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HILAIRE (SAINT


estime et vénération fondées non seulement sur l’ancienneté de cette version, mais encore et surtout sur les prérogatives qu’il attribuait à ses auteurs. S’il ne parle pas des légendaires cellules, ni d’inspiration proprement dite, il tient du moins ces interprètes pour les successeurs des soixante-dix vieillards auxquels Moïse avait confié l’explication de la Loi et qui, en conséquence, possédaient une science spirituelle et

te pour pénétrer le sens intime des psaumes. Inslructio,

8 : cl. lnps.il, 2, 3, col. 238, 262 sq. Rien dedoctrinal, assurément, dans cette manière de voir. Plus importantes sont les citations bibliques qui se rencontrent dans les écrits du docteur gaulois ; comme il se servait d’un texte latin antérieur à la revision de saint Jérôme, ces citations fournissent un apport apprêciable à l’histoire de l’ancien texte biblique. Des études spéciales indiquées ci-dessus, col. 2402, il résulte que le texte utilisé par l’évêque de Poitiers diffère de celai quon lit dans le psautier romain et des autres textes courants ; d’après les conclusions de F.-J. Bonnassieux, op. cit., p. 124 sq., il faudrait regarder le texte t comme un témoin très ancien de la recension dite irlandaise » . En réalité, ce n’était ni le texte africain ni le texte italien, mais un texte « européen » , généralement usité en Gaule au ive siècle. H. Jeannotte, Le psautier de saint Hilaire de Poitiers, Paris, 1917.

4° Interprétation. — Du point de vue exégétique, les commentaires sur saint Matthieu et sur les psaumes présentent un intérêt particulier à un double titre : ils comptent parmi les plus anciens monuments du genre, et ils ont grandement contribue à introduire en Occident la méthode d’interprétation spirituelle ou allégorique, destinée à un si brillant avenir. Le fondement de cette méthode, pour saint Hilaire, c’est la distinction entre le texte pris au sens obvie, simpliciter intellectus, et considéré plus à fond, inspectus interius, d’après les diverses notions ou relations dont les choses et les actions directement signifiées ou exprimées par la lettre sont susceptibles ; de là résulte un sens plus relevé, auquel le docteur gaulois s’arrête de préférence : rclictis his quæ ad communem inlclliyentiam patent, causis interioribus immoremur. In Malth., xii, 12, col. 987. En d’autres termes, au delà du sens historique ou grammatical, qui s’attache à la lettre et qui est le sens vulgaire, il y a un sens profond, qui s’attache non plus à la lettre elle-même, mais à la chose signifiée ou à l’action exprimée par la lettre ; sens qui reçoit les épithètes de spirituel, intérieur, typique, céleste : epi ituli, ii tclligentia, In ps. cxix, 2, col. 043 ; inlrrior intelligenlia, interioris significantise inleltigentia, ordotypicæ significantise, cselestis intelligentia. In Matlh., ii, 2 ; viii, 8, 9 ; xx, 2, col. 924, 957, 1028.

Nettement formulée et couramment appliquée dans le commentaire sur saint Matthieu, la mélhode d’interprétation allégorique est encore plus accentuée dans le commentaire sur les psaumes. Coustant, Admonitio, 8-12, col. 224 sq. Là saint Hilaire considère l’Ancien Testament tout entier comme une prophétie et une ligure du Nouveau, surtout du Fils de I >ieu fait homme. Sunt emm universa allegoricis et ti/picis eontexta virtutibus, per quæ omnia unigeniti Dei filii in corpore… særamenta panduntur. Instruetio, 5, col. 235. Comparer la phrase du Liber mysteriorum citée ci-dessus, col 2401 sq. "Aussi, en niant le Christ, les hérétiques ont perdu la clef qui ouvrj à l’esprit la pleine intelligence des saintes Écritures. Ibid., 6, col. 230. Non pas que tout doive s’appliquer directement à Notre-Seigneuret à son œuvre, car Hilaire rejette cette supposition comme excessive, mais en ce sens que tout se rapporte îiu moins indirectement à ces objets. D’ailleurs, nulle opposition entre le sens littéral et le sens spirituel : est seulement rejetée l’opinion de ceux qui voudraient

s’en tenir à une méthode d’interprétation purement ou exclusivement littérale. In ps.Liv, 9 ; cxxiv, 1 ; cxxvi, 1, col. 352, 079, 093.

Si de la théorie nous passons à la pratique, une distinction s’impose. Le saint docteur prétend, en principe, ne pas substituer sa propre conception, mois seulement adapter son interprétation aux données contenues dans l’Écriture. In Malth.. vii, S, col. 950 ; Coustant, Admonitio, 5-7, ccl. 911. En fait, quoi qu’il en soit de ; applications mystiques, souvent très belles et très instructives, que l’orateur’rattache au texte sacré, dans beaucoup de cas l’interprétation reste subjective et purement accommodatice, parfois même elle est forcée. Sur ce point et quelques autres, moins intéressants du point de vue doctrinal que pour l’histoire de l’exégèse ou de la prédication homiiélique. voir R.-M. de La Broise, art. Hilaire, dans le Dictionnaire de. la Bible, t. iii, col. 703 sq., et R. Simon, Histoire critique du Vieux Testament, Rotterdam, 1085, p. 404 sq. ; du Nouveau Testament, ibid., ] 093, p. 127 sq. Une remarque faite dans ce dernier ouvrage, p. 132, a son importance : autre est la méthode employée de préférence par l’évêque de Poitiers dans ses deux commentaires, alors qu’il se propose d’édifier les fidèles ; autre est l’usage qu’il fait du texte sacré quand il expose ou défend la foi catholique. Dans ce dernier cas, il s’attache au sens littéral et il le traite, en général, avec une maîtrise à laquelle les plus grands docteurs ont rendu témoignage ; tels saint Jérôme, Episl., lv, ad Amandum, P. L., t. xxii, col. 504, et saint Augustin, De Trinitate, VI, 10, P. L., t. xlii, col. 931 : non mediocris auctoritatis in tractalione Seriplurarûm et assertione fidei vir exstitit. Cf. Watson, op. cit., Introd., p. lxi ; Cornely, Introd. gen., p. 053.

// DIEU. ÊTRE’SUPRÊME) ET (CRÉATEUR ; MONDE,

anges, hommes. — La doctrine de saint Hilaire sur Dieu mériterait d’être exposée en détail, si la question n’avait pas été déjà touchée, t. iv, col. 1099 sq. Rappelons qu’à l’affirmation très accentuée de l’incompréhensibilité divine se joint l’affirmation non moins vigoureuse de la faculté native que possède l’homme de connaître l’existene de Dieu par la voie des créatures : Quis enim mundum conluens, Deum esse non sentiat ? In p. lii, 2, col. 326. Car le monde chante magnifiquement les louanges de son auteur et proclame hautement sa puissance et sa majesté. In ps.LXV,

LXVIII, 29 ; CXXXIV, 11 ; CXLYII1, 5 sq., col. 420, 488,

757 sq., 881 sq. Rappelons encore que le texte de l’Exode, iii, 14, où Dieu se définit : Ego sum qui sum, ravit d’admiration le docteur gaulois et lui fait saisir dans la notion d’Être une notion première à laquelle se rattachent, immédiatement ou médiatement, toutes les propriétés essentielles de la divinité. A. Beck, Die Trinitûtslehre des hl. Hilarius von Poitiers, c. n. Parmi ces propriétés, celles qui sembleraient, à première vue, s’opposer à toute dictinction en Dieu, ne sont pas moins accentuées que les autres ; telles la simplicité et l’unité : divinum et œternum nihil nisi unum esse et indi//ercns ; lolum in co quod est, unum est ; ex simplicilate perfectus. De Trinitate, I, 4 ; VII, 27 ; IX, 01, col. 28, 223, 330.

Ainsi conçu, Dieu est l’Être souverainement parfait et heureux de lui-même, qui crée le monde par pure bonté, pour communiquer aux autres quelque chose de sa propre béatitude, ex optima ac bencvola bcatitudine. In ps. il, 14, col. 269. Ce n’est pas le Dieu des seuls Éangiles, comme le voulaient les manichéens ; c’est le Dieu de la Loi et des Évangiles, les deux Testaments ayant un même auteur. In p-.LXU, 9 ; CXXXVU, 7, col. 448, 788. Dieu sage et bienveillant, dont la prescience, non moins que la providence, s’étend à tout. Inps. CXXl, 10 ; CXXXVIII, 41, col. 665, 813. C’est faire également preuve d’impiété, que de