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IIILAIRE (SAINT


de Fortunal, Vila sancti Hilarii, i, 3, P. L., t. ix, col. 187, qui nous montre son héros suçant pour ainsi dire avec le lait une sagesse ttflle qu’on aurait pu présager en lui le futur champion de la foi, préparé dés lors par Dieu aux combats et aux triomphes de l’avenir. Mais, à cette phrase, dont le sens est d’ailleurs assez peu précis, on oppose diverses allusions qui semblent insinuer le contraire : allusions de saint Jérôme, In Is., c. xlviii, 13, P. L., t. xxiv, col. 595, de saint Augustin, De doctrina christlana, ii, 40, P. L., t. xxxiv, col. 63, d’Hilaire lui-même. In ps. lxi, 2 ; De Trinilale, VI. 19-21, P. L., t. ix, col. 396 ; t. x, col. 171 sq. On objecte surtout, et à bon droit, le témoignage du saint docteur au I er livre du De Trinilale. Dans un récit où il est difficile de voir une simple fiction littéraire, il expose comment il fut amené à la foi chrétienne : préoccupé par le problème de notre destinée et ne rencontrant pas dans la philosophie païenne de réponse qui le satisfît, il trouva en tin la lumière, en lisant au début de l’Évangile de saint Jean la doctrine du Verbe descendu des deux et donnant à ceux qui le reçoivent de pouvoir devenir eux-mêmes des fils de Dieu. Belles pages dont le cardinal Pie a donné un commentaire saisissant, avec application aux erreurs contemporaines, dans un discours prononcé à Rome en 1870 pour la fête du saint docteur. Œuvres, t. vi, p. 552 sq.

Un fait certain domine cette controverse : Hilaire était adulte quand il reçut le baptême : Inauditis ego his nominibus in le ita credidi, per le ila renatus sum. De Trinitate, l, 21, t. x, col. 173. D’un mot qu’il dit ailleurs, De synodis, 91, t. x, col. 545, et qui se rapporte à l’année où il partit pour l’exil : regeneratus pridern, on peut conclure qu’entre l’époque de son baptême et celle de son élévation à l’épiscopat, il y eut un intervalle de temps notable. D’après Fortunat, Vila, i, 3, 6, il était marié et père d’une fille, nommée Abra ; mais la réception du baptême devint pour lui le point de départ d’une vie chrétienne très fervente, austère même et vouée aux intérêts de la foi. L’évêque de Poitiers l’attacha-t-il dès lors à son église en lui conférant quelque degré de cléricalure ? Rien ne permet de répondre à cette question.

2° Hilaire évêque ; lutte contre iarianisme ; bannissement. — A la mort de l’évêque de Poitiers, probablement Maxence, frère de saint Maximin de Trêves, Hilaire fut appelé à lui succéder. Aeta sanctorum, Comment, histor., 2. L’éérement eut lieu avant l’année 355, mais il est impossible d’en fixer la date précise. Nous savons seulement, par l’endroit déjà cité du De synodis, qu’en 356, à la veille de partir pour l’exil, le nouvel évêque était depuis quelque temps déjà en charge : in episcopatu aliquantisper manens. h’aliquanlisper, étant en opposition avec pridem rrgeneratus, doit nécessairement s’entendre d’un laps de temps restreint. Il est donc possible que la date de 350, donnée couramment par les historiens, anticipe un peu sur l’événement.

Devenu pasteur d’âmes, Hilaire s’efforça de pratiquer ce qu’il dira plus tard, De Trinilale, VIII, 1, col. 236 : « La sainteté sans la science ne peut être utile qu’à elle-même. Quand on enseigne, il faut que la science fournisse un aliment L la parole et que la vertu serve d’ornement à la science. » Le Commentaire sur l’Évangile de saint Matthieu date de cette époque. D’un autre côté, le nouvel évêque possédait dès lors une telle réputation de vertu, qu’elle attira près de lui le futur thaumaturge des Gaules ; c’est, en effet, vers 354 que saint Martin vint pour la première fois à Poitiers et y fut ordonné exorciste. Sulpice Sévère. Vita B. Martini, 5, P. L., t. xx, col. 163 ; dom Chaînant, Origines de l’Église de Poitiers, p. 183.

Hilaire fut bientôt amené par les circonstances à jouer le rôle important qui l’a fait appeler l’Athanase

de l’Occident. Près de trente ans s’étaient écoulés depuis le concile de Nicée, et l’opposition faite à la doctrine de la consubstantialité du Verbe n’avait pas cessé. Voir Arianisme, t. i, col. 1799 sq. Pendant longtemps la Gaule était restée à peu près en dehors des agitations qui troublaient l’Orient. La situation changea en 353, quand la révolte de Magnence eut amené en Occident l’empereur Constance, protecteur des antinicéens. Ce prince se trouvant à Arles, un concile s’y tint en octobre ; on exigea des évoques présents qu’ils souscrivissent à la condamnation de saint Athanase, et saint Paulin de Trêves paya son refus d’un exil en Phrygie. Sur les réclamations du pape, l’empereur consentit à la réunion d’un nouveaa concile. Il eut lieu à Milan au printemps de 355 ; mais les prélats mandataires de Constance y suivirent la même tactique qu’au synode d’Arles : forcer les évêques à souscrire à la condamnation d’Athanase et à communiquer avec les ariens. La noble résistance de quelques-uns, Denis de Milan, Eusèbe de Verceil et Lucifer de Cagliari, leur valut la peine du bannissement.

L’histoire ne nous dit pas si saint Hilaire prit part aux conciles d’Arles et de Milan ni s’il fut engagé dans la controverse dès le début de son épiscopat. Ses sentiments sur le fond de la question ne peuvent pas être douteuxpour qui lit le commentaire sur saint Matthieu, xxxi, 2 sq., P. L., t. ix, col. 1066 sq. ; plus tard l’évêque de Poitiers rattachera lui-même à l’exil « des saints personnages Paulin, Eusèbe, Lucifer et Denis » l’attitude militante qu’il piit après le concile de Milan. Adversus Conslantium, 2, P. L., t. x, col. 578. C’est vers la même époque nous apprendil encore, De synodis, 91, col. 545, qu’il connut pour la première fois le symbole de Nicée : fulem nicunam nun.qu.am nisi exulalurus audivi ; mais il n’y trouva pas, ajoute-t-il, une doctrine différente de celle qu’il tenait déjà. Il n’est donc pas étonnant qu’en face des manœuvres du métropolitain d’Arles, Saturnin, rallié aux vues de l’empereur et soutenu par les puissants évêques de cour Ursace de Singidunum et Vi lens de Mursa, Hilaire ait compris que la résistance ouverte s’imposait, aux dépens même de sa tranquillité et de ses intérêts personnels. Fragm. histor., i, 3, P. L., t. x, col. 629.

L’évêque de Poitiers entre dès lors dans la pleine lumière de l’histoire. Sous son initiative, un synode se réunit vers la fin de 355, très probablement à Paris : les prélats présents se séparèrent de la communion d’Ursace, Valens et Saturnin, mais décidèrent de recevoir à la communion ecclésiastique ceux qui, ayant failli à Milan, viendraient à résipiscence. Adv. Constant. , loc. cil. La réplique du métropolitain d’Arles ne se fit pas attendre ; dès le printemps de 356, il convoqua à Déziers un synode où, sur l’ordre de la cour, Hilaire dut comparaître pour rendre compte de sa conduite. Ce dernier demanda qu’on examinât d’abord la cause de la foi ; à cette fin, il présenta un mémoire composé contre l’hérésie arienne et ses chefs d’alors : cognitionem demonstrandx hujus luvreseos obtuli, Adv. Const., 2, col. 579 ; in qua patronos hujus hsereseos ingerendæ quibusdam vobis leslibus denuntiaveram. De synodis, 1, col. 481. La demande ne fut pas agréée ; Saturnin exigeait sans doute ce qui avait été exigé à Milan : la communion avec les évêques de son parti et l’acquiescement à la condamnation d’Athanase. Un rapport fut adressé à Constance ; rapport où, vraisemblablement, la foi politique de l’évêque de Poitiers était mise en suspicion et qu’en tout cas, il traite lui-même de fallacieux et d’insidieux : falsis nuntiis synodi… circumventuin te Augustum. Ad Constant., II, 2, col. 563. Saturnin obtint le résultat qu’il voulait : vers le milieu de 356, l’empereur prononça contre l’accusé une sentence de déportation en Asie Mineure.