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HEXAMERON


la création du monde d’un mythe babylonien qui ne la contenait pas.

Quelques catholiques ont accepté l’hypothèse de l’origine mythique et babylonienne du récit mosaïque de la création. La tradition chaldéenne leur a paru plus ancienne que la forme biblique, qui en serait sortie par voie d’épuration. François Lenormant ouvrit la voie. Les origines de l’histoire, 2e édit., Paris, 1880, t. i, p. 1-5. A. Loisyl’a suivi. Les mythes chaldéens de la création et du déluge, Amiens, 1892, p. 2-34 ; Le monstre Rahab et l’histoire biblique de la création, dans le Journal asiatique, 9e série, 1898, t. xii, p. 44-67. C’était seulement une hypothèse très vraisemblable, que le cadre de la cosmogonie mosaïque avait été fourni en partie à l’auteur du Pentateuque par la tradition chaldéenne. Études bibliques, Paris, 1901, p. 70. Le P. Lagrange admit catégoriquement que le cadre littéraire de la cosmogonie révélée avait été emprunté au poème chaldéen, non sans doute par une imitation littéraire directe, mais par une influence ambiante. Hexaméron, dans la Revue biblique, 1896, t. v, p. 397407. Holzhey a pensé que l’écrivain sacré, sous l’action de l’inspiration divine, a épuré le mythe païen de toute idée polythéiste et l’a animé de l’esprit monothéiste pour lui faire exprimer les idées théologiques qu’il voulait enseigner. Schôpfung, Bibel und Inspiration, Stuttgart, 1902, p. 39-41. Th. Engert a admis aussi l’emprunt indirect du chapitre i er de la Genèse aux mythes sémitiques. Die Urzeit der Bibel. I. Die Wtllschôpfung, Munich, 1907, p. 25-53. Il faut observer que ces catholiques n’admettaient pas, comme on le leur a reproché, l’introduction d’un mythe polythéiste dans la Bible ; ils prétendaient seulement que l’écrivain inspiré avait emprunté aux mythes païens un simple cadre littéraire dans lequel il avait formulé l’enseignement révélé du monothéisme primitif et de la création de l’univers par le Dieu véritable et unique.

M. Vigouroux avait repoussé d’un mot l’hypothèse de l’emprunt fait par la Bible aux légendes cunéiformes, en s’appuyant sur les différences du récit mosaïque et du poème chaldéen : « Moïse a un tout autre accent et ses paroles ont une tout autre signification. » La Bible et les découvertes modernes, t. i, p. 237. D’autres critiques catholiques, sans nier non plus les ressemblances entre le poème chaldéen et le récit mosaïque, ont noté qu’elles ne portaient que sur des points accessoires et que la différence fondamentale résidait dans l’esprit religieux qui animait les deux documents. Tandis que le début de la Genèse est strictement monothéiste et qu’il enseigne expressément la création de l’univers entier par Dieu, le poème chaldéen n’est pas seulement polythéiste, il est panthéiste et admet l’éternité de la matière première ; il est une théogonie autant qu’une cosmologie. Les deux documents représentent donc des vues religieuses sur le monde tout à fait opposées et l’une ne peut dériver de l’autre. Les ressemblances s’expliquent par la communauté de la tradition qui leur a servi de point de départ et qui a été développée dans des sens absolument différents. Zapletal, Le récit de la création, trad. franc., p. 116-137 ; J. Nikel, Genesis und Forschungen. I. Die biblische Urgeschichtc, Munster, 1909, p. 8-18 ; A. Kirchner, Die babylonische Kosmogonie und der biblische Schôpfungsbericht, Munster, 1910 ; M. Helzenauer, Commentarius in librum Genesis, Graz et Vienne, 1910, p. 31-34 ; A. Condamin, Bab’jlone et la Bible, dans le Diclionnaie apologétique de la foi c tholiq e, (’dit. d’Aïs, Paris, 1909, t. i, col. 337-339 cf. col. 345 ; Christus, 2e édit., Paris, 1916, p. 700-703, 936. Du reste, on n’admet généralement pas que la mythologie chaldéenne ait laissé dans la Bible, même en dehors du chapitre I er de la Genèse, des traces appréciables. Si la façon ]

poétique de décrire la lutte de Jahvé contre les monstres Bahab (qui personnifie l’Kgypte), Léviathan, et autres monstres qui désignent les puissances ennemies d’Israël, est due à l’influence de quelque poème mythique, la conception du mythe est complètement transformée dans la Bible. Ces monstres n’y sont pas représentés commedes principes premiers (ainsi Tiâmât, qui, dans le poème chald en, est la puissance du mal et des ténèbres, combattant contre Mardouk à armes égales 1, mais comme des créatures de Jahvé, dont le Dieu d’Israël triomphe en souverain absolu. Voir, dans le Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, les articles Béhémoth, Crocodile, Léviathan et Rahab. Cf. J. Lagrange, Éludes sur les religions sémitiques, p. 381-383.

D’après le P. Lagrange, rien n’empêche que des métaphores du c. I er de la Genèse, n’aient été empruntées a des traditions babyloniennes. Ce qui ne leur a pas été emprunté, c’est le fait même de la création totale par un pouvoir spirituel, fait dont ces traditions n’ont pas le moindre soupçon. Cet enseignement est dû à la révélation primitive, qui a pu être renouvelée à des hommes choisis par Dieu, tels qu’Abraham et Moïse. Or, ces chefs religieux des Hébreux, pour faire comprendre des vérités surnaturelles à un peuple grossier, ont pu se servir d’expressions courantes et de traditions populaires empruntées aux Babyloniens. Encore est-il que, pour le c. I er de la Genèse, les ressemblances se réduisent à presque rien. Revue biblique, 1916, p. 5J8.

2. Origine directement révélée.

A l’extrême opposé d’un emprunt direct ou indirect à un mythe païen, se place le sentiment de plusieurs catholiques qui prétendent que le récit biblique de la création a été directement révélé par Dieu. Ils supposent que Dieu a dû révéler à Adam ou à Moïse le fait et le mode de la création, dont personne n’avait été témoin et qui ne sont pas accessibles à la seule raison humaine. Ce mode de révélation directe leur paraît nécessaire pour sauvegarder la réalité des faits racontés et de l’ordre de la création des êtres. Mais tandis que les uns ne se prononcent pas sur la manière dont Dieu a révélé à notre premier père ou à l’auteur de la Genèse le fait et l’ordre de la création, Th. Lamy, Commentarium in librum Geneseos, Malines, 1883, t. i, p. 104 ; L. Murillo, El Genesis, Rome, 1914, p. 222-227, d’autres soutiennent que cette révélation a dû être faite par Dieu à Adam au moyen d’une vision extérieure, qui faisait dérouler sous les yeux de notre premier père le tableau des six jours de la création. C’est le protestant I. H Kurtz qui a imaginé ce sentiment. Bibel und Astronomie, Berlin, 1842. Le P. de Hummclauer l’a proposé plusieurs fois. Der biblische Schôpfungsbericht, Fribourg-en-Brisgau, 1877 ; dans les Stimmen aus Maria-Laach, 1882, t. xxii, p. 97 ; Comment, in Gcnesim, p. 69-74 ; Le récit de la création, trad. franc., p. 229, 245, 263-274. Il établit son sentiment sur un argument de parité, tiré de la vision qu’Adam a eue de la création de la femme, Gen., ii, 21, et sur cette raison intrinsèque, que le récit si vivant et si coloré du c. I er de la Genèse est plutôt une narration de choses vues et entendues que la répétition de ce qui a été entendu de la bouche d’un autre. Il en conclut que Dieu a révélé à l’homme le procédé de la création en le lui présentant dans une vision comme une œuvre de six jours, et c’est la seule manière d’expliquer les six jours. Le P. Corluy admît d’abord la vision comme possible, Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, t. i, p. 188, puis comme vraisemblable. Science catholique du 15 juillet 1889. G. Hoberg a adhéré à l’explication du P. de Hummclauer, Die Genesis nach dem Lileralsinn erklarl, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1908, p. 1-5. La vision de la création n’a pas été pour Adam purement symbolique ;