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HIÉRARCHIE

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Le souverain pontife est juge de l’étendue plus ou moins large dont il les en fera bénéficier, suivant les circonstances. Aux évêques, dont le pouvoir est ordinaire, il assignera telle portion de la vigne du Seigneur qu’il jugera convenable de leur attribuer. Il déléguera aux autres membres de la hiérarchie les pouvoirs opportuns. Ainsi, un diacre pourra être supérieur à un prêtre, même à un évêque, en vertu du pouvoir juridictionnel que le chef de l’Église lui aura conféré. Aujourd’hui, les cardinaux, prêtres et diacres, de l’Église romaine, sont au-dessus des évêques, bien qu’ils ne possèdent ni le caractère ni le pouvoir épiscopal.

Il en est de même du pouvoir doctrinal conféré au chef de l’Église. Les membres inférieurs de la hiérarchie n’ont ni l’autorité ni le droit d’enseigner la doctrine, qu’à condition de rester unis au siège apostolique. Le sacrement de l’ordre leur confère bien l’aptitude radicale à devenir les hérauts de l’Évangile, mais ils doivent recevoir du pape ou de l’évêque la mission et le droit de prendre la parole dans la société des fidèles. Ainsi le pape peut inviter un prêtre, un diacre à siéger dans un concile et à y donner son suffrage même en matière de foi. Un évêque peut se faire remplacer dans un concile par un prêtre ordinaire.

La hiérarchie ecclésiastique établie par Notre-Seigneur est donc à la fois une et trine, à l’image de l’auguste Trinité. C’est un fleuve, dont les eaux, jaillissant d’une même source, se répartissent en trois canaux qui sillonneront le monde entier dans tous les moments de la durée. Le sacrement de l’ordre est la base essentielle de cette institution divine, une et non multiple. Il confère au souverain pontife le pouvoir expedilus, législatif, judiciaire et coercitif. Comme aucune précision n’a été formulée dans l’Évangile pour la juridiction à attribuer aux autres membres, le chef souverain de l’Église en fait la répartition.

Bref, la hiérarchie se définit : Ordo sacrarum in Ecclesia personarum quibus sacræ alicujus functionis ex u/Jicio excrcendæ potestas commiltilUT, Les Conférences d’Angers disent de même : « La hiérarchie est une principauté ou magistrature spirituelle, composée de divers ordres de ministres, subordonnés les uns aux autres, que Jésus-Christ a instituée pour le gouvernement et le service de son Église. » Conf. I, q. ii, édit. de 1830, p. 14.

Le Codex juris canoniei pose très clairement l’existence et les degrés de la hiérarchie ecclésiastique, en disant des clercs : Non sunt omnes in codem gradu, sed inlcr eos sacra hierarchia est in qua alii aliis subordinaniuT. Ex divina institulione, sacra hierarchia ratione ordinis eonslal cpiscopis, presbytcris et ministris ; ratione jurisdiclionis, pontificatu supremo et episcopatu subordinato ; ex Ecclesiw autem institulione alii quoque gradus accessere. Can. 108, § 2, 3.

IL Origines. — Divers systèmes ont été formulés pour rendre raison du développement historique de la hiérarchie ecclésiastique, dès le début du christianisme. Un premier système prétend que la hiérarchie nouvelle prit pour cadre les institutions judaïques. Un second veut que l’organisation cultuelle des Romains ait servi de base à son expansion. Un troisième enfin trouve, dans la manière dont elle s’est répandue, les éléments qui appartiennent aux deux organisations, judaïque et romaine.

l et système. — La législation juive comptait, en effet, une hiérarchie composée du grand-prêtre, des prêtres et des lévites. Ces titres et les fonctions de ces ministres étaient déterminés par la loi mosaïque. Depuis le retour de la captivité de Babylone, chaque localité possédait sa synagogue, ou lieu de la prière et de l’enseignement des scribes. La nation avait aussi son

sanhédrin, ou grand conseil, qui siégeait dans la capitale, à Jérusalem. En outre, un sanhédrin inférieur, composé de vingt-trois juges ou arbitres, était constitué dans les villes d’une certaine importance, même dans les provinces situées en dehors de la Judée. Enfin, un petit sanhédrin fonctionnait, pour l’administration de la justice, dans les moindres agglomérations. Le grand sanhédrin étendait sa juridiction sur tous les autres consails. Le grand-prêtre le présidait. Les sanhédrins des villes importantes étaient placés sous la direction de maîtres ou rabbins, appelés plus tard primati et didascali. Après la ruine de Jérusalem, le titre de patriarche fut conféré au chef suprême de la nation établi à Tibériade. Parmi les primats, ou grands chefs provinciaux, ceux d’Antioche et d’Alexandrie auraient eu, prétend-on, une autorité plus considérable à raison du chiffre élevé de population juive que ces communautés comptaient.

Ce système hiérarchique aurait servi, en substance, de modèle à l’organisation des pouvoirs juridictionnels de la société chrétienne. Jésus-Christ, lui-même, en aurait posé les bases, en confiant autorité aux évêques, aux prêtres et aux diacres. Les Églises de Jérusalem, d’Antioche et d’Alexandrie continuèrent, sous le nouveau régime, à jouir du prestige qui leur était précédemment attribué. Aussi, concluent les partisans de ce système, l’organisation des Églises chrétiennes se fit d’après les grandes lignes de l’organisation de la Synagogue. La société mosaïque étant la préparation des institutions chrétiennes, rien d’étonnant que la hiérarchie nouvelle ait été calquée sur l’ancienne. C’est un fait providentiel.

Bacchini, De ecclesiastieiB hiérarchise originibus, Dissertatio ; Grotius, In Act., vi ; Basnage, Histoire des juifs, 1. VI, c. iv, § 10 ; Blanc, Cours d’histoire ecclésiastique, Paris, t. i, leçon xlviii.

2e système. — L’évolulion de la hiérarchie catholique a suivi les linéaments de l’organisation romaine. En effet, la constitution des Romains possédait un grand-pontife, ponlifex maximus, qui avait la prééminence sur tous les autres ministres du culte national. En outre, il existe une grande similitude entre l’organisation politique de l’empire et celle des centres primitifs de la juridiction ecclésiastique. Les tableaux descriptifs rédigés depuis Constantin le démontrent. Les Romains avaient divisé l’univers conquis en provinces : leprœses provinciæ, représentant de l’empereur, tenait tribunal dans les grandes cités, dites métropoles. Il recevait ses directions de Rome, centre de l’unité de tout l’empire.

Les partisans du premier système ne contestent pas le fait de l’adaptation des limites juridictionnelles de l’Église à celles des circonscriptions civiles. Néanmoins, ils maintiennent leur opinion, en établissant que la hiérarchie des sièges épiscopaux et des juridictions était empruntée à l’organisation religieuse hébraïque. Enfin, ils démontrent, en citant à l’appui des faits historiques, que l’Église ne se faisait pas une loi de s’astreindre à la ligne de démarcation politique des provinces de l’empire. Souvent les papes ont agi indépendamment de ces délimitations civiles, lorsque le bien des âmes et l’expansion évangélique en manifestaient la nécessité ou la convenance. Néanmoins, le sentiment contraire a prévalu.

Bennetis, Privil. S. Pétri, t. iv, p. 107 ; Cabassut, Notitia Eccles., dissert. XIV, De prov. eccles., p. 51.

3e système. — Il tend à concilier les deux opinions précédentes, en utilisant leurs données, pour les fondre dans une unité harmonique. Il relève, dans le progrès de la hiérarchie chrétienne, l’influence des institutions juives et romaines, en proportions équivalentes.