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HERMAS


C’est donc au témoignage du fragment de Muratori, corroboré d’ailleurs par des arguments d’ordre interne, qu’il convient de s’en tenir avec Lipsius, Bibellexikon, 1871, t. iii, p. 20 sq. ; Heyne, Quo lempore Hermæ Pastor scriptus sit, Kœnigsberg, 1872 ; Behm, Ueber den Verfasser der Schrift, welche den Tilel « Hirt » fùhrt, Rostoch, 1876 ; Harnack, Patrum aposl. opéra, Leipzig, 1876, t. i, p. lxxvii sq. ; Batiffol, La littérature grecque, Paris, 1897, p. 63 sq. ; Mgr Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, Paris, 1906, 1. 1, p. 224 ; A. Lelong, Le Pasteur d’Hermas, p. xxv-xxix’; Funk, Opéra Pair, aposl., Tubingue. 1881, 1. 1, p. cxvii sq. ; Bardenhewer, Les Pères de l’Église, trad. franc., Paris, 1899, t. i, p. 98-92.

Hermas fait allusion à l’amour des richesses ; bonne preuve que l’Église avait joui d’un temps de paix. Mais des persécutions avaient eu lieu ; il y eut des martyrs et aussi des apostats ; mais quelques chrétiens s’en tirèrent par la seule perte de leurs biens. Hermas lui-même avait été dénoncé par ses fds et ruiné ; au moment de ses visions, il ne lui restait plus qu’un champ. Peut-être avait-il été, au temps de sa jeunesse, à l’âge de 30 ou 35 ans, l’une des victimes de la persécution de Domitien auxquelles Nerva, d’après Dion Cassius, 68, 2, avait fait rendre les biens confisqués. Da’is ce cas, sous le règne d’Antonin le Pieux (138161), contemporain du pape Pie (140-155), il aurait été plus que septuagénaire. Il écrit dans un temps où le gnosticisme existe, mais ne paraît pas encore un danger grave pour l’Église ; il combat le relâchement des chrétiens, mais sans signaler des erreurs doctrina’e ;. Le seul passage qui se rapporte à un enseignement gnostique est celui où il est question de ceux qui abusent de la chair, Sim., v, 7 ; mais les faux docteurs visés par Hermas semblent appartenir encore à l’Églis et n’en avoir pas été rejetés, comme ils ne tardèrent ptis à l’être. Dans le passage plus particulièrement relatif aux gnostiques, Sim., ix, 22, 2, il est encore ques’io’i de fidèles, 7tia- : ot, qui « veulent tout savoir et ne connaissent rien, » « être des maîtres, quand ils ne sont que des insensés. » Parmi eux beaucoup ont été rejetés, mais d’autres, reconnaissant leurs fautes, ont fait pénitence ; ^ ceux qui restent la pénitence est proposée comme moyen de salut, car ils n’ont pas été mauvais, mais plutôt fous et sans esprit : oùx èyévovio yàp novripot, [iàXXovÔs [xo>pot /ai àaiSveToi. Sim., ix, 22, 4. Ce n’est pas ainsi que se serait exprimé Hermas, si de son temps ! e gnosticisme avait été pour l’Église le danger qu’il devint peu après ; il pouvait parler de la sorte avait l’explosion du gnosticisme vers le milieu du iie siècle. Était-ce un montaniste ? Il n’y paraît guère, malgré certaines affinités de sa morale avec celle du montanisme. Il considère, en effet, l’Église comme étant en droit une société de saints, mais étant en fait un mélange de justes et de pécheurs ; il regarde comme imminente la parousie du Seigneur ; il a des visions et des révélations. Mais la solution d’Hermas diffère de celle du montanisme et porte la marque d’une date antérieure. Tandis que les montanistes refusaient le pardon aux grands pécheurs, Hermas leur accorde au moins une fois la pénitence et promet le salut aux pénitents. Montaniste, il n’aurait pas loué le mari d’une épouse adultère de la reprendre, si elle venait à faire pénitence, et il aurait condamné les secondes noces. Les montanistes ajoutaient des jeûnes aux jeûnes prescrits par l’Église ; Hermas se contente de jeûner les jours de station, sans voir dans cette pratique une obligation et en insistant sur le côté spirituel du jeûne. Il y a donc dans le Pasteur moins de rigorisme que dans le montanisme, et il n’y a rien de ce qui est spécial au montanisme. A. Stahl, Patristische Untersuchungen… III. Der « Hirl » des Hermas, Leipzig, 1901, a même prétendu que l’auteur combattait les montanistes, mais il date

DICT. DE THÉOL. CATH.

son œuvre des années 165-170. Le témoignage du fragment de Muratori a plus d’autorité que les arguments de Stahl n’ont de valeur.

II. Son ouvrage.

Texte et versions.

Le Pasleur

a été composé en grec, mais le texte original ne nous est point parvenu dans son intégrité. Le premier quart, Vis., i -Mand., iv, 3, 6, se trouve dans le codex Sinaiticus de la Bible du ive siècle, découvert en 1859 ; deux autres morceaux se trouvent dans un papyrus du ve siècle rapporté de Fayoum et conservé à Berlin ; un manuscrit du mont Athos, xive -xve siècle, publié à Leipzig par Tischendorf, en 1856, le contient dans sa presque totalité ; trois feuilles de ce manuscrit, comprenant Mand., xii, 4, 7 - Sim., viii, 4, 3, et Sim., ix, 15, 1, - 30, 2, dérobées par Constantin Simonide, ont été acquises par la bibliothèque de Leipzig. C’est à l’aide de ces manuscrits qu’ont été faites les éditions du texte grec par Hilgenfeld, Novum Testamentum extra canonem receptum, Leipzig, 1866 ; 2e édit., 1881 ; 3e, 1887 ; Gebhardt-Harnack, Hermse Paslor, Leipzig, 1877. En 1880, Lambros découvrit au Mont-Athos un manuscrit contenant une partie du texte grec du Pasteur et il constata plus tard qu’il était la source du manuscrit de Leipzig. Robinson fit la collation du texte, A collation of the Athos codex of the Shepherd o/ Hermas, 1888, p. 25-29. Henner fut le premier qui utilisa ce manuscrit dans son édition des Pères apostoliques en 1891. Photogra, hie par K. Lake Oxford. 1907.

La même année, U. Wileken découvrit une feuille manuscrite sur papyrus, du ive siècle, reproduisant Sim., ii, 7-10 ; iv, 2-8, et il en publia le texte. Tabeln zur àltercn griechischen Paléographie, Leipzig et Berlin, 1891, tab. ni. Diels et Harnack rééditèrent et commentèrent ce fragment, trouvé au Fayoum et conservé au musée de Berlin, dans les Sitzungsbcrichle der Berliner Akademie der Wissenschajten, 1891, p. 427-431 ; Albert Ehrhard, dans la Theologische Quartalschrifl, 1892, p. 294-303, et K. Schmidt et W. Schubart, Altchristich’Texte, Berlin, 1910, p. 13-15. Une feuille de papyrus, contenant une courte citation de Mand., xi, 9 sq., a été publiée par Grenfell et Hunt, en 1899. Des fragments de sept feuilles de papyrus ont été publiés par les mêmes savants papyrologistes, The Amherst papjri II, Londres, 1901, p. 195 sq. (Vis., i, 2, 2-3, 1 ; iii, 12, 3 ; 13, 3, 4 ; Mand., xii, 1, 1, 3 ; Sim., ix, 2, 1, 2, 4, 5 ; 12, 2, 3, 5 ; 17, 1, 3 ; 30, 1-4). Cf. A. Lelong, Le Pasteur d’Herrn is, p. ci n. Un fragment (Sim., x, 3, 3-6) a encore été publié par les mêmes. Cf. ibid., p. cm-civ. Une feuille de parchemin, trouvée en Egypte et conservée à la bibliothèque municipale de Hambourg, du ive au ve siècle, contient la fin de Sim., iv, et le commencement de Sim., v. Cf. K. Schmidt et W. Schubart, dans les Sitzangsberichte der Berliner Akademie, 28 octobre 1909 ; A. Lelong, op. cit., p. xcv-cn. Un papyrus du vie si’île donne le début de Sim., viii, 1, 1-12, publié par K. Schmidt et W. Schubart. Allchristliche Texte, p. 17-20.

Jusqu’en 1856, le Pasteur n’était connu que par une version latine, dite Vulgate, publiée pour la première fois par Lefèvre d’Étaples, Liber trium virorum et trium spirilualium virginum, Paris, 1513, et reproduite dans leurs éditions des Pères apostoliques par Cotelier. Fell, Gallandi, Migne, Hefele. Hilgenfeld en a donné une édition critique insuffisante, Hermæ Pastor, Leipzig, 1873. Une autre version latine, dite palatine, en a été publiée parDressel, à Leipzig, en 1857 et en 1863, puis par Hollenberg, à Berlin, en 1868, d’après un manuscrit du fonds palatin du Vatican, du xiv c siècle. Ces deux versions sont indépendantes l’une de l’autre ; la première doit avoir suivi de près l’apparition de L’original grec ; Tertullien parle du Pastor, non du Ilo ; j.rj v ; la seconde, déjà connue de l’auteur de la Vie de sainte Geneviève, vers 530, remonte au v c siècle et a eu très

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