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HERMES


à suivre l’oracle de la raison, qu’elle soit en contradiction ou non avec les données théologiques ou religieuses enseignées jusqu’ici ; autrement nous pécherions contre notre raison. » Introduction positive, .Munster, 1829, p. 303. Bref, un catholique a le droit et le devoir de mettre sa foi en doute ; il ne peut sans cela raisonner sa croyance. Si méthode, Hermès l’expose au long dans la préface à l’Introduction philosophique ; il en fait une obligation rigoureuse à ses disciples dans la méthodologie qui précède son Introduction positive ; loin qu’il la rétracte dans les pages par où débute sa Dogmatique spéciale, il en étend l’application à l’étude de chaque dogme en particulier. Voir t. vi, col. 280-284.

Peut-on sortir du doute et parvenir à une vraie certitude ? Cette question, Hermès la pose comme il suit : Y a-t-il pour l’homme une détermination sur la vérité qui soit sûre ? Quelles voies la font connaître ? Peut-on oui ou non en appliquer une à la démonstration du christianisme ? Introduction philosophique, p. 83. La certitude procède, suivant lui, et de la raison spéculative et de la raison pratique comme d’une double source Moins radical donc que Kant et Fichte, il ne demande pas à la raison pratique seule de fonder et de garantir toute certitude ; bien peu large cependant est la part en ceci qu’il laisse à la raison pure. Au reste, comme ces philosophes, il entend par raison théorique et par raison pratique non deux fonctions d’une même faculté, mais deux facultés absolues. La raison spéculative tient ce qu’elle affirme pour vrai et réel quand elle y est contrainte par une nécessité insurmontable, ne pouvant tenir le contraire ; autrement la certitude pour elle est dans cette nécessité qu’elle voit, qu’elle reconnaît subir par une sorte de violence physique. Cependant d’où vient que l’assentiment de la raison pure soit nécessaire ? Serait-ce un effet de la perception ou de l’évidence de la vérité, de la réalité objective des choses ? Hermès le nie formellement. Il semble bien que dans le tenir pour vrai la raison théorique cède à une impulsion aveugle, subjective, que son assentiment prétendu certain se résout en une foi ou croyance à la vérité et réalité de son objet. Hermès avoue par ailleurs que la conviction nécessaire ou le tenir pour vrai pourrait bien être en soi un pur phénomène, une illusion ; il faut pourtant s’en contenter ; car, et il ne trouve à la difficulté d’autre réponse, « soit que ce que je dois tenir pour vrai soit vrai ou faux en soi, dit-il, si je découvre que je dois le tenir pour vrai et que je ne puis pas autrement, alors cela est et demeure vrai pour moi. » Introduction philosophique, p. 147. Et ce genre de certitude auquel atteint la raison spéculative n’a lieu que pour les vérités métaphysiquement nécessaires. Il appartient à la raison pratique de nous rendre certains des autres, notamment des faits historiques et des lois de la morale. Elle est dite alors les admettre pour vrais. L’admettre pour vrai de la raison pratique consiste en un acquiescement libre ou consentement volontaire à la vérité et à la réalité des choses. Il se produit, non plus comme le tenir pour vrai de la raison pure, par une nécessité inéluctable, mais en vertu d’une obligation morale ou de l’impératif catégorique kantien. Conserve en toi et dans les autres la dignité humaine : tel est le suprême impératif catégorique, le but auquel toutes les fins pratiques ou morales sont ordonnées, la source d’où provient leur force obligatoire ; tel est aussi le premier critère de certitude pour la raison pratique. La raison pratique est donc la faculté qui admet la vérité en même temps que le caractère obligatoire des choses conformes à la dignité humaine. Soit un devoir quelconque envers Dieu, envers soi ou envers les autres, auquel l’homme ne peut satisfaire s’il n’admet pour vrai et réel tel ou tel objet de connaissance, bien

qu’en lui la raison pure persiste à en douter, la raison pratique aura et gardera la persuasion que la chose est vraie et réelle. Prenons un des exemples invoqués par Hermès, le moins étrange. Nous avons le devoir, pour atteindre notre fin morale, faute de science personnelle, de recourir à l’expérience des autres, notamment à l’expérience des siècles passés. Or comment user de ce moyen nécessaire si nous n’admettons pour vraie la connaissance des temps antérieurs, autrement des faits historiques. Voilà fondée et garantie par la raison pratique une des principales certitudes, celle de l’histoire.

Hermès ne prend pas la peine de dissimuler le conflit toujours possible entrela raison pure et la raison morale, celle-ci commandant une persuasion alors que celle-là autorise à douter. Qu’il le veuille ou non, c’est une cloison étanche qu’il dresse entre la conviction et la pratique. L’impératif catégorique n’oblige directement qu’à vouloir et à faire. Qu’arriverait-il donc si le doute théorique concernait la licéité de l’action ou même la vérité de la foi ? Il semble qu’il suffise, conformément aux principes hermésiens, de vouloir et d’agir comme si on tenait la foi chrétienne pour certaine pendant que la raison pure persiste à en douter. Au reste, est-il aisé toujours, en beaucoup de cas n’est-il pas impossible d’établir au regard de la raison pratique que tel sujet de connaissance ou telle persuasion de la vérité est dans un rapport nécessaire avec la dignité humaine, demeure l’unique moyen de la sauvegarder ? Quel lien rigoureux y a-t-il, en particulier, entre la réalité d’un événement de l’histoire et la fin morale d’un individu déterminé ? Mais, et en ceci tout particulièrement se trahit l’étroite affinité du système hermésien et de la doctrine kantienne, la raison pratique n’est une règle suprême de certitude que parce qu’elle est autonome et législatrice. Tel est le postulat faux que plus d’une fois nous aurons l’occasion de mettre en relief dans les élucubrations théologiques de Hermès. Donc, suivant lui, la raison pratique ne relève que d’elle-même ; son impératif catégorique, elle l’énonce en son propre nom. Il n’est pas nécessaire d’établir au préalable que Dieu est le fondement et la source de toute obligation ni même qu’il existe, la raison pratique étant à elle-même sa loi, le point d’attache de tout lien moral. Voir t. vi, col. 234-236. Hermès cherchait le mo en d’asseoir une démonstration véritable du christianisme : il crut le trouver dans la raison pratique. Voici les traits principaux d’une apologétique qu’il fait reposer tout entière sur sa théorie de la certitude morale.

Apologétique.

L’apologétique a pour objet

d’établir la vérité historique et le caractère obligatoire de la révélation divine. Ces deux points, Hermès professe ne vouloir pas les prouver comme toute la tradition catholique avant lui. Il estime que la raison pure ne donne pas du fait de la révélation une certitude véritable, mais une simple probabilité, si grande qu’on la suppose. Probables seulement sont au regard de la raison spéculative tous les miracles et les prophéties qui autorisent la mission et la doctrine de Jésus-Christ, l’institution par lui de l’Église ; probables de même toutes les preuves qui garantissent la véracité du Maître ainsi que la véracité des disciples, voire même l’axistence du Christ ; rien que probable non plus l’historicité des Livres saints qui en témoignent. Ce sont là autant de faits contre lesquels on ne se défendra jamais d’un doute théorique, à propos desquels on se demandera toujours ou s’ils furent surnaturels ou même s’ils ont existé. Le remède à ce doule est dans la raison pratique et le devoir qu’elle impose d’accepter comme vraies et réelles les croyances chrétiennes, nonobstant les répugnances de la raison