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HEXAMERON


24 heures et à représenter la création entière comme accomplie en six jours d’une semaine de travail. Par suite, le récit de la création, tout en ayant réellement un caractère historique, n’en est pas moins un récit prophétique et mystique. Aussi le prophète, s’exprimant moins clairement qu’un historien, a employé la métaphore des jours de 24 heures pour désigner les longues périodes de la création. Theologisch-praklische Quartalschrifl, Linz, 1898, p. 9 sq., 281 sq. Mais le récit mosaïque de la création n’est pas une œuvre prophétique et il ne présente aucune obscurité mystique. L’allégorie mystique et prophétique, dont aurait usé son auteur, n’a donc aucun fondement.

b) Le poétisme. — Le récit mosaïque de la création n’a aucun caractère historique : c’est une ode, un hymne religieux, auquel il faut laisser son caractère poétique et ne rien lui demander au point de vue scientifique. C’est la pensée de Mgr Clifîord, exposée plus haut, col. 2325 sq. M. Hauser y a vu aussi une prière et un cantique, l’hymne de la création, Kalholische Schveizblâtlcr, 1896, p. 19 sq. Mais le récit, tout schématique qu’il soit, n’a rien de la poésie, et il se présente comme un récit historique, prélude d’un livre historique. (Voir cependant H. Perennès, Cantiques de Sion, Paris, 1919, p. 9-14.)

c) La théorie de la vision. — Nous l’avons exposée déjà. Voir col. 2332 sq. Elle aboutit à cette conclusion : le récit de la Genèse n’est pas le récit de la création, mais celui de la révélation que Dieu a faite de l’œuvre créatrice à Adam par le moyen d’une vision. Les jours sont donc des jours naturels dans lesquels Adam a vu s’accomplir la création. Peut-être sont-ils des symboles des périodes géologiques ; peut-être aussi l’ordre des actes créateurs est-il, dans ses grandes lignes, d’accord avec la réalité. Mais on ne peut le conclure avec certitude, puisque le but de la révélation divine était seulement d’apprendre à Adam que l’univers entier est l’œuvre de Dieu et que l’homme doit, comme le créateur, travailler pendant six jours de la semaine et sanctifier le septième jour par le repos.

Conclusion. — Aucun de ces systèmes ne nous paraît répondre au caractère du récit mosaïque de la création. L’auteur sacré ne se proposant pas de donner une leçon de cosmogonie scientifique, son récit n’a rien de commun avec les sciences naturelles, et tout concordisme est par suite exclu de son intention. D’autre part, il n’a recours à aucune allégorie et il parle clairement et simplement le langage de son temps. Son récit, quoique rédigé dans un cadre systématique, n’a aucun caractère poétique, au moins dans sa forme extérieure ; c’est de la prose, dont la métaphore n’est pas exclue. Rien ne prouve enfin que Dieu lui ait révélé directement son exposé de l’œuvre créatrice, surtout au moyen d’une vision, dont le texte ne garde aucune trace. C’est donc simplement un écrivain hébreu qui, sous l’inspiration divine, a exprimé une vérité que Dieu avait pu révéler à l’humanité primitive et qui s’était transmise dans la race d’Abraham, à savoir que Dieu avait créé tous les êtres de l’univers. Les diverses créatures, sorties des mains de Dieu, sont rangées par lui dans un ordre à la fois logique et chronologique, et réparties entre six journées de travail divin, suivies d’un jour de repos, pour montrer que l’institution de la semaine humaine avait été établie sur le modèle de la création divine. Cette répartition est faite et l’œuvre de la création est décrite dans le langage populaire du temps, sans prétention scientifique. Il faut donc expliquer le récit mosaïque comme un exposé populaire, conforme aux apparences exterieures.de l’œuvre divine. Cet exposé, écrit sous l’action inspiratrice de Dieu, énonce une vérité religieuse et la réalité de l’acte créateur, distribué en six jours de 24 heures. Si donc Moïse a écrit selon le langage de son temps et sans pré tention scientifique, son récit doit être interprète indépendamment des cosmogonies anciennes et modernes, d’après les idées des Hébreux et non pas d’après celles des savants d’aujourd’hui. Sa pensée, ainsi déterminée, sera celle qu’il a voulu énoncer et qui est garantie par l’inspiration du Saint-Esprit.

Outre les commentaires de la Genèse, de l’époque patristique et du moyen âge, indiqués col. 1206-1207, voir les explications spéciales de l’Hexaméron : un fragment de saint Hippolyte de Rome, P. G., t. x, col. 584 ; S. Victorin de Pettau, Traclatus de fabriea mundi, P. L., t. v, col. 301314 ; S. Basile, Homiliee IX in Hcxæmcron, P. G., t. xxix, col. 3-208 ; cf. S. Grégoire de Nysse, In Hexacmeron explicaapologetica, P. G., t. xiav, col. 61-124 ; Sévériende Gabales* In mundi creatione, orat. vi, P. G., t. lvi, col. 429-499 ; S. Ambroise, Hexæmeron, libri sex, P. L., t. xiv, col. 123274 rseudo-Eusthate, Comment, in Hexæmeron, P. G., t. xviii, col. 707-794 ; J. Philopon, Comment, in mosaicam mundi creationem, I. VII, Vienne, 1630 ; Jacques d’Édesse, voir P. Martin, L’Hexaméron de Jacques d’Édesse, dans le Journal asiatique, 8e série, Paris, 1888, t. xi, p. 155-219, 401-490 ; Anastase le Sinaïte, Anagogicarum contemplation’tm in Hexæmeron ad Theophilum libri XII, P. G., t. lxxxix, col. t-51-1078 ; G. Pisidès, Hexæmeron sive cosmopœia (poème), P. G., t. xcii, col. 1425-1578 (cf. ibid., col. 1399-1424) ; S. Bède, Hexacmeron, 1, IV, P. L., t. xci, col. 9-190 ; Wandelbert, Libellas de creatione mundi (poème), dans’d’Achéry, Spicilegium, t. il, p. 62 sq. ; P. L., t. cxxi, col. 635-640 ; Hildebert du Mans, De operibus sex dierum (poème), P. L., t. clxxi, col. 1213-1218 ; Honorais Augustodunensis, Hexæmeron, P. L., t. clxxii, col. 253-266 ; Hugues d’Amiens, Tractatus in Hexæmeron, dans Martène, Anecdota, t. v, p. 1136 (fragment du I er livre, Gen., i, 1, 2, reproduit, P. L., t. cxcii, col. 1247-1256) ; Abélard, Expositio in Hexæmeron, I’. L., t. clxxviii, col. 731-784’; Vincent de Beauvais, Spéculum naturale, in-fol., Venise, 1591 ; pseudo-Bonaventure, Expositio sive Sermones XVII in Hexæmeron ; A. Steuchus, Cosmopœia, Lyon, 1535.

Sur les Hexamérons des auteurs ecclésiastiques, perdus, manuscrits ou imprimés, voir I. Bekker, Prolégomènes à’Hexæmeron de G. Pisidés, P. G., t. cxii, col. 1385-1399. Sur l’interprétation de la cosmogonie mosaïque voir O. Zôckler, Geschichte der Beziehungen zwischen Théologie und Wissenscliaft, Gutersloh, 1877, t. i ; F. Vigouroux, La cosmogonie mosaïque, dans Mélanges bibliques, Paris, 1882, p. 9-123 ; Al. Motais, Origine du monde d’après la tradition, édit. Ch. Robert. Paris, 1888 ; F. de Hummelaucr, Comment, in Genesim, Paris, 1895, p. 49-58 ; S. Gamber, Le livre de la « Genèse » dans la poésie latine du V siècle, Paris, 1899, p. 86-103 ; A. Véronnet, La cosmogonie biblique. Étude historique, dans L’université catholique, Lyon, 1905, t. xxvii, p. 370-390 ; F. E. Robbins, The hexæmeral literature. A study of the Greek and Latin commentaries on Genesis, Chicago, 1912 ; E. Minjon, Zur Geschichte der Auslegung des biblischen Schôpfungsberichtes dans Der Katholik, 1912, t. x, p. 128-135, 336-356, 404-417 ; 1913, t. xi, p. 344365 ; 1914, 1. xiii, p. 188, 200 ; H. iFalbesoner, Geschichte der Schôpfung im Liehte der Natur/orschung und Offenbarung, Ratisbonne, 1913 ; G. Schmidt, La révélation primitive et les données actuelles de la science, trad. Lemonnyer, Paris, 1914, p. 7-16 ; A Brassac, Manuel biblique, 14e édit., Paris, 1917, t.l, p. 363-373 ; H. W Schmidt, Die Schôpfungstage im Liehte der biblischen und naturwissenschaftlichen Forschungen, Leipzig, 1917

III. Interprétation du texte.

Le récit de la création se divise naturellement en trois parties : 1° l’af-I rmation de la création de l’univers et l’état de la terre avant l’œuvre des six jours, i, 1, 2 ; 2° l’œuvre elle-même des six jours, 3-31 ; 3° le septième jour, ii, 1-3.

1° L’affirmation de la création de l’univers et l’élat de la terre avant l’œuvre des six jours, i, 1, 2. — La construction de ces deux versets dans le texte hébreu actuel et l’interprétation qui en est généralement admise les présentent comme deux affirmations distinctes. D’après le Talmud de Jérusalem, traité Meghilla, i, 9, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 217, ce serait un des treize passages que les sages auraient modifiés dans la version des Septante pour éviter des discussions dogmatiques. Raschi, Abenesra et beaucoup