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GLOIRE

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Dissertation on the Shekinali ; Vatt, Ghry o/ Christ ; Lcxicons de Lcvy et de Buxtorf.

C. Toussaint.


II. GLOIRE DES ÉLUS. — En soi, la béatitude des élus dans le ciel est l’effet immédiat de la gloire que Dieu leur communique. Voir S. Thomas, Sum. Iheol., ï" II æ, q. iii, a. 3. L’usage autorisé par la sainte fioriture, cf. Job, xxii, 29 ; Prov., iii, 35 ; Rom., v. 18 ; I Cor., xv, 43 ; II Cor., iv, 17 ; Col., i, 27 ; ni, 4 ; I Pet., v, 1, 4, 10, veut cependant, Salmanticenses, Cursus ineologicus, De beetliludinc, a. 3, n. 4, que l’on identifie gloire et béatitude des élus. L’existence de cette gloire ou béatitude a été déjà suffisamment démontrée dans ses fondements scripturaires et développements patristiques, à l’art. Ciel, t. ii, col. 2474 sq. Cette gloire n’est pas simplement humaine, puisque essentiellement elle est une participation de la gloire divine, participation qui rejaillit même sur ses éléments accidentels. I Joa.. iii, 2 ; II Pet., i, 4. Tout en laissant aux articles Béatitude, Benoit XII, Ciel, t. ii, col. 497-515, 657-690, 2474-2511 ; Corps glorieux, t. iii, col. 1879-1906 ; Intuitive (Vision), Mérite, Prédestination, ce qui les concerne dans la question complexe de la gloire des élus, il est nécessaire de faire ici comme une synthèse de tout ce qui se rapporte à ce sujet, en exposant les points qui ne seront pas envisagés ailleurs. —

I. Gloire essentielle. IL Gloire accidentelle. III. Gloire consommée. IV. Degrés de la gloire. V. Gloire et grâce, et questions connexes.

I. Gloire essentielle des élus.

1° Enseignement de l’Église. —

On peut résumer cet enseignement en quatre points, lesquels ont déjà été exposés :
1. La gloire ou béatitude essentielle réside dans la possession du souverain bien, Dieu. Voir Béatitude, t. ii, col. 511, 512 ; Fin dernière, t. v, col. 2496.
2. Cette possession n’est pas une absorption de la substance de l’âme dans l’unité de la nature divine, comme l’ont rêvé certains mystiques à tendances panthéistiques, aux xiiie et xive siècles. Voir Hckart, t. iv, col. 2063, et prop. 10 d’Eckart, condamnée par Jean XXII, Denzinger-Bannwart, n. 510.
3. Cette possession n’exige pas la réunion du corps à l’âme. On a donné de cette vérité les preuves scripturaires et patristiques à Benoit XII, t. ii, col. 673-696. La preuve philosophique, tirée de la psychologie, est indiquée par saint Thomas, Sum. Iheol., P II a’, q. iv, a. 5 ; l’intelligence, dans l’opération de la vision béatifique, sera indépendante de l’imagination. Cf. Suarez, De ullimo fine hominis, disp. XIII ; Lessius, De ullimo fine hominis. q. iv, a. 5, n. 1. C’est parce qu’ils exigeaient la réunion du corps à l’âme pour la béatitude essentielle, que quelques Pères et théologiens, voir Benoit XII, t. ii, col. 657, reculaient jusqu’au jugement l’entrée des élus dans la gloire.
4. Les témoignages de l’Écriture et de la tradition, voir Ciel, t. ii, col. 2474 sq., indiquent que cette possession comporte la vision, l’amour et la jouissance de Dieu par l’âme élue. Benoit XII a résumé l’enseignement scripturaire et traditionnel touchant la gloire essentielle des élus, en affirmant qu’ils « voient… la divine essence d’une façon intuitive et même faciale » et que, « par le fait de cette vision, les âmes de ceux qui sont déjà morts jouissent de la divine essence et par le fait même de cette vision et de cette jouissance, elles sont vraiment bienheureuses et possèdent la vie et le repos éternel. » Denzinger-Bannwart, n. 530. Le concile de Florence, dans le décret pour les grecs, rappelle cette doctrine en modifiant la formule de Benoît XII ; les élus a verront clairement Dieu lui-même, dans son unité et sa trinilé, tel qu’il est. » n. 693.

Tel est l’enseignement authentique de l’Église ; la nature, l’objet, les propriétés des actes béatifiants, constituant l’état de gloire, seront étudiés à Intuitive ( Vision). Dans le présent article, qui concerne la gloire essentielle des élus prise en général, il suffira de compléter cette vue d’ensemble, en rappelant les systèmes théologiques greffés sur l’enseignement authentique de l’Église.

Les systèmes théologiques.


Le magistère de l’Église ayant précisé le dogme de la gloire essentielle des élus en indiquant que cette gloire comportait la vision et la jouissance de Dieu, le travail de la pensée théologique a été, depuis le xiiie siècle, de vouloir préciser davantage encore cet enseignement, et de rechercher l’élément formel ou spécifique de la gloire essentielle des élus. De là des opinions, les unes communément abandonnées, les autres, librement encore disputées.

1. Opinions abandonnées. —

a) Henri de Gand, Quodlibel, XIII, q. xii ; cf. VI, q. vi ; Summa quæstionum ordinari « rum Iheologite, Paris, 1520, a. 45, q. v ; a. 49, q. ï, tout en reconnaissant à l’intelligence et à ! a volonté leurs opérations propres, même dans l’état de gloire, ne voit dans la vision et la jouissance béatifiques qu’une voie vers la gloire, mais non la gloire elle-même, laquelle consisterait, selon lui, dans une irruption immédiate de la divinité dans l’âme, illapsus divinilalis in substantiam animæ. Vasquez, In I’"" 1I V Sum. S.Thomæ, disp. VIII, c. n ; Suarez, De fine ullimo hominis, disp. VI, sect. ii, n. 7, nient que toile soit la doctrine d’Henri de Gand. Mais elle est bien telle ; voir Jean de Saint-Thomas, Cursus théologiens, Paris, 1885, t.v, In II-"" / Sum. S. Thomiv, q. v, de adeptionc bealitudinis, a. 2, n. 1, quoique difficile à comprendre, à cause du mysticisme exagéré de l’auteur ; Salmanticenses, Cursus theologicus, Paris, 1878, t. v, De bealitudinr, disp. I, dub. i, § 3. Parce qu’Henri de Gand maintient les opérations de l’intelligence et de la volonté dans la béatitude céleste, quoique à titre secondaire, sa théorie échappe à la note d’erreur que semblerait, au premier abord, devoirlui infliger la définition de Benoît XII. Médina, O. P., In ! "" IV Sum. S. Thomse, Salamanque, 1582, q. iii, a. 1, pense toutefois qu’elle mérite la note de témérité. Gilles de la Présentation, Dispulaliones de animæ et corporis beatitudine, Coimbre, 1609, 1. IV, q. iv, a. 1, § 3. n. 11, l’absout complètement, et, n. 16, donne le motif de son assertion : le pape Benoît XII n’aurait pas voulu définir autre chose que l’entrée immédiate au ciel des âmes justes ou justifiées ; il ne définit pas que la béatitude essentielle de ces âmes est constituée formelle par une opération de l’âme. Jean de Saint-Thomas, loc. cit., n. 5, est hésitant et avoue ne pas comprendre suffisamment la pensée d’Henri de Gand pour se prononcer.

b) Jean de Ripa, au dire de Capréolus qui le cite, // : IV Sent., 1. III, dist. XIV, q. ï, a. 2, 3, aurait admis que l’âme possède Dieu par la vision de Dieu lui-même, sans aucun intermédiaire créé. La gloire de l’âme serait donc comme une illumination projetée sur elle par l’intelligence divine se connaissant et se glorifiant elle-même. Cf. Suarez, De incarnalione, disp. XXIV, sect. n. Cette théorie, empreinte de mysticisme comme la précédente, semble s’inspirer du pseudo-Denys, De hier, ceci., c. vii, P. G., t. iii, col. 559. Elle est professée par Hugues de SaintVictor, De sapienlia animæ Christi, P. /.., t. clxxvi, col. 851, et cet auteur applique sa théorie à l’âme du Christ. Summa sententiarum, tr. I, c. xvi, col. 74. Saint Bonaventure, Jn IV Sent., 1. III, dist. XIV, a. 1, q. ï, rapporte que cette doctrine mystique plaisait à beaucoup, et Grégoire de Rimini, Exposilio in II Sent., Milan. 1494, dist. VII, q- ii, nous apprend qu’elle fut publiquement soutenue par des docteurs de Paris. Saint Thomas semble la viser dans la Sum. Iheol., P II- 1’, q. ni, a. 1, lorsque, se demandant si la béatitude est quelque chose d’incréé, il conclut négativement, distinguant l’objet de la béatitude de sa possession, c’est-à-dire la gloire fondamentale de la gloire formelle.