cause du même principe, que les saints du ciel, quamvis de omnibus bonis noslris gaudeant, non tamen sequitur quod mulliplicalis nostris gaudiis eorum gaudium augmentetur formalilcr, sed materiediter lantum. Il n’y aura pas plus dejoie, il y aura plus de sujets de joie. L’accroissement de gloire ne fera donc qu’augmenter les motifs de gloire, mais non la gloire elle-même : c’est là ce que les théologiens veulent dire, en affirmant que l’accroissement de gloire accidentelle est purement matériel par rapport à la gloire essentielle.

2e proposition : L’accroissement de gloire qui résultera de la réunion de l’âme au corps sera un accroissement de gloire purement accidentelle. — En ce qui concerne la gloire du corps ressuscité, la question ne se pose plus de la même façon que pour la gloire accidentelle de l’âme séparée. Nous n’avons pas à rappeler ici les opinions et les discussions des théologiens touchant le principe des qualités des corps des élus. Voir Jean de Saint-Thomas, De adeplione bcatitudinis, disp. II, a. 9, n. 4-15. A l’art. CoRrs glorieux, t. iii, col. 19001902, on a exposé la doctrine communément admise, que la gloire essentielle de l’âme, la vision béatifique, rejaillissant sur le corps, lui conférait ces qualités : Quod corpus gloriosnm crit omnino subjeelum animée rationali, non solum ut nihil in eo sit quod résistât spirilui, quia hoc juil ctiam in corpore Adæ, sed eiiam ut sit in eo aliqua perfeclio ef/lucns ab anima glorificata in corpus, per quam habile redditur ad prsedictam subjeelionem, quæ quidem perfeclio, dos glorificali corporis dieitur. S. Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, q. ii, a. 3, q. i. Mais si la gloire du corps n’est qu’un rejaillissement de la gloire de l’âme, n’apportera-t-elle pas un accroissement réel à la gloire essentielle ? Benoît XII, voir t. il, col. 686, n’a pas tranché dogmatiquement la question. On ne peut dire cependant que ce soit un problème librement débattu : aujourd’hui la réponse négative est la doctrine communément admise. Mais il n’en a pas été toujours ainsi. 1. Ancienne opinion de saint Augustin, de saint Bernard et de quelques scolasliques. — Saint Augustin a proposé une théorie assez différente. Pour lui, les anges seuls jouissent pleinement de la gloire essentielle, les âmes n’auront cette gloire pleinement qu’après la résurrection ; jusque-là, retardées par leur attrait naturel vers le corps, elles jouissent de la vision intuitive, mais d’une façon incomplète. Voir Augustin (Saint), t. i, col. 2447, et Benoit XII, t. ii, col. 686. Saint Bernard a une doctrine analogue. Voir Bernard (Saint), t. ii, col. 781 ; Benoit XII, t. ii, col. 689-690, et la note de Mabillon dans la P. L., t. clxxxiii, col. 465. On en trouve des échos jusque chez les docteurs du moyen âge, Haymond d’Halberstadt, Exposilio in Apocalypsim, ]. II, c. xvi, P. L., t. cxvii, col. 1027 ; Pierre Lombard, Sent., 1. IV, dist. XIXL, n. 5, P. L., t. cxcii, col. 959 ; S. Bonaventurc, In IV Sent., dist. XLIX, part. II, a. 1, q. i, lequel affirme que la glorification des corps apportera un accroissement de gloire essentielle ex conscqucnli ; S. Thomas lui-même, ibid.,