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HEXAMERON


elle a été littérale pour la série des œuvres révélées, et symbolique seulement pour leur disposition dans les six jours de la semaine. Le P. Méchineau s’est rallié, lui aussi, à l’hypothèse de la vision. L’historicité des trois premiers chapitres de la Genèse, Rome, Paris, Louvain, 1910, p. 99-100, 151-152, ainsi que P. Lanier, La Bible et les origines du monde, dans la Revue du clergé français, 1910, t. lxii, p. 541, et le P. Dillmann, oblat, Erklarungsversuche zum Sechstagewerk, dans PastoT bonus, 1913, t. xxv, p. 723-736. J. Sim, The draina of création, dans Expositor, Londres, 1897, t. ii, p. 309-320, 387-400, 450-459, a soutenu aussi la théorie de la révélation en songe ou en vision.

Mais l’explication de la révélation par vision n’est pas nécessaire. Le texte du récit ne laisse nullement supposer qu’il a été l’objet d’une vision, et son style vivant et coloré s’explique tout autrement. Si Adam a vu la création d’Eve en vision, le texte l’exprime formellement, et la parité établie entre cette création et celle du monde n’est pas prou vte ; il suffisait que Dieu révélât la création du monde au premier homme par n’importe quel moyen. Il n’était pas nécessaire qu’il montrât â Adam en vision comment la création s’était faite, ni qu’un récit de cette vision se transmît verbalement d’Adam à Moïse. Enfin, la distribution des œuvres divines dans six jours de la semaine s’explique tout aussi bien par une classification de l’auteur du récit, faite sous l’influence de l’inspiration divine.

3. Origine traditionnelle.

Bien que le fait de la création soit, d’après le concile du Vatican, connaissable par la raison, voir t. iii, col. 2192-2195, et que la raison donne de bons arguments en faveur de la création, ibid., col. 2100-2109, parce que le comment de la création ex nihilo reste mystérieux, ibid., col. 2037, les commentateurs catholiques de la Genèse admettent tous que le fait et le mode de la création du monde ont été révélés par Dieu au début de l’humanité ; mais ils n’admettent pas pour autant que le récit de la Genèse ait été directement révélé par Dieu à Adam et à Moïse. Quelques-uns trouvent une preuve de la révélation primitive de la création dans l’accord foncier que présentent, malgré de nombreuses divergences de détail et les erreurs polythéistes qui y sont mêlées, les traditions de tous les peuples sur la création du monde. Cf. H. Luken, Les traditions de l’humanité, trad. franc., Paris, Tournai, 1862, 1. 1, p. 42-93. La révélation primitive, altérée chez les polythéistes, se serait conservée pure de toute erreur dans la famille d’Abraham et dans le peuple juif. Un écrivain sacré, soit Moïse lui-même, soit un de ses prédécesseurs si l’auteur de la Genèse a reproduit un morceau antérieur, sous l’action de l’inspiration divine, aurait fixé par écrit le récit traditionnel et nous aurait transmis un récit exempt de toute erreur et vrai dans son objet J. Selbst, Das Alte Testament, dans Handbuch zur Biblischen Geschichte, 6e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1910, t. i, p. 105-108 ; M. Hetzenauer, Comment, in librum Genesis, p. 3 1-36. M. Vigouroux, comparant la cosmogonie mosaïque avec la cosmogonie chaldéenne, admet, à cause de leurs ressemblances, qu’elles représentent une tradition commune à l’origine, mais qui a pris des couleurs diverses en passant par des canaux différents. La tradition biblique est plus pure et plus rapprochée de la source que les traditions chaldéennes, qui ont été altérées et défigurées par les idées polythéistes qu’elles expriment ; l’écrivain inspiré l’a reproduite sans mélange d’erreur et comme exprimant la vérité révélée par Dieu à l’origine. La Bible et les découvertes modernes, t. i, p. 237238.

4. Origine simplement inspirée.

M. Nikel a suivi une autre voie. Constatant que les traditions cosmogoniques des peuples n’étaient pas d’accord, il a nié qu’elles prouvent l’existence d’une révélation ou d’une

tradition primitive sur la création de l’univers. Bien plus, si Dieu avait révélé aux anciens patriarches, Abraham, Isaac et Jacob, ou au premier prophète inspiré d’Israël, à Moïse, le mode de la création première, le peuple d’Israël n’aurait eu qu’une seule manière de parler de la création. Or, indépendamment des deux récits de la création qui se suivent dans la Genèse, i, 1-n, 4 a ; ii, 4 6-25, et qui ne sont pas d’accord dans la manière de décrire la création, on trouve dans l’Ancien Testament d’autres descriptions différentes de la création ; ainsi Job, xxxviii, 3-11 ; Ps. civ, 5-9 ; Prov., viii, 24-29. Il faut donc en conclure qu’il n’y a pas eu à l’origine de récit révélé de la création du monde, et que le c. I er de la Genèse est l’œuvre d’un auteur inspiré, qui l’a composé librement, d’après ses connaissances personnelles, en groupant les huit principales actions créatrices de Dieu dans les six jours de la semaine. Bien qu’étant une libre composition d’un écrivain hébreu, le c. I er de la Genèse n’est pas cependant une œuvre purement naturelle. Par son caractère monothéiste, il a son fondement dans l’idée surnaturellement révélée de Dieu, telle qu’elle était conservée dans Israël sous l’influence des prophètes. Il est donc venu médiatement de la révélation surnaturelle, puisque les idées religieuses et morales qu’il exprime ont été révélées et ont une valeur éternelle, qui est indépendante du progrès des sciences profanes. A lie und neue Angrif/e auf das A. T., 2e édit., Munster, 1908, p. 15 ; Das A. T. im Lichle der altorientalischen Forschungen. I. Die biblische Urgeschichle, p. 19-25.

Pour sauvegarder donc la vérité divine et révélée du récit de la création, quoi qu’il en soit d’ailleurs d’une révélation primitive de la création faite à Adam, il suffit que Moïse ait, par l’effet de l’inspiration divine, rédigé ce récit, cf. S. Chrysostome, In Gen., homil. vii, n. 4, P. G., t. lui, col. 65, ou même l’ait emprunté à un document antérieur, comme le pensait F. Kaulen, Einleilung in die heilige Schrift, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 164, et l’ait inséré en tête de son écrit comme un document vrai et digne de croyance. Il en résultera que les faits de la création de l’univers et des êtres qui le peuplent sont garantis par l’inspiration divine, et par conséquent vrais et réels. Il n’en résultera pas que l’ordre de ces faits et leur disposition dans le cadre de six jours, étant une libre composition d’un écrivain hébreu, même inspiré, sont absolument réels et historiques. L’ordre des œuvres de Dieu et leur distribution dans les six jours de travail divin de la semaine pourront être considérés comme une vue particulière de l’auteur ; ce sera le cas, par exemple, pour la place donnée à la création du soleil, de la lune et des étoiles au 4e jour. En dressant son cadre de sept jours, qui ne se retrouve dans aucune cosmogonie païenne, l’auteur y a disposé, sous l’inspiration divine, les principaux actes créateurs, afin de présenter aux Israélites l’œuvre de la création comme le modèle de la semaine. Ainsi entendu, le c. I er de la Genèse ne contient ni mythe ni erreur, mais la vérité révélée, exposée suivant un plan que l’auteur s’est tracé lui-même, de son propre esprit, mais sous l’inspiration divine. Cette explication, fondée sur l’inspiration de Moïse, garantit la vérité objective des faits racontés aussi bien que la théorie de la vision. Le récit de la création est donc une narration de choses vraiment accomplies, et non pas un récit de choses fabuleuses tirées des mythologies ou des cosmogonies pa ennes, une série d’allégories et de symboles dépourvus de iv alité objective et proposés sous forme d’histoire pour inculquer des vérités religieuses et philosophiques. Cette façon de l’envisager est donc absolument conforme à la décision de la Commission biblique, du 30 juin 1909, et elle correspond entièrement à sa deuxième réponse. Acla apotlolicse sedis, Rome, 1909, 1. 1, p. 567.