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GLOIRE

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I. Dans la théologie.

La théologie s’occupe de la gloire interne et de la gloire extérieure de Dieu.

Gloire interne de Dieu. — Le fondement de cette gloire, c’est l’essence même divine, laquelle est la peifec’tion absolue. La connaissance que Dieu a de lui-même et de ses perfections in Unies engendre la gloire divine interne, prise dans son acception formelle. Et comme tout est un en Dieu, Dieu est sa gloire, il est la Gloire, comme il est l’Être, la Vérité, l’Éternité. Il est la gloire à l’exclusion de tout autre être, parce que seul il est le bien absolu et que seul il peut avoir de ce bien absolu une connaissance parfaite qui entraîne une louange et un honneur adéquats. S. Thomas, Expositio omnes S. Pauli epistolas, in Epist. ad Hebneos, c. i, lecl. ii,

La gloire, ayant sa raison formelle dans la connaissancefqui procède de l’intelligence, c’est au Fils, qui procède du Père selon l’intelligence, que l’on rapporte plus spécialement la gloire dans la Trinité. Il est le rayonnement de la gloire du Père, Heb., i, 2 ; cf. Sap., vu ; 26, et le ps. messianique xxiii, 7, 10. Voir F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, t. i, p. 520 ; J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910, t. i, p. 346 sq.

Cette gloire interne de Dieu est nécessaire : Dieu ne peut pas ne pas la vouloir ni la chercher, puisque cette gloire, c’est lui-même, nécessairement connu et aimé de lui-même. Cf. S. Thomas, Sum. Iheol, I » , q. xix, a. 3 ; De veritate, q. xxiii, a. 4.

2° Gloire extérieure de Dieu. --La gloire interne eût pu suffire à Dieu, car, comme Dieu, elle est infime et on ne lui peut rien ajouter. Lessius, De perlectionibus moribusque divinis, loc. cit. Mais cependant, sans rien ajouter au bonheur de Dieu, la gloire peut se manifester à l’extérieur par des créatures qui rendent témoignage à la bonté du créateur. Cette gloire extérieure n’est pas nécessaire d’une nécessité absolue, la création étant un acte essentiellement libre, voir Création, t. iii, col. 2139-2150 ; mais elle est nécessaire d’une nécessité hypothétique. Voir Absolument, 1. 1, col. 137138. Étant donné qu’il existe des créatures, ces dernières ne peuvent pas ne pas être ordonnées à la gloire extérieure de Dieu comme à leur fin dernière. Voir Création, t. iii, col. 2167 sq. ; Fin dernière, t. v, col. 2485. C’est là une vérité de foi, définie par le concile du Vatican, sess. iii, De Deo, rerum omnium creatore, can. 5, Denzinger-Bannwart, n. 1805.

1. Gloire extérieure objective ou fondamentale. — Les créatures inintelligentes ne peuvent être ordonnées qu’à la gloire extérieure fondamentale ou objective, puisqu’elles resteront toujours un simple reflet des perfections divines et ne pourront apporter par elles-mêmes à Dieu le tribut d’une louange ou d’un amour voulus et conscients. Elle manifesteront donc simplement la bonté et l’excellence de Dieu au regard des créatures intelligentes.

2. Gloire formelle extérieure. Les créatures intelligentes — il faut se rappeler que leur existence, même dans l’hypothèse de créatures intelligentes déjà existantes, n’est pas certainement nécessaire, voir Création, t. iii, col. 2168 — sont données à la gloire extérieure formelle de Dieu, parce qu’étant douées de raison, elles peuvent et doivent reconnaître la bonté du créateur, reflétée dans les créatures, et en exprimer à Dieu leurs louanges et leur gratitude. Cf. I Cor., xi, 7. Voir les textes des Pères, t. iii, col. 2165-2166. Citons toutefois ou rappelons, comme se rapportant plus directement à la question présente, S. Grégoire de Nazianze, Orat., xxxviii, c. ix, P. G., t. xxxvi, col. 320 ; Tertullien, Apologeticus, c. xvii, /’. L., t. i, col. 375 sq. ; S. Théophile, Ad Aulol., 1. I, c iv sq., P. G., t. vi, col. 1029 sq. ; S. Jean Chrysostome, In Epist. 1 ad Cor., homil. v, n. 2, P. G., t. lxi,

co !. 41-42 ; S. Grégoire de Nysse. In verba : Faciamus homincm, homil. ii, P. G., t. xliv, col. 277 sq. ; surtout Athénagore, voir Création, t. iii, col. 2165-2166, et Lactance, De via Dei, c. xiv, P. L., t. vii, col. 122 sq.

La distinction entre la gloire fondamentale, fin des créatures inintelligentes, et la gloire formelle, fin des créatures intelligentes, est esquissée par saint Thomas, Sum. theol., I", q. lxv, a. 2, et mieux marquée par Lessius, loc. cil. Cf. A. Ferretti, Institutiones philosophie moralis, Rome, 1899, t. i, th. m ; D. Palmieri, Traclatus de creatione, Prato, 1910, th. xi.

A. Michel.

IL Dans l’Écriture et chez les juifs. — Un coup d’œil même rapide sur une concordance montre la grande place qu’occupe l’expression gloire de Dieu dans la littérature biblique. Peu de mots se trouvent aussi souvent répétés dans les saints Livres, surtout dans l’Ancien Testament. Il en est peu aussi qui aient une valeur comparable pour qui veut approfondir l’histoire de la théodicée dans la religion d’Israël. C’est à ce point de vue que nous nous placerons de préférence, sans négliger toutefois l’usage parallèle qu’en ont fait les auteurs du Nouveau Testament. D’une façon générale, le mot gloire de Dieu, tel qu’on le trouve dans la Bible, peut se ramener à deux significations principales, l’une sortant de l’autre par voie d’analogie d’attribution. Le premier sens, Vanalogue principal, s’identifie avec la manifestation de Dieu à ses créatures, dans la nature et dans l’histoire ; le second, analogue dérivé, avec la manifestation de la créature à l’égard de Dieu. Les deux sens s’appellent et se répondent ainsi d’une manière symétrique. L’intérêt se porte, de toute évidence, vers la première signification, l’autre n’étant qu’accessoire. On va en suivre les diverses vicissitudes à travers l’Ancien Testament, la théologie juive postexilienne et le Nouveau Testament.

Dans l’Ancien Testament.

L’expression gloire

de Dieu correspond à ce que les anciens Hébreux appelaient kâbôd Yehôvâh, c’est-à-dire la lumière éblouissante qui, dans les théophanies, révélait la présence de Jahvé. Cette conception fut empruntée, dès l’origine, aux éclairs et aux traits de feu de l’orage. La tradition israélite, aussi loin qu’on puisse la saisir, a coutume d’associer les apparitions divines aux phénomènes météréologiques. Jahvé est essentiellement, pour les Hébreux, un Dieu de flamme, Exod., xix, 19 ; le tonnerre est sa voix, à ce point que l’hébreu n’a pas, pour désigner la foudre, d’autre mot que celui de qôl lahvê, voix de Jahvé. Ce Dieu a pour vêtement la nuée sombre, Ps. cxvi, 21, pour armes de vengeance, la grêle et les traits de la foudre. Exod., ix, 23, 24, 29 ; Ps. xvii, 13. Il n’apparaît jamais sans orage et sans tremblement de terre. Sa demeure principale, même après le séjour des Israélites dans le désert, est toujours le Sinaï. Jud., v, 5. Là, il réside au sein de la foudre ; de là, il accourt avec fracas quand son peuple a besoin de lui. Il vient du sud, du côté de Séïr et de Pharan, Deut., xxxiii, 2 ; il éclate comme une aurore boréale ; la terre tremble, c’est le signal des jugements qu’il va exercer pour venger Israël. Cf. Jud., v, 4 ; Ps. lxvii. Deux psaumes, xvii et xxviii, d’une très haute antiquité, réunissent à merveille toutes ces images et ces conceptions ; les lire in extenso dans la belle traduction de M. Pannier, Le nouveau psautier du bréviaire romain, Lille, 1913, p. 70, 82. On les retrouve éparses, mais toujours les mêmes, dans tout le cours de l’histoire sacrée. Ainsi, sur le seuil du paradis terrestre, c’est un feu vengeur qui en interdit l’accès à Adam et Eve après leur faute. Geu., ni, 24. C’est sous l’apparence d’une flamme que Dieu se révèle à Abraham. Act, vii, 2 ; Gen., xv, 17. Au temps des patriarches, on se représente Jahvé mangeant le sacrifice, au moment où la flamme dévore la victime,