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IIILAIRE (SAINT)
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l’originalité dans la conception et dans la manière de traiter les questions, la vigueur dans le raisonnement, une conviction intime et persuasive, une certaine impétuosité qui l’a fait appeler par saint Jérôme, Comment, in Epist. ad Gal., 1. II, prrcf., P. L., I. xxvi, col. 355, i le Rhône de l’éloqænce latine » . Rhéteur, il usa résolument des ressources que son art lui fournissait, non par pôdantisme, mais par conscience professionnelle et par esprit apostolique, pour mieux gagner ses lecteurs à la doctrine qu’il soutenait. Aussi, dans une invocation qu’il adresse à Dieu, De Trinitate, I, 38, col. 49, demande-t-il, non seulement la lumière de l’intelligence et l’attachement inviolable à la vérité, mais encore la propriété des termes et la noblesse de l’expression, verborum significationem, diclorum honorem. Saint Jérôme pense, Epist., lxx, ad Magnum, 5, P. L., t. xxii, col. 668, que, dans le De Trinilate, Hilaire s’est inspiré des Inslitutiones de Quintilien, pour le style comme pour la division de l’ouvrage en douze livres. Des études récentes ont montré la justesse de ce jugement ; voir en particulier H. Kling, De Hilario Pictaviensi artis rlieloricæ ipsiasqæ ut jertur, institulionis oratoriæ Quintilianæ studioso, avec tableau comparatif, p. 20 sq. Hilaire est réellement de l’école du grand maître parle caractère serré, vif et nerveux de son style, comme par les fleurs de rhétorique dont il l’orne ; mais il est loin de rester au niveau de son modèle, soit pour la pureté et la sobriété de la diction, soit pour la sûreté et la délicatesse du goût littéraire. Vivant en Gaule et à une époque de décadence, où un genre artificiel et maniéré était à la mode, l’évêque de Poitiers partagea moins pourtant que beaucoup de ses contemporains les défauts communs : déploiement excessif de la symétrie et de l’antithèse, abus de l’apostrophe, emploi d’expressions trop elliptiques ou, au contraire, de périodes surchargées et compliquées. Souvent, il est vrai, l’obscurité vient plutôt de la hardiesse et de la profondeur de la pensée, mais parfois elle tient au vague ou à l’élasticité de termes non définis, à des antilogies apparentes dont rien ne facilite la solution, à la facilité avec laquelle, dans l’usage des mots, l’auteur passe d’une acception propre à une acception figurée ou d’un sens absolu à un sens relatif. Le jugement porté par saint Jérôme, Epist., lviii, ad Paulinum, 10, P. L., t. xxii, col. 585, a certainement sa part de vérité : « Saint Hilaire se dresse sur le cothurne gaulois, et, comme il se pare des fleurs de la Grèce, il s’engage parfois dans de longues périodes ; ses ouvrages ne sont pas faits pour des lecteurs d’une portée médiocre. » Appréciation qui ne va nullement, dans la pensée du docteur dalmate, à dénigrer un homme qu’ailleurs, Comment, in Is., 1. VIII, præf., P. L., t. xxiv, col. 281, il range parmi les maîtres de l’éloquence.
III. Doctrine.
Dans les écrits de saint Hilaire, la doctrine antiarienne, trinitaire et christologique, vient naturellement en première ligne. Les commentaires exégétiques dépassent cependant cet objet et donnent lieu à une synthèse plus étendue, mais artificielle, car l’évêque de Poitiers n’a pas présenté lui-même sa doctrine sous une forme systématique. Une question s’ajoute, d’ordre apologétique : s’il est vrai que saint Jérôme a donn’5 comme un certificat général d’orthodoxie aux ouvrages d’Hilaire, en écrivant à Lœta, Epist., cvii, 12, P. L., t. xxii, col. 877 : Hilarii libros ino/fenso decurrat pede, il n’est pas moins vrai que des attaques ont été formulées plus tard ; attaques réduites à neuf chefs par dom Coustant, Prsefatio generalis, c. vi, et reprises dans le procès canonique institué par la S. C. des Rites, quand il fut question de conférer solennellement à l’évêque de Poitiers le titre de doctor Ecclesijc. PLis récemment, de ; théolo giens protestants ont incriminé, ou compromis par leurs interprétations, d’autres points de l’enseignement trinitaire ou christologique de l’Athanase gaulois. Ces attaques seront signalées et discutées ea même temps que seront exposées les matières connexes. J. Écriture SAINTE. —La doctrine de saint Hilaire sur le premier fondement de notre foi peut se grouper autour de quatre points : l’autorité, le canon, les versions et l’interprétation des Livres sacrés.
1o Autorité.
Souveraine est l’autorité des Écritures, ces oracles célestes où tout est vrai et utile ; où tout est élevé, divin, conforme à la raison et parfait. In ps.cxvin, litt. xviii, 5 ; cxxxr, 1, col. 622, 678. S’adaptant à notre faiblesse, qui a besoin de choses visibles pour comprendre les invisibles, les saintes Lettres enseignent les choses spirituelles par les corporelles et, à l’aide des choses visibles, rendent témoignage aux invisibles. Inps.cxx, 7, 11, col. 656, 658. S’il faut entendre conformément à la prédication évangélique ce qui a été dit dans les écrits de l’Ancien Testament, si l’autorité prophétique et apostolique nous suffit, Instruclio psalmorum, 5 ; In p ;. CXL, 2, col. 235, 825, c’est qu’à la base de cette autorité et de cette prédication il y a l’autorité même de Dieu, qui a parlé par les prophètes d’abord, puis par les apôtres : Omnia a divino Spiritu per David dicta, Instr. 7 ; propheia semper Dei Spiritu plenus. Inps.Ll, 15, col. 277, 317. De même saint Paul : per loquentem in se Christian loquens. De TrinUai :, XII, 3, col. 435. Aussi, parlant en ce dernier endroit d’une prophétie relative à Jésus-Christ, Hilaire voit-il une contradiction en ce que l’apôtre puisse ignorer cette prophétie ou, la connaissant, puisse en fausser le sens. 2o Canon.
Le prologue des Psaumes, 15, col. 241, contient un canon de l’Ancien Testament où sont énumérés vingt-deux livres, autant que de lettres dans l’alphabet hébreu. Comme le commentateur s’inspire manifestement d’Origène, In ps. I, P. G., t. xii, col. 1084, et que le docteur alexandrin parle formellement du canon juif, y.aO"E ?pa ! oj ;, il n’y a nulle rai son d’entendre le disciple autrement que le maître. L’évêque de Poitiers dit encore, ce qui n’est pas dans Origène, que certains ajoutent les livres de Tobie et de Judith obtenant ainsi un total de vingt-quatre livres, ce qui répond au nombre des lettres dans l’alphabet grec. Personnellement, Hilaire utilise les deutérocanoniques comme les autres ; pour l’Ancien Testament, il les cite en réalité tous ; pour le Nouveau, il cite l’Épître aux Hébreux sous le nom de saint Paul, celle de saint Jacques, la IIe de saint Pierre et l’Apocalypse sous le nom de saint Jean. Voir Coustant, notes a et d. P. L., t. ix, col. 241 sq. ; F. Vigouroux, Canon des Écritures, dans Dictionnaire de la Bible, t. ii, col.165, 181 ; voir aussi, plus haut, t. ii, col. 1577, 1581. Voir A. Souter, Quotaliois from the Epi il s of St. Pa.il in St. Hila-y oi th’Psalm ; dans Journal of theological slJdùs, octobre 1916, t xviii, p. 73-77. Par ailleurs, Hilaire sait rejeter les apocryphes, tels que le livre d’Hénoch, In ps. cxxxii, 6, col. 748, et tenir compte des doutes que la divergence de la tradition manuscrite peut provoquer, par exemple, à propos de la sueur de sang, Luc, xxii, 43-44. De Trinilate, X, 41, col. 375.
3o Versions — Il existe, onl’a vu déjà, une différence de procédé entre les commentaires sur saint Matthieu et sur les Psaumes. Dans le premier, l’auteur s’en tient purement au texte latin dont on se servait à Poitiers ; dans l’a.itre, il s’aide, non du texte hébreu, car il ignorait cette langue, mais de diverses traductions, latines ou grecques, surtout de la version des Septante. Il professe pour cette dernière une estime et une vénération spéciales : translatio illa seniorum LXX et légitima et spiritualis, In ps. ux, 1, col. 383 :