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HILAIRE (SAINT ;


tion s’étend-elle aussi à la science humaine du Christ ? La question se pose à propos du texte : De die autem Mo vel hora nemo scit ; neque angeli in cselo, neque Filius nisi Pater, Marc, xiii, 32, objecté par les ariens. Il faudrait répondre par raflirmative s’il était prouvé que, d’après Hilaire, Notre-Seigneur s’attribue une ignorance réelle ; mais la preuve n’est pas faite. Dans le long passage où il discute l’objection arienne, le saint évêque nie catégoriquement une telle ignorance. De Trinitate, IX, 58-75, col. 328-342. Il ne nous dit pas, il est vrai, s’il entend parler de Jésus-Christ à la fois comme Dieu et comme homme ; la plupart des considérations qu’il propose s’appliquent même au Dieu ; mais quelques-unes valent aussi de l’homme, celle-ci par exemple, n. 59, col. 329 : Hanc Me diem ignorât, cujus et in se lempus est, et per sacramentum ejus est ? Etenim adventus sui dies iste est, de quo apost’lus (Col., ni, 4) ait : Cum autem Christus appartient vita vestra, tune et vos cum eo apparebilis in gloria. Les textes qu’on peut opposer sont inefficaces. Les deux principaux, De Trinitate, IX, 73, Non ergo, et X, 8, col. 348, sont d’une authenticité plus que douteuse. Si, dans un autre endroit, le commentateur rattache au dépouillement du Christ l’ignorance dont il a fait profession : qui se forma Dei évacuons ac formam servi assumens, infirmum naturce nostree hominem usque ad ignoratie diei atque horæ scienliam sit professus, In ps. cxlii, 2, col. 838, rien n’indique qu il s agisse dune ignorance réelle ou intérieure, et non pas d’une ig orance apparente ou extérieure : non ignorationis infn mitalem, sed tacendi dispens.tion m. De Trinitate, X, 8, col. 348. Cf. A. Beck, op. cit., p. 200 sq., 210.

Durée de l’union hypostalique.

Nul doute que

saint Hilaire ne soutienne, en principe, la perpétuité de l’union entre le Verbe et la nature humaine qu’il a prise : naturam carnis nostrse jam inseparabilem sibi homo natus assumpsil, mansuro in seternum in Deo homine. De Trinitate, VII, 13 ; IX, 7, col. 246, 286. Il y avait là, dans les principes du saint docteur, une condition essentielle à l’œuvre rédemptrice ici-bas, et la glorification suprême de Jésus-Christ, succédant à la période de dépouillement, n’exigeait pas moins impérieusement la présence au ciel de son humanité sainte, puisque cette glorification devait avoir pour sujet l’Homme-Dieu : cum glorifica : i se rogat, non utique natune Dei, sed assumptioni humanitatis hoc proficil.De Trinitate, X, 7, col. 348 ; In ps. cxliii, 17, col. 846.

Quelques textes n’en ont pas moins donné lieu à deux difficultés d’inégale importance. La première est d’une portée restreinte, car elle concerne le seul corps du Sauveur, pour le court espace de temps qu’il resta privé de vie et mis au tombeau. Séparé alors de l’âme, le fut-il aussi du Verbe ? Hilaire semble l’affirmer dans son interprétation du premier cri jeté par Notre-Seigneur en croix, un peu avant sa mort : Clamor vero ad Deum, corporis vox est, recedentis a se VerbiDei contestata dissidium, In Malth., xxxi, 6, col. 1074 sq. ; cf. In ps. liv, 12, 361 : ipsehuic emortuo et intra sepulchrum reliclo corpori divinæ naturse sunt tribui consortium. Il y eut don<- abandon du corps par le Verbe. Mais s’agit-il d’un abandon absolu, en vertu duquel le Verbe aurait suspendu momentanément son union personnelle avec le corps mourant, ou s’agit-il seulement d’un abandon relatif, consistant en ce que le Verbe, acceptant la séparation de son âme et de son corps, aurait par le fait même livré à la mort ce der ; ier, cui discessio immortalis animie mors est ? Inps.cxxxi, 9, col. 734. Pris en lui-même, le texte peut s’interpréter et a été, de fait, interprété dans les deux sens ; mais la seconde interprétation, donnée par Coustant, P. L., t. ix, col. 1073, note g ; Wirthmiïller, op. cit.,

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p. 71, et autres, trouve un point d’appui positif dans cet autre passage, De Trinitate, IX, 62, col. 391 : Habes in conquerenle ad mortem relictum se esse, quia homo est. Du reste, quoi qu’il en soit de la glo>e con^ tenue dans le commentaire sur saint Matthieu, c’est dans le traité De Trinitate, postérieur en date et proprement théologique, qu’il faut chercher la pensée définitive de l’évêque de Poitiers. Elle n’est pas douteuse, car il affirme avec beaucoup de relief l’unité d’être ou l’identité personnelle entre le Christ et son corps inanimé : spoliata enim caro Christus est morluus ; neque alius est commendans spiritum et exspirans, neque alius est sepultus et resurgens, De Trinitate, IX, 11 ; X, 63, col. 290, 392 ; cf. In ps. cxxxi, 9, col. 734 : unigenito et in corpore manenti Deo (mors) requies fuit. Sur toute cette question, voir Coustant, Prasf. gen., c. iv, § 4, n. 160-181, col. 78 sq.

L’autre difficulté, d’une portée plus générale et largement traitée par le même écrivain, § 5, n. 182187, 191-194, col. 87-95, se rapporte à l’humanité glorifiée. Saint Hilaire distingue trois états du Christ : antehominem, in homine, post hominem. Inps. cxxxviii, 19, col. 802 ; De Trinitate, IX, 6, col. 285. Dans le premier, Jésus-Christ est Dieu, ante hominem.Deus ; dans le second, il est Homme-Dieu, homo et Deus ; dans le troisième, il se retrouve simplement Dieu, nunc Deus tai.tum. De Trinitate, X, 22 ; X I, 40, col. 360, 425. Seraitce que l’humanité glorifiée disparaîtrait, absorbée par la divinité ? Dans ce cas, l’union hypostatique disparaîtrait aussi, pour faire place à une confusion de nature, comme dans la doctrine monophysite. Des textes comme celui-ci : susceptus homo in naturam diviniialis accepius, In ps. ixr, 12, col. 429, sembleraient, au premier aspect, présenter ce sens. Après ce qui a été dit ci-dessus du dépouillement du Christ, la difficulté se réduit à une question de terminologie. L’état dénommé par Hilaire post hominem ne signifie rien autre chose que l’état du Sauveur glorifié, alors qu’ayant quitté la « forme de serviteur » , revêtue ici-bas, il a repris au ciel, en toute sa personne, la « forme de Dieu » , l’état de gloire propre à quelqu’un qui est Dieu. Le nunc Deus tantum signifie qu’au ciel Jésus-Christ est purement et simplement en « forme de Dieu » , De Trinitate, IX, 38, col. 310 ; il ne signifie nullement que la nature humaine disparaît. Voici en effet l’explication qui suit immédiatement, XI, 40 : non abjecto corpore, sed ex subjcclione translate ; neque per defectionem abolite, sed ex clarificatione mutalo ; cf. IX, 6, col. 285 : tolus homo, totus Deus. Ce qui disparaît, ce n’est pas la nature humaine prise en elle-même ; ce sont toutes les imperfections qui s’attachent à cette nature non glorifiée et que la « forme de serviteur » suppose : ut in Dei virtutem et spiritus incorruptionem transformata carnis corruptio absorberetur, De Trinitate, III, 16, col. 85 ; corruplionis scilicet natura per profectum incorruptionis absorpla. In ps. cxxxviii, 23, col. 804. Rien de plus propre à confirmer cette conclusion, que la manière dont le docteur gaulois interprète le texte de saint Paul, ICor., xv, 24-25 iDeinde finis, cum tradiderit regnum Deo et Patri, etc., dont Marcel d’Ancyre, au rapport d’Eusèbe, Contra Marcellum, ii, 4, P. G., t. xxiv, col. 314 sq., abusait étrangement pour soutenir qu’après le jugement dernier, le Verbe se dépouillerait de la nature humaine. Les mots : Deinde finis, etc., signifient la consommation ou l’état définitif des élus, et non pas la fin du Christ en tant qu’homme ; le Christ restera chef, dans son humanité glorifiée, de tous les élus glorifiés avec lui. De Trinitate, XI, 39, col. 424 ; In ps. ix, 4 ; lxi, 5, col. 393, 424. Voir Coustant, loc. cit., § 6, col. £5 sq.

4° Conception de Jésus-Christ ; virginité et maternité de Marie. — Que Jésus-Christ, Fils de Dieu, ait été conçu et enfanté par Marie, et par Marie vierge, c’est

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