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HEXAMERON


d’hébraïsants modernes à leur suite ont adopté une autre construction, en faisant de ces deux versets une phrase circonstantielle dépendant de la phrase principale qui débute au verset 3. Ils aboutissent donc à cette traduction : « Au commencement, lorsqu’Élohim créa le ciel et la terre, et que la terre était vide et déserte. .., Élohim dit… » Cette construction est grammaticalement possible, puisqu’elle se trouve en d’autres passages de la Bible, où l’adverbe relatif est omis et où le verbe est au prétérit. Exod., vi, 28 ; Num., ni, 1 ; Deut., iv, 15 ; II Par., xxiv, 11 ; Job, vi, 17 ; Ps. lxxxix, 15 ; Is., xxix, 1. Or, ici, elle s’imposerait, dit-on, parce que le mot rê’sît n’est jamais, sauf Is., xlvi, 10, employé au sens absolu. Son état construit est donc constitué par la proposition : bârâ’'elôhtm. Le verset 2 formerait une parenthèse, ou bien le vav, trois fois répété, serait aussi circonstanciel, de sorte que la proposition principale ne commencerait qu’au verset 9. Abenesra la faisait commencer au verset 2. Le sens général du passage n’en serait pas changé ; seule, la composition du récit en serait modifiée, en ce qu’elle ferait commencer la création de l’univers par la création de la lumière. Mais on peut fort bien considérer ré’stt à l’état absolu et traduire simplement : « Au commencement » .

Ainsi construit, le premier verset a été entendu, ou bien comme un sommaire du récit entier, ou bien comme signifiant la création de la matière première ou élémentaire. Or, si le verset 2 marque l’état de confusion de la terre, il ne dit rien de celui des cieux ; par conséquent, le verset 1 er ne peut désigner l’état primitif des cieux et de la terre. Les cieux et la terre que Dieu a créés au commencement sont les mêmes que ceux qu’il a ainsi ncmmés le 2e et le 3e jour, 8, 9, et qui ont été achevés le 6e, ii, 1. Le ciel et la terre, chez les Hébreux, représentent tout le monde visible, dont la création est racontée au chapitre I er de la Genèse. Le 1 er verset de ce chapitre est donc un sommaire du récit entier.

Or, c’est au commencement que Dieu a créé tous les êtres visibles, représentés par le ciel et la terre. Ce cemmencement doit s’entendre du commencement du monde ou des êtres créés, et par conséquent du commencement du temps. Quant à l’acte divin, c’est la création ex nihilo, comme le signifie clairement le verbe bârâ’, sinon en lui-même, au moins dans le contexte. Voir t. iii, col. 2042-2046.

Le verset 2 décrit l’état très imparfait de la terre : elle était tôhû vâbôhû, c’est-à-dire déserte et vide. L’auteur concentre son attention sur la terre, qui sera l’habitation de l’homme et le théâtre de l’histoire sainte qu’il veut raconter ensuite ; il ne parlera des cieux que dans leurs rapports avec la terre. Or, cette terre, dans l’état primitif où Dieu l’avait créée, était sans culture et sans les plantes et les habitants qu’elle eut plus tard, quand Dieu les eut créés. Cf. Is., xlv, 18 ; Jer., iv, 23-26. La terre existait donc, et il n’est pas question ni du gouffre ou du chaos des gnostiques, ni par conséquent de l’espace vide dans lequel Dieu aurait placé les êtres, comme le veut Gunkel, Genesis, p. 91. En même temps, les ténèbres étaient sur la surface de l’abîme. La lumière n’existait pas encore et il n’y avait que les ténèbres, qui s’étendaient sur le lehôm. Le tehôm était l’abîme des eaux, l’océan mondial, qui couvrait la terre et l’enveloppait. Et le souffle d’Élohim agitait la surface des eaux. L’esprit de Dieu, ce n’est pas un vent violent produit par Dieu, mais le souffle même de Dieu, qui émanait de lui et qui agissait sur l’abîme des eaux pour le vivifier. Son action était celle d’agiter la surface des eaux plutôt que celle de planer au-dessus ou de la couver. Il est de la nature d’un souffle de se mouvoir et de changer de place. Le souffle divin primitif mettait ainsi en mouvement la

surface des eaux ; et il les fécondait en quelque sorte par cette agitation pour préparer l’océan à la vie qu’il allait y introduire. Cette description ne représente pas la matière élémentaire, comme l’ont entendue les Pères et les scolastiques, mais un état de confusion la plus entière entre la terre, les ténèbres et l’eau. Cet état primitif et chaotique cessa par l’œuvre créatrice de séparation et d’ornement que Dieu opéra en six jours. 2° Les six jours de la création, 3-31. — i « jour. Séparation de la lumière et des ténèbres, 3-5. — Toutes les œuvres des six jours sont appelées à l’existence par la parole de Dieu. La parole de Dieu est évidemment un anthropomorphisme, la parole étant l’expression de la volonté divine. Voir t. iii, col. 2129. Au milieu des ténèbres universelles, Dieu dit d’abord : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut. L’exécution suit immédiatement l’ordre, et elle est exprimée dans les mêmes termes que l’ordre lui-même. La lumière est créée la première, parce qu’elle est la condition fondamentale de tout ordre. Sans elle, en effet, tout est confus et sous les ténèbres rien ne paraît exister. « Et Dieu vit que la lumière était bonne. » C’est un nouvel anthropomorphisme, qui signifie que la nouvelle créature répondait à l’idéal divin et réalisait le décret de sa volonté. « Et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres. » Cette séparation ne laisse pas supposer que Moïse regardait la lumière comme coexistant avec les ténèbres dans le chaos primitif. Dieu ne tire pas, en effet, la lumière du chaos ; il la produit par un acte de sa volonté, et sa séparation des ténèbres exprime leur état postérieur. Moïse se représente donc la lumière et les ténèbres comme deux réalités distinctes, qui, une fois séparées, reçurent de Dieu des noms différents : « Et Dieu nomma la lumière jour et les ténèbres nuit. » Les noms leur sont donnés après leur appel à l’existence, et si Dieu leur impose leurs noms, c’est pour attester son domaine suprême sur ses créatures. La lumière est appelée jour, et les ténèbres, nuit. Les ténèbres ne régneront plus constamment sur les eaux. En créant la lumière et en la séparant des ténèbres, Dieu a établi l’alternance régulière du jour et de la nuit. « Et il fut soir et il fut matin, un jour. » La lumière créée luit donc pendant la durée que Dieu lui a fixée. Après son cours naturel, il y eut soir, c’est-à-dire que les ténèbres reprirent leur cours désormais diminué et réglé, et ce cours achevé, il y eut matin. Or, la succession du jour et de la nuit constitua un jour entier, un jour de 24 heures. Le jour régulier et complet va donc du matin au matin, et cette succession constitue le véritable jour officiel de 24 heures ; c’est pourquoi l’auteur du récit emploie le nombre cardinal : « un jour » . Mais comme les autres jours sont désignés par un chiffre ordinal, la première succession du jour et de la nuit constitua aussi le premier jour de la création. 2e jour. Séparation des eaux et création du ciel, 6-8.

— "Et Dieu dit : Qu’il y ait un firmament entre les eaux et qu’il sépare les eaux des eaux. Et Dieu fit le firmament et il sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament des eaux qui sont au-dessus du firmament, et ce fut ainsi. Et Dieu nomma le fn marnent ciel. » Le râqyia’, que Dieu voulut créer et qui fut fait pour séparer les eaux inférieures des eaux supérieures, paraît être une voûte, une sorte de dôme solide, qui tient séparées en deux compartiments différents les eaux de l’abîme ou de l’océan primordial. Il n’est rien dit de la matière dont il est fait. Les eaux inférieures sont les eaux de la mer, v. 10. Les eaux supérieures ne peuvent être les nuages ; elles sont au-dessus du firmament. Ce firmament, ce sont les cieux. D’autres écrivains sacrés se sont représentés les cieux comme une tente que Dieu a étendue pour séparer les eaux, Is., xl, 22 ; Ps. ciii, 2-3, comme une étendue pareille à un miroir poli, Job, xxxvii,