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HINCMAR


la Vierge, non d’une façon naturelle, mais clauso utero. Sirmond, t. i, p. 631, 762, 767. Il composa aussi un livre sur la vénération des images du Sauveur et des saints, mais le titre seul nous en a été conservé.

A part ces quelques détails on ne trouve point chez Hincmar des conceptions théologiques particulières. Il est un théologien positif qui ne s’appuie que sur l’autorité des Pères et de l’histoire.

Hincmar eut deux occasions de montrer ses vastes connaissances du droit canon. La première lui fut fournie par les évêques. de Lorraine qui, en 860, lui posèrent d’abord vingt-trois questions, puis sept autres au sujet de la répudiation par Lothaire de son épouse Teutberge. Il fit droit à leur demande et écrivit son De divorlio Lolharii et Teutbergse, P. L., t. cxxv, col. 623, où, sans se laisser influencer par la personnalité de l’époux qui était en jeu, il posa avec clarté et précision les règles sévères de la doctrine. On le sent sur son propre terrain. Ses décisions sont basées sur la Bible et ses exégètes et sur le droit canon. Il s’appuie même sur certaines pratiques de la vie quotidienne qui témoignent d’une superstition incroyable. Interrog. 15, P. L., t. cxxv, col. 716 sq. Cf. Neues Archiv der Gesellschafl fur altère Gcschichtskunde, 1905, p. 693701 ; Revue des questions historiques, 1905, p. 5-58. Vers la même époque parut aussi son ouvrage : De coeicndo et cxstirpando raptu viduarum, pucllarum ac sanctimonialium, P. L., t. cxxv, col. 1077, adressé au roi.

Mais nulle part ne s’étale avec autant d’ampleur et de suite sa science du droit canon que dans son Opuseulum LV capitulorum, P. L., t. cxxvi, col. 290494, dans lequel il combat son neveu, Hincmar de Laon, qui, à l’aide du pseudo-Isidore, réclamait l’indépendance des évêques vis-à-vis de leur métropolitain. Il est regrettable que dans cette lutte il ne se soit pas contenté de la plume, mais qu’il ait procédé avec une certaine cruauté à l’égard de l’évêque révolté. Aussi est-il jugé par les auteurs de l’Histoire littéraire de la France avec une sévérité compréhensible.

Dans ses théories sur les relations du pouvoir ecclésiastique et du pouvoir civil, il est nettement pour la subordination du second vis-à-vis du premier. Cf. M. X. Arquillière, art. Gallicanisme, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Paris, 1911, t. il, col. 240-241.

Mais tous ces travaux ecclésiastiques n’absorbèrent point son activité intellectuelle. Les questions purement politiques l’occupèrent aussi. C’est ainsi qu’il écrivit : De régis persona et regio ministerio, P. L., t. cxxv, col. 833 ; De fide Carolo régi servanda, col. 961 ; Pro institulione Carlomanni, col. 993.

Il s’essaya aussi dans la versification et nous avons de lui quelques poèmes.

Des nombreuses lettres d’Hincmar il ne reste qu’environ 80. Mais leur importance dépasse celle d’une correspondance privée, car beaucoup traitent de questions religieuses et politiques et s’adressent au roi, au pape ou à des synodes et agitent de grands problèmes. P. L., t. cxxvi, col. 9 sq.

Hincmar fut aussi historien. Ce titre, cependant, il ne le mérite point par la Vie de saint Rémi. P. L., t. cxxv, col. 1129, qu’il écrivit en 878. Elle n’est, en effet, qu’un ouvrage d’édification et un développement souvent subjectif de la Vie composée par Fortunat. C’est une œuvre historique tout à fait inférieure.

Il se montre sous un jour meilleur dans les Annales de Saint-Bertin, dont il fut le continuateur de 861 à 882. Il mêle aux faits des considérations générales qui témoignent d’une ampleur de vue considérable et d’un esprit pénétrant. Mais on y retrouve son style compliqué et maniéré, qui nuit à la clarté de l’exposition.

Sa vie extrêmement agitée s’acheva le 21 décembre 882. Il avait composé lui-même les vers qui devaient orner son tombeau.

Flodoard, Historia Remensis ecclesiæ libri III, dans Monumenta Germaniæ, Scriplores, t. un, p. 475 sq. ; Histoire littéraire de la France, t. v, p. 544-594 ; Gess, Merkwiïrdigkeilen aus déni Leben und den Schriften Hinkmars, 1806 ; C. Diez, De Hincmari vita et ingenio, Sens, 1859 ; Noorden, Hinkmar, Erzbischof von Reims…, Bonn, 1863 ; Loupot, Hincmar, archevêque de Reims, sa vie, ses œuvres, son influence, Reims, 1869 ; Vidieu, Hincmar de Reims, Paris, 1879 ; Sdraleck, Hinkmars von Reims kanonistisches Gutachten ùber die Ehescheidung des Kônigs Lothar II, Fribourgen-Brigsau, 1881 ; Schrors, Hinkmar von Reims, sein Leben und seine Schriften, Fribourg-en-Brisgau, 1884 ; Gundlach, dans Zeitschrift fur Kircliengeschichte, t. x, p. 93-258 ; Lesne, Hincmar et l’empereur Lothaire, étude sur l’Église de Reims au IXe siècle, Paris, 1905 ; Manitius, Ilandbuchder klassischen Altcrtumswissenchaft, Munich, 1911 ; Hurter Nomenclator, Inspruck, 1903, t. i, col. 801-806. Sur les querelles avec Gottescale, Mabillon, .4c/a sanctorum ordinis S.Renedicli, t. iv 6, p. lviii-lxxiv ; H. Freystedt, dans Zeitschrift fur Kirchengeschichle, 1897, t. xviii a, p. 161 et 529, et dans Zeitschrift fur wissenschuflliche Théologie, 1892, t. xxxvi ; Hefele Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1911, t. iv a, passim, spécialement p. 197-206, 220-227, 232-237.

H. Netzer.

    1. HINCMAR##


2. HINCMAR, évêque de Laon, naquit dans le Boulonnais. Il était par sa mère le neveu de l’archevêque de Reims, Hincmar, qui se chargea de son éducation. A la mort de Pardule, évêque de Laon et grand ami de sou oncle, le jeune clerc fut élevé à l’épiscopat et succéda à Pardule (début de 858).

Sa vie peut se résumer dans la lutte qu’il soutint contre son oncle. L’évêque de Laon, en effet, s’éleva contre les prétentions d’Hincmar de Reims qui tendaient à augmenter de plus en plus la dépendance des suffragants vis-à-vis du métropolitain. Il revendiqua àprement le droit des évêques en s’appuya nt sur le pseudo-Isidon. Emprisonné quelque temps par Charles le Chauve pour avoir défendu les biens ecclésiastiques contre les usurpations royales et avoir refusé de reconnaître la compétence des tribunaux civils dans les conflits ave ; les évêques, il jeta l’interdit sur son diocèse pour la durée de sa captivité. Son oncle leva cette peine et la lutte sourde allait devenir violente.

Elle éclata à l’occasion de la fête célébrée à Gondreville pour la prise de possession de la Lorraine par Charles (novembre 869). Hincmar de Laon y publia pour sa défense une collection de textes tirés du pseudo-Isidore, P. L., t. cxxiv, col. 1001-1026. Son oncle lui répondit par son Opuseulum LV capitulorum, P. L., t. cxxvi, col. 290-494, dans lequel il porte une foule d’accusations contre son neveu. Toutes les tentatives de réconciliation furent vaines et Tévêque de Laon reprit la plume contre son métropolitain pour l’attaquer de la façon la plus acérée. P. L., t. cxxiv, col. 1027-1070.

Le synode de Douzy (août 871), que présidait Hincmar de Reims, appela la cause à son tribunal. L’évêque de Laon fut déposé et privé du droit de remplir toute fonction sacerdotale.

Adrien II, à qui Hincmar en avait appelé, demanda la revision du procès et exigea de surseoir à la nomination d’un successeur. L’archevêque de Reims et les évêques français protestèrent contre cette décision du pape, qui cessa toute intervention dans l’affaire. Jean VIII, à l’occasion du couronnemsnt de Charles le Chauve (Noël 875), approuva la déposition d’Hincmar, qui fut exilé et emprisonné un certain temps. Le comte Bezon de Vienne lui fit crever les yeux et ce n’est que sur l’intervention, auprès de Jean VIII, des évêques réunis en concile à Troyes (août 878) que son sort fut adouci. On lui rendit une partie des