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GLOIRE

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souflïira-t-elle pas du souvenir de ses péchés ou de la perte éternelle de ses amis et proches ?

Saint Thomas a indiqué la solution du premier problème. Sum. theol., F IF’, q. iv, a. 5, ad 4°’" et 5° m. L’âme n’éprouve aucune tristesse : ayant tout ce qu’elle peut désirer, elle est satisfaite, quoiqu’elle ne possède pas encore la gloire de toutes les façons dont il lui serait possible de la posséder : elle attend donc qu’un nouvel état lui permette de faire participer le corps à sa gloire ; mais elle ne souffre pas de cette attente, ayant tout ce qu’elle peut avoir et désirer pour son état présent. D’ailleurs, parler d’attente, c’est mal s’exprimer. La gloire de l’âme est éternelle, c’est-à-dire tout en acte, voir Éternité, t. v, col. 919 : le temps n’existe plus, et c’est notre imagination qui nous trompe lorsque nous nous figurons l’âme attendant la résurrection. Cf. Billot, De novissimis, thés, ix, § 1, in fine.

Le second problème a sa solution générale dans ce que nous avons dit plus haut : les élus n’envisagent toutes choses que selon l’ordre de la gloire divine : ils jugeront les pécheurs comme tels, c’est-à-dire comme ennemis de Dieu et, à ce titre, seront heureux de les rejeter : Si homines nolunt salvari, sed in suis peccatis obslinali sunt, beati eos considérant ut hostes Dei et suos, et volunt eos débitas pœnas subire, etiamsi in vila peccalores eorum amici et propinqui fuerunt, quia non caro et sanguis regnum Dei obtinenl, scd amor spiritualis, quo omnia in Dco et propter Deum amantur. S. Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. L, q. xi, a. 4. Cf. Lessius, De summo bono, 1. II, c. xii, n. 88. Mais cette solution ne pourra être pleinement comprise que lorsqu’on aura exposé comment la vision béatifique règle toutes les pensées, toutes les volontés, toutes les affections des élus. Aussi, pour éviter les redites, on voudra bien se reporter à Intuitive (Vision).

b. Dans le corps ressuscité. — La gloire de l’âme rejaillira sur le corps : de là, une nouvelle gloire accidentelle, qui a été étudiée à Corps glorieux, t. iii, col. 1879. Mais la réunion de l’âme au corps reconstituera les facultés organiques, qui, dans l’âme séparée, ne subsistaient qu’à l’état virtuel. S. Thomas, Sum. theol., r, q. lxxvii, a. 8. La gloire accidentelle trouverat-elle un nouvel élément dans l’exercice de ces facultés sensibles ? Cf. Job, xix, 27 ; Apoc, xii, 1 ; vii, 9, pour les yeux ; Apoc., iv, 10, 11 ; xiv, 3, 4 ; Tob., xiii, 22, pour les oreilles. On adapte à l’odorat Cant., iv, 10, 15 ; au goût Apoc, ii, 17. Les scolastiques ont émis beaucoup d’hypothèses. Voir S. Thomas, Sum. theol., IH, e Suppl., q. lxxxii, a. 4 ; et surtout Lessius, De summo bono, 1. III, c. viii, n. 101-103. Le P. de Smet, Notre vie surnaturelle, Bruxelles, 1910, t. i, p. 293, a bien résumé la doctrine de ces deux théologiens en montrant que, si les jouissances propres aux trois sens plus matériels de la nature animale, goût, odorat, toucher, devaient être spiritualisécs pour concourir à la gloire accidentelle des élus, la chose est plus facile à expliquer pour la vue et l’ouïe. La musique qui ravira les oreilles des élus, après la résurrection, sera non seulement mentale, mais vocale. S. Thomas, Sum. theol., IIP 3 Suppl., q. lxxxii, a. 4 ; In IV Sent., 1. II, dist. II, q. ii, a. 2, ad 5°" ; Lessius, op. cit., c. viii, n. 99. La principale gloire des yeux sera de contempler le corps glorieux du Sauveur. S. Thomas, In IV Sent. 1. IV, dist. XLIX, q. ii, a. 2.

En plus des auteurs cités : Suarez, De îmjsteriis vilce Christi, disp. XLVII, sect. vi.

c. Dans les biens extérieurs. — /.. Terre et deux renouvelés. — Si le monde doit être renouvelé après la résurrection générale, les cieux, la terre ainsi restaurés apporteront, par leur perfection même, un nou DICT. DE TllÉOL. CATHOL.

veau motif de gloire accidentelle aux élus. Le ciel empyrée où habitent les bienheureux est à lui seul un ravissant spectacle pour leurs yeux. Cf. Grégoire de Valence, In I’m Sum. S. Thomæ, disp. V, q. ii, p. ii, q. v ; S. Thomas, Sum. theol., I", q. lxvi, a. 3 ; Suarez, De mijsleris vitse Christi, disp. LVIII, sect. n ; Lessius, De summo bono, 1. III, n. 98, 99. Nous ne nous attarderons pas à développer une doctrine dont les fondements ont été suffisamment explorés aux art. Fin du monde, t. v, col. 2516 sq., et Ciel, t. ii, col. 2504. Voir aussi de Smet, op. cit., p. 295, note.

(3. La société des élus. — Les élus se retrouveront et se reconnaîtront au ciel, non seulement par la vision intuitive, mais par les communications directes qu’ils pourront avoir entre eux. Nier qu’ils puissent communiquer directement entre eux serait leur enlever un exercice légitime de leurs facultés, ce qui est contre le concept même de la gloire, qui doit être le comble de tous les biens et le rassasiement de tous les désirs. Cette société n’est pas requise sans doute à la gloire essentielle, mais elle fera partie de la gloire accidentelle des élus. S. Thomas, Sum. theol., F IF’, q. iv, a. 8. Les élus s’aimeront au ciel « par l’effet de la vertu de charité infuse qui demeurera en nous à un degré de suprême perfection, de l’amour le plus tendre et le plus ardent, qui sera encore nourri et constamment accru par la connaissance toujours plus parfaite que nous aurons de leurs perfections naturelles et surnaturelles, bien supérieures à tout ce que nous pouvons rencontrer ici-bas de plus ravissant parmi nos semblables, et sans aucun mélange d’imperfection positive déplaisante. » De Smet, op. cit., p. 303. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IF IF’, q. xxvi, a. 13.

L’Écriture, parlant du ciel, le désigne souvent comme le lieu de rendez-vous des élus, lieu où ils régneront ensemble avec le Christ. Voir Ciei, t. ii, col. 2470, 2477. Ils formeront donc une société, où ils se retrouveront et se connaîtront. Voir également Communion des saints, t. iii, col. 430, et, en particulier, ce qui concerne l’Église triomphante, col. 467 sq. Rappelons simplement ici que l’Écriture présente le séjour des élus comme une société, un royaume, où, en compagnie de Jésus, Luc, xxiii, 43, et des anges, Matth., xviii, 10, les justes seront la joie du Seigneur, Matth., xxv, 21, 23, pour la vie éternelle. Matth., xxv, 46 ; xix, 17 ; Marc, ix, 43-45. C’est encore un festin, où se réunissent les convives, Luc, xxii, 30 ; Matth., viii, 11 ; xxii, 1-14 ; xxvi, 29. Cf. Frey, Royaume de Dieu, dans le Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, t. v, col. 1248, 1249. Les anges portent Lazare dans le sein d’Abraham, Luc, xvi, 22 ; les habitants du ciel se réjouissent à la conversion d’un pécheur, Luc, xv, 7, 10 ; Marthe espère bien retrouver plus tard son frère, Joa., xi, 24 ; Jésus, ripostant aux Sadducéens, Matth. xxii, 30, dégage la société des élus des appétits grossiers que l’état de gloire ne comporte plus ; mais suppose expressément que les élus se retrouveront.

La tradition propose également cette vérité. On peut en trouver les témoignages explicites aux art. Ciel et Communion des saints. La société des saints et des anges, comme faisant partie du bonheur des élus, est insinuée ou affirmée dans la Didachè, xvi, 7 ; par S. Clément, ! ’Cor., xxxiv, xxxv ; par Hermas, Paslor, Sim., ix, 27, 3 ; Vis., ii, 7 ; par S. Polycarpe, Ad Phil., ii, l ; v, 2 ; dans Y É pitre àDiognèie, vi, 3 ; v, 5, 9 ; par S. Justin, Apol., ii, 1 ; Dial. cuni Tryph., 56 ; LTepl àvaaTaasfoç, 7, P. G., t. vi, col. 441, 612, 1589 ; par S. Hippolyte, De Aniichristo, 31, 59, P. G., t. x, col. 752, 780 (voir, sur la vraie pensée de S. Hippolyte, d’Alès, La théologie de S. Hippolyi’e, Paris, 1906, p. 179 sq.) ; Clément d’Alexandrie, Pwd., n, 12 ; Strom., VII, 2, P, G., t. ix, col. 541 ; t. viii,

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