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HILAIRE (SAINT’2420

Fôstcr, op. cit., p. i 71. Cette manière de voir n’a pas paru certaine au l) r A. Beck, Die Lettre tics ht. Ililarius von Poitiers utul Teriullian’s ùber die Enlslchung der Seelen, dans Philosophisches Jahrbuch, Fulda, 1900, t. xiii, p. 37-44. D’après l’évêque de Poitiers, pense-t-il, les i.mes des descendants d’Adam ne seraient pas créées immédiatement par Dieu ; car, bien que les âmes ne soient point transmises par voie de génération, comme les corps, néanmoins celui qui engendre produit tout entier l’être, semblable à lui-même, dont il est le père. De Trinitatc, VII, 28 ; X, 19-22, col. 224, 357. De là vient que le saint docteur a cité, parmi les mystères de l’ordre naturel, l’origine de l’âme avec d’autres productions non créatrices, telle que la formation du corps. In ps. XCI, 3, 4 ; CXXIX, 1, col. 495 sq., 719. Mais cette interprétation de la doctrine hilarienne reste fort contestable. Dans le second passage invoqué, le seul qui ait une réelle importance, l’auteur du De Trinitatc soutient que Notre-Seigneur, cemme homme, nous est consubstantiel, quoiqu’il ne tienne activement d’Adam ni son corps ni son âme, l’un et l’autre ayant été produits par le Saint-Esprit. Il ajoute : Quasi vero si lanhun ex Virgine [assumpsissel corpus, mots omis dans lé.lition de Migne], assumpsisset quoque ex cadem et animant, cum anima omnis opus Dei sit, carnis vero generatio semper ex carne sit, etc. Phrase dont voici le sens : « Comme si, dans l’hypothèse où Jésus-Christ aurait tenu son corps de la Vierge seule (c’est-à-dire sans l’opération du Saint-Esprit), il aurait aussi reçu d’elle son âme ; car toute âme est l’œuvre de Dieu, alors que la chair est toujours engendrée de la chair. » Rétablie ainsi, l’argumentation d’Hilaire confirme, en réalité, la production immédiate de l’âme humaine par Dieu. Coustant, Præjat. gen., n. 250, col. 118.

Destiné à partager la béatitude même de Dieu, mais devant en mériter ici-bas la possession en faisant un bon usage de sa liberté et en se servant des créatures pour connaître et vénérer son créateur, l’homme avait été d’abord constitué dans un état privilégié de justice, de félicité et de paix. In p.. ii, 15 s. ; CXVIII, litt. x, 1, col. 270, 564. Hilaire fait allusion à ces heureux débuts quand il parle de notre vie actuelle, sujette à tant de misères, comme venant d’Adam, mais n’ayant pas commencé avec lui : ab Adam namque ista icepil, non cum Adam inchoata est. In ps. cxlv, 2 ; cf. cxlix, 3, col. 865, 886. Si le saint docteur n’établit pas de ligne de démarcation entre ce qui, dans l’ensemble des dons primitifs, se rattachait à la nature ou revenait à la grâce, il n’en suppose pas moins évidemment l’existence de cette dernière. Quand il considère l’œuvre de la réparation, il y voit le recouvrement de la perfection primitive, et notamment de la grâce : Sed rursum Dei gratta imperlita gentibus, postquam in aquee lavacro fons vivus cffluxil. In Matth., xii, 23, col. 992. L’homme atteindra le terme suprême de sa destinée quand, par la pleine connaissance de Dieu, il obtiendra la consommation de l’image divine en son âme. £j Trinilate, IX, 49, col. 432 sq.

m. Trinité. — L’analyse des écrits dogmatiques de saint Hilaire nous a donné une idée générale de son enseignement sur le mystère fondamental de la foi chrétienne. Plusieurs points de cet enseignement ont été attaqués. Érasme et quelques autres s’en prirent d’abord à la doctrine relative au Saint-Esprit, dont l’évêque de Poitiers n’aurait pas nettement, ou du moins expressément, affirmé la divinité. De nos jours, l’attaque a porté plutôt sur la personnalité ou distinction réelle de la même personne. Comme, d’après Hilaire lui-même, le terme à’Esprit S inl s’applique soit au Père, soit au Fils, ceux des théologiens protestants qui ont prétendu découvrir dans les premiers siècles de l’Église une croyance « binilaire » , par opposition à la croyance « trinitaire » , ont été naturellement

portés à interpréter en ce sens la doctrine d’Hilaire, soit en général, soit dans son commentaire sur saint Matthieu, composé avant qu’il n’eût subi l’influence de la théologie orientale ; voir, par exemple, Loofs, art. Ililarius von Poitiers, dans RcalencijklopàJie fiir proleslantische Théologie und Kirche, 3e édit., t. viii, p. 60 sq. Si ces critiques étaient fondées, ce ne serait pas seulement la personne du Saint-Esprit, ce serait la notion même de la Trinité chrétienne qui serait en cause.

L’enseignement relatif à la personne du Fils a donr.é lieu à une attaque non moins grave. Elle se rattache a une thèse singulièrement audacieuse : la doctrine de la consubstanlialité, entendue dans le sens où elle a fini par prévaloir dans l’Église, aurait eu pour père Basile d’Ancyre, le chef du parti homôousien. Voir Arianisme, t. i, col. 1839 ; Basile d’Ancyre, t. ii, col. 462 sq. Saint Hilaire qui, pendant son exil, entretint des relations d’amitié avec cet évêque, aurait l’un des premiers subi son influence, assimilé 1’ôp.ooûato ; nicéen à I’ôlioio’jct’.oç basilien et, de la sorte, « trouvé dans l’interprétation homoïousienne de YôpooÙGios le point de jonction de la théologie orientale et des lormules occidentales » . J. Gummerus, Die Homôusianische Partie bis zum Tode des Constantius, Leipzig, 1900, p. 114 ; ouvrage analysé et discuté par G. Rasneur dans la Revue d’histoire ecclésiastique, Louvain, 1903, t. iv, p. 189-260, 411-431 : L’homoio : sianisme dans ses rapports avec l’orthodoxie, deux articles, dont le second porte directement sur la question hilarienne. Les preuves apportées sont : la parenté doctrinale d’Hilaire et des homéousiens ; son attitude à leur égard pendant son stjour en Asie Mineure ; surtout le traité De synodis. Car l’évêque de Poitiers y justifie ou excuse les multiples professions de foi émises en Orient depuis le concile de Nicée ; il y accepte ou laisse passer des formules qui s’arrêtent à l’unité spécifique du Père et du Fils, ou qui subordonnent le premier au second, ou qui attribuent la génération du Verbe à la volonté du Père ; enfin il y défend expressément l’ôuccoûato ;, c. lxxii sq. — Telle est l’attaque. Ce qu’elle vaut, un exposé succinct du véritable enseignement de saint Hilaire le fera voir.

l u Croyance trinitaire. — Dans le commentaire sur saint Matthieu, ii, 6, col. 927, l’évêque de Poitiers signale la manifestation symbolique des trois personnes divines au baptême de Notre-Seigneur. Plus loin, xiii, 6, col. 991 sq., il applique mystiquement au « mystère de la foi, celui du Père, du Fils et du Saint-Esprit en leur unité » , la parabole du levain qu’une femme prend et mêle dans trois mesures de farine. Mais c’est à la formule baptismale, Matth., xxviii, 19, qu’il rattache l’expression distincte et le fondement principal du « mystère de la Trinité régénératrice » : Baplizare jussit in nomine Patris et Filii et Spirilus Sancti, id est, in con/essione et Auctnris, et Unigeniti, et Doni. De Trinilate, I, 36 ; II. 1, col. 48-50. Ou encore, « mystère de la Triade » , sacramentum Triadis quæ a nostris Trinitas est nuncupala. Instrurlio psalm., 1 3, col. 210. Qu’aux yeux du saint docteur le Père, le Fils et le Saint-Esprit soient des réalités distinctes ou des termes subsistants, la chose est manifeste par cela’seul qu’aux sabelliens, réduisant ces termes à trois déni minai ions diverses d’une seule et même personne, il oppose la foi catholique, d’après laquelle aux trois noms correspondent des réalités distinctes. De Trinilate, I, 21 ; II, 5, col. 39. 54. Aussi, parlant des trois hypostascs que les eusébiens affirmèrent en 3Il au synode d’Antioche in encœniis, voir Arianisme, t. i, col. 1810, il justifie l’expression en l’interprétant dans le sens, plus accessible à des esprits latins, de trois personnes ayant chacune leur subsistance propre : tres substanlias esse dixerunl.